Le référendum en Nouvelle-Calédonie vu du Pacifique

La presse anglo-saxonne de la région s’intéresse depuis quelques jours au référendum, qui a du mal à se faire une place dans une actualité chargée. Tenus à distance par la pandémie de Covid-19, les journalistes étrangers replacent le scrutin dans le contexte géo-stratégique du Pacifique Sud.
Le site The Pacific Report le souligne :
 

Avec les querelles politiques de forte intensité qui opposent les grandes puissances, une élection américaine chaudement disputée, et une pandémie globale, il est compréhensible que le référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie soit un des événements qui se sont largement perdus dans ce vacarme.
- The Pacific Report

 

Un gouvernement français éloigné par le Covid-19 

L’édition australienne du Guardian estime d’ailleurs que le virus a aussi éloigné Matignon du dossier calédonien :
 

Avec une France endeuillée par plus de 31 000 morts du Covid-19, des loyalistes s’inquiètent de voir le Premier ministre Jean Castex accaparé par des préoccupations intérieures, alors qu’en Nouvelle-Calédonie le débat sur la future relation avec Paris s’intensifie.
- The Guardian

 
Le Premier ministre Jean Castex devant l'Assemblée nationale.
 

Arrivés trop récemment

Radio New Zealand l'affirme :  
 

Le nouveau gouvernement français a montré peu d’intérêt pour la Nouvelle-Calédonie. Alors que le précédent Premier ministre Edouard Philippe avait suivi de près les tractations autour du référendum de 2018, l’équipe de Jean Castex est arrivée trop récemment pour avoir pu se familiariser avec la complexité de la situation.
- RNZ

 

Voisins en retrait

La professeure Tess Newton Cain, dans The Conversation, remarque que les autorités australiennes et néo-zélandaises sont également restées en retrait : elles « n’ont pas pris position sur ce référendum ». Mais selon elle :
 

Pour les experts en matière de stratégie et de sécurité, il y a une inquiétude : une Nouvelle-Calédonie indépendante pourrait devenir une cible de l’influence chinoise. De leur côté, les indépendantistes disent que cela donnerait au peuple kanak plus de choix en politique étrangère.
- Tess Newton Cain

 
Extraction du minerai en Nouvelle-Calédonie.
 

L’ombre de la Chine

Une inquiétude dont le South China Morning Post, journal de Hong Kong, se fait l’écho. Il a publié un article intitulé : L’ombre de la Chine se profile alors que la Nouvelle-Calédonie décide si elle doit quitter la France. Son auteur, Joshua Mcdonald rappelle que la Chine, premier importateur du nickel calédonien, est l’un des plus importants partenaires commerciaux du Caillou.
 

«Le prix de la rupture du lien»

En 2018, explique-t-il, les exportations de la Nouvelle-Calédonie vers la Chine ont représenté « plus que toutes les exportations cumulées vers d’autres pays. […] Le prix de la rupture du lien avec la France pourrait être fort. Les leaders anti-indépendantistes ont utilisé l’argument économique pour faire pencher le vote, proclamant que la Nouvelle-Calédonie deviendrait une ‘’colonie chinoise’’ si elle obtenait l’indépendance. »
 
A travers le Pacifique, la mention "China aidé signale la participation de la République populaire, ici sur un véhicule offert au Vanuatu.
 

Une empreinte qui progresse

Pour le South China Morning Post, « L’empreinte de la Chine dans le Pacifique Sud a progressé ces dernières années, avec dix des quatorze pays et territoires insulaires du Pacifique qui reconnaissent maintenant officiellement la Chine. Deux – les Salomon et Kiribati – ont abandonné leurs relations diplomatiques avec Taiwan pour choisir Pékin l’année dernière.» 
 

Les experts en matière de sécurité régionale sont tous d’accord, la Chine s’intéresse d’abord à la région pour s’assurer des votes à l’assemblée générale des Nations Unies et pour avoir accès à des ressources telles que le bois, les minéraux et la pêche, mais certains ont alerté sur le fait que ces îles pourraient finir par servir de bases militaires à la Chine.
- South China Morning Post

 

Effet sur l’ensemble des Outre-Mer français

Autre conséquence possible, selon le journal hongkongais : le référendum pourrait avoir un impact sur l’ensemble des Outre-Mer français. Il cite Denise Fisher, ancienne consule générale d’Australie en Nouvelle-Calédonie : « L’une des préoccupations pour Paris [...], c’est l’onde de choc que le référendum pourrait avoir sur les autres territoires français d’Outre-Mer. La Polynésie française n’a pas eu tout ce qu’elle voulait dans [l’évolution de son statut d’autonomie en 2004] et nous savons qu’ils regardent cela de très près. Et nous savons ce qui peut se passer quand l’un influence l’autre. Il y a quelques années, il y a eu une grande grève en Guadeloupe, à cause des conditions de vie et du coût de la vie, et cela s’est répandu dans tout le ‘’collier de perles’», dit-elle en référence aux territoires d’Outre-Mer des Caraïbes.  
 
Novembre 2018, couverture médiatique du référendum au haut-commissariat, à Nouméa.
 

Un règlement à l’amiable

Les médias du Pacifique rappellent l’histoire récente de la Nouvelle-Calédonie et s’inquiètent des fractures que le référendum pourrait accentuer. The Pacific Report conclut :
 

Quand on débat de l’indépendance, que ce soit en Europe de l’Ouest ou dans le Pacifique, cela réduit la politique à des arguments toujours plus simples et cela ramène toute question à une division binaire entre pro et anti-indépendance. Espérons qu’à la fin, ce soit le peuple de Nouvelle-Calédonie qui règle cette question à l’amiable et rejette les divisions politiques habituelles.
- The Pacific Report


Une revue de presse à retrouver en version radio : 

Le référendum NC 2020 vu du Pacifique