Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a commencé le long examen du budget 2022

L'examen du budget primitif 2022 de la Nouvelle-Calédonie a commencé lundi après-midi au Congrès.
Séance exceptionnelle et très animée, depuis ce lundi après-midi, au Congrès, qui examine le budget primitif 2022 de la Nouvelle-Calédonie, ou plutôt ses trois déclinaisons.

Des débats prévus tout ce lundi après-midi et jusqu’à 20 heures ce soir, puis de 8 heures à minuit demain, mardi : un marathon a démarré, au Congrès. Notamment pour examiner le budget primitif 2022 de la Nouvelle-Calédonie proposé par le dix-septième gouvernement. Un baptême du feu pour son président, Louis Mapou, qui s’y attelle pour la première fois.

L'Etat l'an dernier

L’an dernier, faute d'un exécutif de plein exercice, l'Etat a dû se charger de fixer les trois différents budgets : le budget propre de la Nouvelle-Calédonie, le budget de répartition qui redistribue des recettes aux différentes collectivités et le budget de reversement qui finance les établissements publics.

Cette séance exceptionnelle débute par un hommage de Roch Wamytan, président (indépendantiste) du Congrès, à l'ancien chef de file du Front national Guy George, longtemps conseiller du bouvelard Vauban, décédé jeudi dernier. Après un instant de recueillement, Louis Mapou prononce quelques mots d'introduction.

Point de situation financière

Puis place à la directrice du Budget et des affaires financières, qui pose la situation, pour le moins délicate. "Nous nous étions quittés, le mois dernier, lors du débat d’orientations budgétaires, sur un constat du budget de la Nouvelle-Calédonie qui était très dégradé", rappelle Sophie Garcia. "Avec :

  • un budget de reversement résilient, qui a été peu impacté par la crise sanitaire mais dont les ressources ne sont plus suffisantes pour assumer le déficit des régimes sociaux.
  • un budget de répartition globalement à la baisse, depuis 2012, et qui impacte fortement les budgets des collectivités. Surtout celui de la Nouvelle-Calédonie qui doit compenser les pertes des communes - l’effet cliquet règlementaire - et celui des provinces, puisque des trop-versés n’ont pas été remboursés.
  • et un budget propre très dégradé, malgré une politique de maîtrise des dépenses engagée depuis 2016, mais dont les effets ne sont plus suffisants."

"Plus de réserves"

"De ce fait, résume la directrice de la DBAF, la Nouvelle-Calédonie a puisé tout son fonds de roulement, elle est fortement endettée, elle n’a plus de réserves. Et depuis deux ans, elle doit faire face à une crise sanitaire de grande ampleur, avec heureusement le soutien de l’Etat."

L’année 2022 sera une année charnière puisqu’au vu des perspectives limitées, il est urgent d’assainir la situation financière de la Nouvelle-Calédonie, pour retrouver des marges de manœuvre et une trajectoire vertueuse de ses finances.

Sophie Garcia, directrice du Budget et des affaires financières de la Nouvelle-Calédonie

Cette baisse de dotations qui inquiète les collectivités

Etape suivante : l'audition exceptionnelle de Georges Naturel, en tant que président de l'AFM-NC. L'Association française des maires alertait vendredi sur les conséquences qu'aurait le budget de répartition sur les municipalités si la forte baisse du FIP fonctionnement se confirmait. Le maire de Dumbéa, qui demandait à rencontrer le président Mapou, profite de cette tribune pour sensibiliser les élus aux difficultés des communes. Martelant qu'elles risquent de connaître une diminution de ces recettes pour la première fois depuis 1969.

Je suis convaincu qu’un certain nombre d’entre nous auront de vrais problèmes de trésorerie cette année.

Georges Naturel, président de l'AFM-NC

Si les débats sont particulièrement vifs sur le budget primitif de répartition, c'est parce qu'il est annoncé nettement en baisse (à 115,9 milliards, soit - 4 %). Montant prévu des dotations versées aux collectivités : 103 milliards en 2022. C’est 4,2 milliards de moins pour les provinces et 770 millions de moins pour les communes. 

