Les groupes Loyalistes et Rassemblement au Congrès ont profité d’une semaine de déplacement à Paris pour convaincre responsables et parlementaires nationaux sur deux dossiers majeurs : le report des élections provinciales et le dégel du corps électoral.
Or, pour les deux groupes, cette réforme constitutionnelle doit s’accompagner d'un troisième volet : une révision de la représentativité des provinces Sud, Iles et Nord, dans l'hémicycle du boulevard Vauban. Les Loyalistes et le Rassemblement demandent un "rééquilibrage du Congrès au sein duquel l’écart de représentation entre les trois provinces a atteint des records jamais égalés".
Une composition historique
Cette position a été défendue par le groupe Les indépendants, République et territoire au Sénat, qui a déposé un amendement à la réforme constitutionnelle, le 29 février.
"Une grande partie de la population calédonienne a migré vers le Sud, où nous avons 75 % de la population. Il faut 2,5 fois plus d’habitants en province Sud pour faire un élu au Congrès qu’en province des Iles, par exemple", justifie Virginie Ruffenach.
La vice-présidente du Rassemblement concède que "par le passé, [les] signataires [des accords] ont consenti un écart mais jamais du niveau que nous avons atteint aujourd’hui". Encore aujourd'hui, le Congrès est ainsi réparti : trente-deux membres pour la province Sud, quinze pour le Nord et sept pour les Iles Loyauté.
Une majorité indépendantiste dans les institutions
Dans leur communiqué, les deux groupes estiment que "cette sur-représentation du Nord et des Iles n’est plus acceptable" car elle "conduit à donner à la Nouvelle-Calédonie une majorité institutionnelle indépendantiste alors que la population est majoritairement pour le maintien de notre territoire au sein de la République française". Congrès, gouvernement, province Nord et Iles sont présidées par des indépendantistes. Seule la province Sud est à majorité non indépendantiste.
L’autodétermination en toile de fond
Du côté des indépendantistes, Jean-Pierre Djaïwé, président du groupe Union nationale pour l’indépendance au Congrès, l’avait déjà annoncé lors d’une interview en février : pas question de toucher aux équilibres du boulevard Vauban. "Le mode de déclenchement de l’acte d’autodétermination dépend du nombre de sièges au Congrès. On parle de majorité qualifiée, [par exemple] à deux tiers, trois cinquièmes. Donc la répartition des sièges est importante pour nous".
Des écarts de population qui se creusent
En décembre 2023, la question de la représentativité des provinces au Congrès avait été posée par le gouvernement national au Conseil d’État. Dans sa réponse, la juridiction administrative avait reconnu que "les écarts de représentation entre les provinces au Congrès par rapport au critère démographique [s'étaient] accrus".
Ainsi, entre 1996 et 2019, la population de la province Sud a augmenté, passant de 68 % à presque 75 %. Celle de la province Nord a reculé : 18,4 % contre 21 %, sur la même période. De même pour les Iles Loyauté, où la population est passée de 10,6 % à 6,7 % entre 1996 et 2019.
Or, depuis 1999, la province Sud représente 59,26 % des sièges au Congrès, contre 27,78 % pour la province Nord et 12,96 % pour les Iles.
Pas d’urgence selon le Conseil d’Etat
Compte tenu de cette évolution démographique, le Conseil d’Etat a estimé que la composition de l'hémicycle boulevard Vauban "pourrait à terme s’écarter [des exigences constitutionnelles] dans une mesure telle qu’elle rendrait nécessaire une intervention du législateur organique."
Mais pas d’urgence pour le moment. La juridiction administrative considère que "la situation n’apparaît pas aujourd’hui de nature à justifier [cette] intervention pour modifier la composition du Congrès et la répartition des sièges entre les provinces".
Une position qui n'a pas empêché le Rassemblement et les Loyalistes de déposer un amendement pour revoir cette répartition des sièges, boulevard Vauban.