Ce jeudi 25 novembre 2021, le président du 17e gouvernement, Louis Mapou, prononçait son discours de politique générale. Une déclaration qui s’inscrit dans le cadre de l'Accord de Nouméa depuis 1998. Elle se déroule devant les représentants de la Nouvelle-Calédonie, par habitude au Congrès. Mais cette fois-ci, changement : en raison de la crise sanitaire, direction la salle Sisia du centre Tjibaou. Un symbole également pour Louis Mapou, premier président du gouvernement à être indépendantiste depuis Jean-Marie Tjibaou.
Pour rappel, chaque dirigeant de l'exécutif se doit de prononcer un discours de politique générale à l'adresse des Calédoniens. Le but ? Donner le ton de son gouvernement et sa feuille de route. Quels seront les grands projets et actions pour la Nouvelle-Calédonie ? En fonction depuis juillet dernier, l'exécutif a dévoilé ses ambitions. On développe...
Un discours de politique générale vers un processus de décolonisation et d’émancipation
Le président du gouvernement, Louis Mapou, a débuté son discours avec la volonté d’aller vers un processus d’émancipation : ”Au fil des années, les crises successives ont exacerbé les difficultés et les contradictions au sein d’une société calédonienne qui ne s’est pas remise en cause”, indique-t-il avant d’ajouter :
Cette déclaration de politique générale doit maintenir la permanence de l’esprit et la logique du processus de décolonisation et d’émancipation engagé depuis 1988.
Louis Mapou
Désigné en juillet dernier, Louis Mapou est revenu sur sa fierté d’avoir été élu : “j’ai l’honneur d'être le premier président indépendantiste depuis la création en 1998 du gouvernement collégial, et au titre du dernier exécutif de l’Accord de Nouméa.”
- Les clivages de la société calédonienne
Dans ce préambule, il évoque sans fard la question du dernier référendum. “S’agissant de la troisième consultation, débute Louis Mapou, nous en connaissons par avance l’issue et les implications. Pour autant, nous refusons de verser dans le pessimisme car notre pays a en son sein un potentiel extraordinaire d’hommes et de femmes avec des histoires, des identités et des ambitions qui ne demandent qu’à se transcender dans une nouvelle Nouvelle-Calédonie.”
Louis Mapou et son gouvernement proposent ainsi d’organiser les actions du gouvernement autour de "la seule colonne vertébrale qui s’impose" : le lien d’appartenance à cette terre de Calédonie, dans un pays où l’objectif de construire une communauté de destin attend encore. "On doit se rendre à l’évidence, la pluralité des situations, les clivages, la diversité et la multi-culturalité se sont révélés finalement comme une étape indispensable pour réaliser 'le pays'", estime le président du 17e gouvernement.
"Il y a une place pour tous en Nouvelle-Calédonie."
Une crise sanitaire difficile et un message à l’État
Lors de ce discours, Louis Mapou revient sur la crise sanitaire que traverse la Nouvelle-Calédonie et la perte de nombreux Calédoniens. “Au nom du gouvernement collégial, nos pensées vont vers celles et ceux qui ont été touchés par la maladie ainsi qu’à leurs proches : plus de 12 000 personnes ont contracté le virus, et 276 hommes et femmes nous ont quittés”, rappelle le président du gouvernement avant d’ajouter :
Dans cette mobilisation contre la maladie, nos médecins, infirmiers, aides-soignants, agents administratifs et bénévoles se sont battus sans relâche pour sauver des vies et protéger les plus vulnérables. Nous leur en sommes infiniment reconnaissants.(...) Notre gratitude va aussi vers l’Etat, pour son soutien et l’appui de l’armée, des soignants de la solidarité nationale et de la réserve sanitaire. (...) Mais nous devons rester vigilants, envisager les évolutions de l’épidémie, continuer de nous protéger au quotidien et poursuivre l’effort collectif de vaccination.
Louis Mapou
Le 25 novembre, un journée symbolique
En ce 25 novembre, le monde lutte grâce à une journée internationale contre les violences faites aux femmes. Une action que le président du gouvernement a tenu a mettre en lumière : “Dans notre pays, cette cause est loin d’être portée à sa juste valeur, au regard de ce que la femme représente dans notre société et de la fonction sociale qu’elle occupe, notamment dans la société kanak”, confie Louis Mapou. “Les chiffres font froid dans le dos. En 2020, près de 3 faits de violences conjugales ont été constatés chaque jour en Nouvelle-Calédonie. Et une femme sur quatre a subi une agression de type physique ou sexuel.” Face à ce constat, le 17e gouvernement l’assure : “Nous allons consacrer une attention majeure à la lutte contre ces violences.”