Il faut qu'on intègre bien que nous sommes dans une phase de sortie de crise et que c'est compliqué pour tout le monde.

Louis Mapou, président du dix-septième gouvernement

A boulets rouges

Après réponse de Louis Mapou, place à une longue succession de prises de parole. Chaque courant du camp loyaliste va notamment tirer à boulet rouges sur ce budget primitif, dans le fond comme la forme. Morceaux choisis : pour Virginie Ruffenach, de l’Avenir en confiance, le gouvernement sacrifie un certains nombre d’outils de relance économique. Selon Nicolas Metzdorf, de Générations NC, certains secteurs se retrouvent lésés, comme l’enseignement, au détriment d’autres, comme le transport, qui représente presque la moitié des dépenses d’équipement annoncées.

Quant à Sonia Backès, également AEC, et Philippe Michel, de Calédonie ensemble, ils insistent sur un manque de concertation. Manque de discussion avec les collectivités, manque de discussion avec les groupes du Congrès mais aussi manque de collégialité au sein du gouvernement. De quoi faire glisser les débats sur le fonctionnement des institutions calédoniennes, notamment du gouvernement collégial, régulièrement paralysé par le bras de fer entre indépendantistes et loyalistes.

Recours au budget supplémentaire

Le président du gouvernement, qui parle de budget de rigueur, justifie les choix de l'exécutif par le fait que l'Etat a posé des conditions, dans le cadre du prêt AFD. Notamment la maîtrise des dépenses. Louis Mapou annonce aussi que de nouvelles dotations seront vraisemblablement fléchées vers les collectivités lors du budget supplémentaire. Lequel pourrait se faire dès le mois de mai. Il est question de 1,8 milliard pour la province Sud ; 1,2 milliard pour la province Nord et 700 millions pour la province Îles. Il ne parvient pas pour autant à éteindre le feu des critiques. 

Des amendements à la pelle

En soirée, les vifs échanges se poursuivaient dans l'hémicycle du Congrès. Pas moins de dix amendements ont été déposés par les loyalistes "pour rééquilibrer le budget". Ainsi, AEC, Calédonie ensemble et Générations NC ont proposé de modifier l’affectation des recettes de la TGC en la diminuant pour deux établissements publics, le Port autonome (- 450 millions) et l’Agence pour la desserte aérienne de la Nouvelle-Calédonie (- 300 millions).

Un autre amendement propose de retirer du budget propre de la Nouvelle-Calédonie 650 millions alloués aux routes, les loyalistes estimant que la compétence revient plus aux provinces et aux communes. Toutes ces mesures permettraient, selon eux, d’augmenter les dotations pour les collectivités, soit un milliard pour les provinces et 400 millions pour les communes. 

Un texte voté

Quand la séance a été levée, vers 20 heures, le texte sur les recettes de la TGC était passé au vote. Il a été adopté à 29 voix pour et 25 voix contre. Les amendements destinés à piocher dans les affectations au port et à l’Adanc ont donc été rejetés. Et on retiendra que les élus de l'Eveil océanien ont voté avec les indépendantistes, donnant ainsi leur confiance au gouvernement.

Voilà qui donne le ton pour ce mardi. Rendez-vous à 8 heures afin de reprendre cet examen du budget. "On va rentrer dans la technique. Aujourd’hui, on a discuté politique", a terminé Roch Wamytan, président du Congrès. Avec cette conclusion quelque peu optimiste : "On ne s’est pas mis d’accord, mais ça arrive. On a le temps pour nous. Un jour, on va se mettre d’accord. On va se mettre d’accord sur tout." 

Vote du budget primitif 2022 de la NC, jour 1, par Coralie Cochin

Le reportage de Bernard Lassauce et Christian Favennec

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