À partir de lundi, des avocats et représentants de plus de cent pays - un nombre record - et organisations présenteront leurs dépositions devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye. Si de nombreux activistes environnementaux espèrent que l'avis des juges de la CIJ aura un impact sur la lutte contre le changement climatique, d'autres craignent que la demande d'avis consultatif non contraignant, soutenue par les Nations unies, n'ait qu'un impact limité. Et qu'il faille des mois, voire des années, pour que l'organe judiciaire principal de l'ONU rende son avis.
Les auditions au Palais de la Paix se tiennent quelques jours seulement après la conclusion d'un accord sur le climat âprement négocié lors de la COP29 en Azerbaïdjan, selon lequel les pays développés doivent fournir au moins 300 milliards de dollars par an, d'ici à 2035, pour financer la lutte contre le changement climatique. Les pays les plus pauvres ont qualifié d'insultante la promesse des riches pollueurs. En outre, l'accord final n'a pas mentionné d'engagement mondial pour abandonner les combustibles fossiles responsables du réchauffement de la planète.
"Pas une menace lointaine"
L'année dernière, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution dans laquelle elle soumettait deux questions essentielles aux juges de la CIJ. Premièrement, quelles obligations les États ont-ils, en vertu du droit international, de protéger le système climatique de la Terre contre les émissions de gaz à effet de serre ? Deuxièmement, quelles sont les conséquences juridiques de ces obligations lorsque les États, "par leurs actes et leurs omissions, ont causé des dommages importants au système climatique et à d'autres éléments de l'environnement" ?
La deuxième question pose également le problème des responsabilités juridiques des États pour les dommages causés aux petits pays, plus vulnérables, et à leurs populations, notamment dans le Pacifique. "Pour nous, le changement climatique n'est pas une menace lointaine", a ainsi déclaré Vishal Prasad, directeur du groupe des étudiants des îles du Pacifique qui luttent contre le changement climatique (Pacific islands students fighting climate change).
"Il refaçonne nos vies à l'heure actuelle. Nos îles sont en danger", a-t-il insisté auprès de la presse, quelques jours avant le début des auditions. En lançant une campagne en 2019 pour porter la question du climat devant la CIJ, le groupe de 27 étudiants a été à l'origine d'un consensus entre les nations insulaires du Pacifique, y compris son pays natal, les Fidji, avant que la question ne soit portée devant les Nations Unies. L'année dernière, l'Assemblée générale a adopté à l'unanimité la résolution visant à demander un avis consultatif à la CIJ.
Vers un "cadre juridique" ?
Joie Chowdhury, juriste au centre pour le droit international de l'environnement, qui siège aux États-Unis et en Suisse, a déclaré que les défenseurs du climat ne s'attendaient pas à ce que l'avis de la CIJ "fournisse des réponses très spécifiques". Au contraire, elle a prédit que la Cour fournirait "un cadre juridique... sur lequel des questions plus spécifiques pourront être décidées". "L'une des questions vraiment importantes (...) est de déterminer quel comportement est illégal", a estimé la juriste. Certains des plus grands pollueurs au monde, dont les trois principaux émetteurs de gaz à effet de serre (Chine, États-Unis et Inde), figureront parmi les 98 pays et les 12 organisations et groupes qui devraient présenter des observations.
Lundi, les procédures s'ouvriront sur une déclaration du Vanuatu et du Groupe Fer de lance mélanésien, qui représente également les états insulaires vulnérables des Fidji, de Papouasie-Nouvelle-Guinée et des Îles Salomon, ainsi que l'Indonésie et le Timor-Oriental. À l'issue des deux semaines d'audiences, des instances, telles que l'UE et l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), devront faire connaître leur position."Avec cet avis consultatif, nous ne sommes pas seulement ici pour parler de ce que nous craignons de perdre (mais...) de ce que nous pouvons protéger et de ce que nous pouvons construire si nous restons unis", a conclu Vishal Prasad.