Paroles de Louis Mapou sur les violences faites aux femmes :
Un lien d’appartenance comme colonne vertébrale
Louis Mapou rappelle ensuite le fondement de l’Accord de Nouméa : “Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage”. Et il fait état d’un constat clair, selon lui : trente-troi ans après, le chemin parcouru n’a pas "épongé" le débat sur l’avenir, qui reste très prégnant.
“Tout ce qui différencie s’est accentué sous la pesanteur de la diversité”, explique Louis Mapou. ”Identité, partage et destin commun, souligne l’accord de Nouméa. Tout est dit. Tout est là. (...) L’ambition est difficile, tout le monde en est conscient. Nous voulons faire de la lutte contre les inégalités la 'grande cause' de ce gouvernement, et chaque action engagée, quel que soit le domaine, devra contribuer à leur réduction.”
Le président du 17e gouvernement l’avoue : “L’avenir post-référendaire est encore difficile à percevoir”. Toutefois, il insiste sur la détermination de l'exécutif dans l’action qu’il compte engager en cette phase de transition. “Nous voulons le faire dans un esprit et une volonté d’union et de refondation”, précise Louis Mapou.
Le point de Louis Mapou sur l'inégalité et l'appartenance :
Une meilleure cohésion sociale comme objectif
Parmi les défis du 17e gouvernement, retrouver une meilleure cohésion sociale. Comment ? En faisant passer l'école, l'éducation, comme priorité et comme "ascenseur social et d'apprentissage de la société". Une mission qu'il entend remplir par l'apport de réponses au décrochage scolaire, la promotion de la vie saine et de la santé dans les écoles, ainsi que la création d'une nouvelle carte scolaire pour surmonter les difficultés auxquelles font face les communes du territoire.
Autre point sur le chemin d'une cohésion sociale : améliorer le cadre d'épanouissement de la jeunesse en difficulté, avec la mise en place d'un plan stratégique sur le côté juridique, social et sportif.
Enfin, la lutte des inégalités sociales passerait par la réduction des inégalités dans le monde du travail. Parmi les actions annoncées par le gouvernement :
- renforcer le réseau "insertion formation emploi"
- poursuivre le rapprochement entre la formation initiale et la formation professionnelle, pour une offre globale plus cohérente
- créer un service public de l’emploi élaboré en étroite collaboration avec les provinces et l’ensemble des acteurs concernés
- mettre en place un fonds d’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap permettant un accès à tous les stades de l’emploi.
Le président du gouvernement rappelle ensuite que les priorités se feront également sur les violences faites aux femmes, l'égalité des genres, la vie chère, et la santé. Notamment le "bien vieillir", en se tournant vers la prévention. "Nous voulons également faire du vieillissement un vrai challenge de société, une opportunité de croissance économique et de création d’emplois avec la 'silver economy' ou 'économie des seniors', qui va concerner tous les secteurs, des loisirs aux transports", indique Louis Mapou.
La gestion des urgences
Dans son discours, il le rappelle : “Notre première responsabilité – après la gestion de la crise sanitaire - a été d’assurer financièrement les affaires courantes du pays et de tenir notre système de protection sociale jusqu’à fin 2021.”
Il annonce d’ailleurs une année 2022 “difficile”. “Il faudra encaisser le contrecoup de la crise et prendre les mesures nécessaires pour rebondir en 2023”, explique le président du gouvernement. Parmi les objectifs de l'exécutif : poursuivre le plan d’urgence, engager une réforme concernant le Ruamm.
“S’agissant de ressources nouvelles pour assurer les urgences, nous essaierons d’en dégager au plus vite pour subvenir au déficit chronique du Ruamm, estimé à 14 milliards de francs en 2022”, a indiqué Louis Mapou. À ce sujet, l'exécutif espère présenter au Congrès, d’ici la fin de l’année, “le vote de taxes comportementales, de mesures d’ordre social, de taxes sur l’activité minière ainsi qu’une première modification de la TGC si nous arrivons à dégager un consensus.” Le but ? Dégager un rendement potentiel de l’ordre de 10 milliards de francs pour l’année 2022.
