"Une dynamique démographique en berne dans un contexte atypique". C'est en ces mots que l'Isee décrit l'évolution de la population calédonienne en 2020 et en 2021. L'Institut de la statistique et des études économiques a en effet diffusé, vendredi 16 septembre, un bilan pour ces deux années. En voilà neuf informations marquantes.
1 Baisse historique de la population
C'est inédit, le nombre d'habitants a diminué, évalue l'Isee. Au 1er janvier 2022, la population totale estimée de la Nouvelle-Calédonie est tombée sous la barre des 270 000 habitants. Elle aurait baissé de 330 personnes en 2020 (- 0,1 %) et de presque 1 050 personnes en 2021 (- 0,4 %). Car le solde naturel (la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès) ne suffit plus à compenser le déficit migratoire.
2 Des tendances déjà observées, mais accentuées
Cette analyse met en exergue que les années 2020-2021, sous l’influence de la crise sanitaire mondiale, ont accentué des tendances déjà observées entre 2015 et 2019. Avec une forte baisse de la nuptialité, un recul de la natalité et une augmentation de la mortalité.
3 Le nombre de naissances ramène aux années quatre-vingts
En 2020, 3 990 bébés sont nés en Calédonie, puis 3 930 en 2021. Soit une baisse respective de 3,7 % et 5,1 % par rapport à la moyenne enregistrée entre 2015 et 2019. Autrement dit, le nombre annuel de naissances descend sous la barre des 4 000, deux années d'affilée, pour la première fois depuis trente-cinq ans. "La baisse tendancielle du nombre de naissances, observée depuis une dizaine d’années, se confirme ici et s’accentue, sous l’effet conjugué de deux phénomènes", écrit l'Isee dans cette étude : "le déficit migratoire, qui n’est pas sans conséquences sur le nombre de femmes en âge de procréer, et la crise sanitaire et ses possibles incidences en termes de natalité."
4 La courbe de mortalité a décollé
En parallèle, le nombre annuel de décès, qui était stable en 2020, a subi "une hausse tristement spectaculaire de 28 % en 2021 par rapport à la moyenne 2015-2019". L'an dernier, 1 983 personnes ont perdu la vie en Nouvelle-Calédonie, dont au moins 281 morts associées à la pandémie de Covid-19, ce qui représente "une vague de décès inédite". Pour comparaison, le nombre de disparitions était de 1 540 en 2020 et 1 550 en moyenne entre 2015 et 2019. Le taux de mortalité a bondi, et cette surmortalité a affecté plus fortement les hommes que les femmes.
5 Le solde naturel a brusquement baissé
Le solde naturel de population avait déjà perdu 5,5 % en 2020 par rapport à 2015-2019, même s'il restait alors excédentaire, de 2 450 individus. Mais l'an passé, il a chuté à nouveau, de presque 25 %, "pour s’établir à 1 950 personnes supplémentaires. Par rapport à la moyenne 2015-2019 (9,6 ‰), le taux d’accroissement naturel perd ainsi 0,6 point en 2020 (9 ‰), puis 1,9 point l’année suivante (7,1 ‰)."
6 Davantage de départs
Seulement voilà, on le sait, il y a en ce moment plus de partants que de nouveaux arrivés. Si l'évolution de la population calédonienne n'était liée qu'au solde naturel, l'excédent de naissances par rapport aux décès suffirait à la faire progresser. Mais en 2020 comme en 2021, le solde migratoire apparent est resté déficitaire. Il l'était, de dix mille personnes, entre 2015 et 2019. Et d'après l'Isee, "les indicateurs annuels du trafic aéroportuaire confirment la tendance" pour 2020 et 2021.
7 La fécondité se réduit
Autre information au passage, ce qu'on appelle l'indicateur conjoncturel de fécondité est proche, en Calédonie, de deux enfants en moyenne par femme : 2,04 en 2020 et 2,02 en 2021. Pour mise en contexte, il atteignait
- 3,6 en 1980
- 3,2 en 1990
- 2,6 en 2000
- et 2,2 en 2010.
Une fécondité qui se trouve, depuis 2017, sous le seuil de renouvellement des générations.
8 Moitié moins de mariages
Leur nombre a été presque divisé par deux, comparé à la période 2015-2019 : 498 unions ont eu lieu en 2020 (- 46 %) et 567 en 2021 (- 38,5 %). "Les restrictions sanitaires ont fortement impacté le nombre de célébrations de mariages, rappelle l'Isee. Compte tenu des risques sanitaires, les autorités coutumières, des îles Loyauté notamment, ont interdit la célébration des mariages coutumiers pendant toute l’année 2020. Les unions de personnes de droit coutumier sont ainsi tombées à moins de 50 en 2020, contre 260 en moyenne les cinq années antérieures (- 81 %)."
Recul aussi des mariages chez les personnes de droit commun, d'un tiers. "Les rassemblements de plus de 10, 30 ou 50 personnes selon les périodes, ont en effet été interdits. En outre, certaines familles ont probablement différé leurs projets familiaux (…) compte tenu des incertitudes sanitaires."
9 Le vieillissement se poursuit
Autre constat de ce bilan : "Durant les deux années de pandémie, sous le seul effet des mouvements naturels (hypothèse hors migration), la structure de la population par genre et âge est restée stable." C'est-à-dire que "les évolutions atypiques observées n’ont pas eu pour effet d’accélérer ou ralentir le vieillissement de la population, observé ces dernières années. Au commencement de l’épidémie, l’hypothèse d’un boom des naissances ne s’est pas confirmée et l’incidence d’une forte mortalité des plus de 60 ans, sur le sommet de la pyramide des âges, a été maitrisée. Malgré la secousse enregistrée en 2021, la tendance à l’allongement de la durée de vie de générations nées nombreuses devrait se prolonger."
Synthèse, par ailleurs, avec Bernard Lassauce et Carawiane Carawiane :