Le nickel face au spectre d’un ralentissement économique mondial

Les ruines du combinat industriel Azovstal à Marioupol.
Le nickel est en train de réduire la voilure, après un début d'année fulgurant. Le contrecoup des niveaux records récemment atteints, mais aussi de la fin du crédit bon marché avec, en plus, le spectre d'un ralentissement économique lié aux conséquences mondiales du conflit en Ukraine qui plomberait la demande de matières premières

La guerre en Ukraine, les sanctions contre la Russie et les confinements en Chine ont ajouté à l'anxiété du marché des métaux industriels, qui n'a plus de certitude. "C'est un environnement très difficile", reconnaît Anwiti Bahuguna, responsable de la stratégie tous actifs chez Columbia Threadneedle Investments.

La situation concerne les grands producteurs mondiaux de matières premières. La Nouvelle-Calédonie figure en cinquième position pour le nickel, derrière l'Indonésie, la Russie, les Philippines et le Canada.

Le prix du nickel a fondu sur la semaine, malmené par un dollar en pleine forme et par la perspective d'une politique monétaire plus stricte aux Etats-Unis. Le métal est aussi plombé par l'effritement de la demande, notamment venant de Chine. "C'est un casse-tête dans le sens où on n'a pas encore de paramètres bien définis sur la persévérance de l'inflation et la croissance mondiale", observe Chaguir Mandjee, gérant de portefeuille chez Tailor AM.

Dollar fort, Nickel cher

La Réserve fédérale américaine (Fed) a amplement signalé qu'elle comptait remonter ses taux rapidement, rendant ainsi le dollar américain plus attractif. La hausse du billet vert, monnaie de référence du marché des métaux de Londres (LME), rend le nickel moins abordable pour les investisseurs et les industriels, notamment asiatiques, utilisant d'autres devises. "La très grande fermeté du dollar américain a pesé sur les prix" de l'ensemble des métaux de base, résume l’analyste Daniel Briesemann de Commerzbank.

Résultat, le nickel a perdu une partie des gains qu'il avait engrangés en mars, avec le déclenchement de la guerre en Ukraine et les craintes de rupture des livraisons russes, et ne semble plus bénéficier de son statut de valeur refuge pour l'instant.

C'est dans ce climat anxiogène qu'a eu lieu le 9 mai dernier, la commémoration de la victoire sur le nazisme. A cette occasion, la population de Norilsk, le centre métallurgique de l'industrie russe du nickel, a défilé dans les rues de la ville. (DR Youtube blogosphère russophone)

LME Index

Le LME Index (LMEX), un indice qui intègre les prix de l'aluminium, du cuivre, du plomb, du nickel, de l'étain et du zinc échangés sur le LME, atteignait vendredi un plus bas depuis décembre, à 4.380 points. Il a ainsi dévissé de près de 20% depuis le 27 février dernier, date de son plus haut cours spéculatif de l'histoire.

"Les inquiétudes concernant la demande et l'économie en général continuent de prédominer", pesant directement sur les cours du métal, explique Daniel Briesemann, analyste chez Commerzbank, interrogé par l’AFP.

Confinements en Chine

Fortement utilisé dans l'industrie, notamment pour l’acier inoxydable et les batteries des voitures électriques, le nickel est un indicateur de l'état de santé de l'économie mondiale. Les confinements en Chine continuent également de jouer sur les cours de L'ensemble des métaux industriels, dont la Chine est grande consommatrice.

Shanghai, la plus grande ville du pays, a confiné ses 25 millions d'habitants début avril dans l'espoir d'enrayer la pire flambée de Covid à frapper le pays depuis la vague initiale de début 2020. Malgré une forte baisse du chiffre quotidien des contaminations, les autorités renforcent leur arsenal de mesures anti-épidémiques, au nom de la stratégie du zéro Covid.  

Conflit en Ukraine

Les positions occidentales de soutien à l'Ukraine divergent entre les Anglo-saxons et les Européens de l'Ouest, les premiers poursuivant un objectif stratégique d'affaiblissement de la Russie dont les conséquences potentielles inquiètent les seconds. Etats-Unis et Royaume-Uni abreuvent d'armes l'Ukraine beaucoup plus massivement que le font la France ou l'Allemagne.

"Du point de vue économique, il y a une vraie asymétrie" entre l'exposition des Anglo-saxons et celle des Européens, Allemands en tête, explique Sébastien Jean, professeur d'économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers, interrogé par l’AFP. "Etats-Unis, comme Royaume-Uni dans une moindre mesure, sont des producteurs d'énergie significatifs, leur dépendance aux importations est plus limité", rappelle-t-il à l'AFP.

Perturbations du nickel

De même, les perturbations de la guerre pèsent "principalement sur les matières premières brutes ou transformées, y compris des intrants importants pour l'industrie", comme le palladium, la potasse, le nickel, etc.

Or, l'industrie allemande, très puissante mais très énergivore, est très exposée à ce choc. Ainsi, 70% du nickel de classe 1 destiné aux batteries électriques des géants allemand de l’automobile provient de Russie. C'est moins le cas pour le Royaume-Uni par exemple car son industrie est moins puissante. Son nickel intermédiaire vient de chez Vale au Canada et il est transformé au Pays de Galle. Les Etats-Unis utilisent aussi le canal d’approvisionnement canadien.

LME Nickel : 27.529 dollars tonne vendredi 13 mai. Baisse de 3000 dollars par rapport au vendredi précédent.