Des monts sous-marins qui jalonnent le parc naturel de la Mer de Corail, on sait déjà quelques choses. Par exemple, ils abritent une biodiversité foisonnante, une biodiversité qui varie énormément d'un mont à l'autre. Ils constituent aussi une destination fort prisée des baleines à bosse quand elles nous rendent visite. Mais il y a aussi plein de choses qu'on ignore et qui méritent d'être creusées selon Clément Vic, physicien à l’Ifremer et co-chef de la campagne Kaseaope-I. "Tout ce petit monde a un rôle dans les écosystèmes en général. Par exemple, ce sont des puits de carbone, donc ils vont impacter le climat sur plusieurs niveaux. Ce type de processus n’est pas forcément très bien pris en compte dans les modèles à grande échelle". Pour en apprendre plus, nos chercheurs ont donc décidé de scruter un mont non-stop pendant un an.
Un observatoire pour plusieurs disciplines scientifiques
Pour cela, direction le mont Stylaster, à une centaine de kilomètres au Sud de l'Ile des Pins. Depuis l’Antéa, le bateau de la Flotte océanographique française, l'équipe de scientifiques y a déployé les premiers éléments d’un observatoire sous-marin. Au sommet, à 500 mètres de profondeur, une station de fond de mer équipée de caméras haute définition. "Elle va enregistrer des images, des vidéos, des animaux qui vivent sur le fond, explique Karine Olu, biologiste à l'Ifremer et co-chef de la campagne Kaseaope-I. En même temps, l’appareil va mesurer les courants, la température, la salinité. Il va aussi enregistrer les sons émis par les mammifères marins, les baleines par exemple." L'appareil va aussi récolter de l'ADN présent dans l'eau de mer.
Dans le même temps, sur le flanc du mont, les scientifiques ont installé une ligne de mouillage expérimentale, dotée de capteurs et d’échantillonneurs. Flottant entre 800 et 50 mètres, ces appareils vont mesurer là encore les courants marins, la température de l’eau, sa salinité et récupérer des échantillons.
De quoi répondre aux questions de scientifiques de tous horizons et de toutes spécialités. C’est d’ailleurs l’un des enjeux de la mission selon Karine Olu. "On peut étudier un mont sous-marin uniquement sous son aspect biologique ou uniquement pour interpréter le rôle des courants. Là, on a vraiment essayé de mettre toutes les disciplines, tous les chercheurs et ingénieurs en même temps pour vraiment bien comprendre le fonctionnement de cette structure en 3 dimensions et l’influence de la physique sur la biologie." Les résultats récoltés l'an prochain serviront ainsi à l'Ifremer mais aussi à l'IRD et à la JAMSTEC, la Japan Agency for Marine-Earth Science and Technology.
Une campagne en collaboration avec le Japon
C'est l'une des spécificités de cette campagne. Elle s’inscrit dans le cadre de la collaboration franco-japonaise dans le Pacifique. Une collaboration étroite dès les premières étapes de la campagne Kaseaope-I selon Hélène Leau, ingénieure de recherches et chef du projet Scienobs à l'Ifremer. "On a fait des work-shops scientifiques, on a essayé de définir les actions qui nous intéressaient. Après chacun a développé un peu sa technologie et là pour la campagne, 3 personnes du JAMSTEC ont embarqué avec nous pour déployer leur instrument. Bien évidemment, l’idée est de pouvoir mettre toutes les données en commun pour avoir une vision vraiment très globale de ces écosystèmes très spécifiques des monts sous-marins."
D'ici 2028, l'Ifremer veut développer une station complète sur le mont Stylaster pour l'observer de la base au sommet. L'objectif est ensuite de renouveler l'opération sur un ou plusieurs monts sous-marins pour comparer les résultats. Et toujours dans une démarche de collaboration pour réduire les coûts et l'empreinte écologique des missions.