Le nickel a repris son rallye et c’est bon pour la Nouvelle-Calédonie 

La mine de nickel de Tiebaghi (SLN) en Province Nord de la Nouvelle-Calédonie

Plus de 18 000 dollars la tonne. Le nickel a franchi un nouveau seuil haussier. Même les déclarations du sidérurgiste chinois Tsingshan annonçant qu’il allait produire du nickel pour les batteries électriques, à partir de concentrés abondants pour l’acier, n’y ont rien changé.

Avec les énergies vertes, les besoins en nickel et en métaux industriels sont en plein essor. C’est le prix à payer de la révolution énergétique. "Le 21ème siècle sera celui des matières premières", a déclaré l’économiste Emmanuel Hache lors d’un récent colloque sur les sources d’approvisionnement en minerai pour les batteries électriques de l’Union européenne.

Le siècle des matières premières aura son corollaire, beaucoup de mines et d’usines, si possible propres. La Nouvelle-Calédonie s’est engagée dans la voie de ces nouvelles normes environnementales qui s’appliquent aux mineurs et aux métallurgistes du Territoire. "Ce sont les meilleurs au monde pour y parvenir", a rappelé Hervé Thoraval, ancien responsable logistique dans l’industrie du nickel.

La demande de lithium multipliée par 40 d'ici 2040, celle de cobalt et de nickel par 20... Si le monde veut tenir ses objectifs climatiques, les Etats doivent se pencher urgemment sur leur approvisionnement en minerais nécessaires à la transition énergétique, souvent concentrés dans un petit nombre de pays, a rappelé l'Agence internationale de l'énergie.

"Cette concentration géographique, les délais pour mettre en œuvre de nouvelles productions minières, la qualité déclinante des ressources dans certaines régions, et les impacts environnementaux des mines... tout cela génère des préoccupations en terme d'approvisionnement", résume Fatih Birol, le directeur de l'AIE.

"Ces risques sont réels, mais surmontables", dit-il: tout dépendra de "la réponse des politiques et des entreprises", qui "fera que ces minerais critiques permettent une transition vers des énergies propres, ou au contraire créent un goulot pour tout le processus".

Voitures électriques, rotors d'éoliennes et autres unités de stockage sont très gourmands en certains métaux comme le cuivre ou le nickel : une voiture électrique en demande six fois plus qu'un véhicule à moteur thermique, un site éolien terrestre neuf fois plus qu'une centrale au gaz naturel liquéfié de taille équivalente, pointe l'AIE.

Lithium, nickel, cobalt, manganèse, graphite offrent longévité et efficacité aux batteries, les aimants de turbine font appel à des terres rares, les cathodes des batteries des véhicules électriques ont besoin de nickel, les réseaux exigent du cuivre...

Dans son rapport publié mercredi, l'Agence a évalué les besoins futurs, en fonction des évolutions technologiques et du rythme auquel le monde se tournera vers des énergies bas-carbone.

Selon l'AIE, d'ici 2040 la demande globale du secteur énergétique pour ces minerais pourrait quadrupler si le monde se conforme aux engagements de l'accord de Paris.

Ce sera un facteur six s'il tend vers la neutralité carbone pour le milieu de siècle. Pour le seul lithium, la demande sera multipliée par 40, voire 75 - l'électronique grand public n'en est déjà plus le premier consommateur, détrônée par les véhicules électriques et batteries. Les besoins en nickel pour le même secteur devraient doubler d’ici 2050.

La production électrique exigera trois fois plus de minerais, tirée par l'éolien offshore et le secteur photovoltaïque. Et plus d'hydrogène, ce sera plus de platine.- Anticiper et recycler -

Alors que le prix des technologies recule, les minerais devraient prendre une part croissante de leur valeur totale, rendant la filière d'autant plus vulnérable aux variations du marché des métaux de Londres (LME).

Or, plus que pour le pétrole par exemple, la production est souvent concentrée sur quelques pays. En 2019, la République démocratique du Congo et la Chine ont produit 70% et 60% respectivement du cobalt et des terre rares. Et le raffinage est dominé par la Chine, sur son territoire ou en Indonésie pour le nickel.

"Que se passera-t-il si nous ne prenons garde au sujet minerais? Les prix risquent de grimper de manière abrupte, synonyme de transition plus coûteuse et donc plus lente que nous le souhaitons", dit Fatih Birol.

"Les chiffres montrent un décalage imminent entre des ambitions climatiques mondiales accrues et la disponibilité de minerais critiques indispensables pour concrétiser ces ambitions", prévient-il, "appelant" les gouvernements à "élargir leur horizons", "ne pas seulement subventionner voitures électriques ou panneaux solaires, mais penser aussi au revers de la médaille".

"En agissant dès maintenant et de concert sur la question des minerais, les gouvernements peuvent significativement réduire les risques de volatilité des prix et de perturbation de l'offre", ajoute-t-il.

L'AIE émet plusieurs recommandations: notamment que les Etats du monde publient leurs stratégies climatiques de long terme, et le détail de leurs actions, pour conforter les investisseurs miniers.

La coopération internationale entre producteurs et utilisateurs devrait être renforcée, tout comme les normes environnementales et sociales entourant l'extraction, ajoute l'Agence.

Le recyclage aussi doit être promu. "Le plus important ce sont les économies d'échelle, et des productions industrielles responsables et favorables. Les politiques peuvent l'encourager", a déclaré à des journalistes Tae-Yoon Kim, l'auteur principal du rapport.

Certains Etats agissent déjà, note Tim Gould, qui a codirigé l'étude: "certains cherchent des fournisseurs responsables, d'autres s'intéressent aux investissements". En Finlande et en Nouvelle-Calédonie, Tesla et Trafigura ont trouvé les deux.

LME-Nickel

Au LME de Londres, les investisseurs ont relevé que les actions asiatiques ont progressé après que Wall Street a rebondi sur des données économiques positives avec un rebond de la productivité. "Il n’y a pas de meilleur endroit pour investir actuellement que les matières premières de la transition énergétique", a constaté un analyste de Marex Spectron. En Chine, les exportations industrielles ont augmenté plus que prévu en avril, la demande du reste du monde s'accélérant.

Le nickel a progressé vendredi, pour une troisième journée consécutive.

Il a touché 18 112 dollars/tonne – son cours le plus haut depuis le 3 mars.

Le métal est resté au-dessus de la moyenne mobile de 100 jours à 17 340 dollars.

En Chine, le nickel côté au SHFE (LME asiatique) vaut 133 620 yuans, en hausse de 10% au cours des deux dernières semaines.

L'indicateur de position qui suit le nombre de contrats ouverts sur le marché du nickel est passé vendredi à 252 954 lots contre 248 052 jeudi (Sources Marex Spectron).

Clôture du nickel au LME de Londres le 07/05/21 en soirée : 18 060 dollars/tonne +0,89%. [Semaine +2,70% Année +47%]

"La Nouvelle-Calédonie est indispensable à la transition énergétique" (Matthew Chamberlain, Président du LME)