Après ces deux années de crise sanitaire, le modèle économique de la Nouvelle-Calédonie, qui était déjà dans un état critique, est à bout de souffle, insiste le président Mapou, qui assure : “Dans le contexte des inégalités qui affectent le pays, nous mènerons les réformes attendues avec le sérieux et la responsabilité qu’elles requièrent.” Concrètement, en préambule, le gouvernement tient à affirmer que "réformer le modèle économique calédonien" passe nécessairement par une nouvelle approche sectorielle et un rééquilibrage favorisant l’économie verte et forestière, l’économie bleue et les énergies renouvelables, en plus des secteurs traditionnels du nickel, de l’agriculture, de la pêche ou du tourisme.
- Nickel
Dans la perspective d'être positionné parmi les leaders du secteur, Louis Mapou annonce “la création d’un label nickel vert et éthique”. L’objectif : finaliser une trajectoire énergétique ambitieuse et réaliste pour "décarboner" notre industrie métallurgique.
Puis nous allons proposer de faire de la Nouvelle-Calédonie un véritable laboratoire d'études en sollicitant l’installation d’une antenne locale de l'École nationale supérieure des mines
Louis Mapou
- Les énergies renouvelables
Ce gouvernement insiste sur la priorité de parvenir à produire notre électricité via des énergies renouvelables.
Notre objectif affiché est de parvenir à produire 70% de notre électricité à base d’énergies renouvelables d’ici 2025, ce qui réduirait notre dépendance des exportations.
Louis Mapou
La relance de l’économie via...
- La réalisation de grands travaux
Afin de participer à la relance économique du pays, le président du 17e gouvernement annonce la relance de chantiers emblématiques menés par les provinces - comme par exemple le barrage de Pouembout, la transversale de Hienghène, la réhabilitation de l’habitat en province Sud, ou la future voie d’accès à Nouméa - ou par des investissements privés, comme le projet Lucy, à Goro, ou la centrale C, à Nouméa. La Nouvelle-Calédonie impulsera aussi des travaux d’infrastructures publiques, notamment des travaux de dragage de la grande rade menés par le Port autonome pour équiper, à terme, le pays d’un vrai terminal croisière et accueillir des navires plus grands. Le gouvernement va poursuivre la modernisation du réseau routier dans ce cadre.
Plusieurs travaux seront entrepris, comme le prolongement de la 2x2 voies Païta-Tontouta, la reconstruction du pont de la Tontouta, le recalibrage et la sécurisation de la route du col de la Pirogue… ou encore la réfection du pont de Ponérihouen
Louis Mapou
La création d’un Fonds d'investissement et d’aménagement (FIA) est également à l’étude pour soutenir les programmes d’aménagement et les travaux liés au développement et à la prévention des grands risques.
Ce fonds aidera les communes et les provinces à financer les projets structurants d’aménagement et de rénovation urbaine. Il sera notamment financé par des taxes additionnelles, principalement sur les véhicules les plus puissants et les plus polluants.
Louis Mapou
Sur les grands travaux :
- La relance du tourisme
La sortie progressive de la crise sanitaire et l’ouverture du trafic aérien ont amené “le gouvernement à examiner les conditions d’une reprise de l’activité en concertation avec les provinces et les acteurs concernés”, explique Louis Mapou.“Le gouvernement ambitionne, par ailleurs, de développer enfin une véritable politique touristique à l’échelle du pays.” Comment ? En mettant en place plusieurs choses :
- une nouvelle structure de promotion touristique internationale, créée en 2022 pour prendre le relais de NCTPS
- un travail sur l'accès aérien de la destination Nouvelle-Calédonie, pour le rendre compétitif, favoriser le rapprochement des compagnies aériennes locales, travailler à la synergie entre les aéroports de La Tontouta et de Magenta.
Par ailleurs, le 17e gouvernement demandera l’adhésion de la Nouvelle-Calédonie à l’Organisation mondiale du tourisme (UNWTO) afin de promouvoir la “destination Nouvelle-Calédonie”, ainsi qu’à l’Organisation maritime internationale.
- Une reprise du trafic aérien
Parmi les annonces importantes, on retient la reprise des rotations commerciales via Aircalin dans les prochains jours. Le président du gouvernement a également annoncé que “le déploiement du réseau Aircalin vers Singapour et Paris est à l’étude”.
Le point sur le trafic aérien :
- Economie numérique
Autre projet et pas des moindres : la création d’un lieu emblématique au profit des start-up pour permettre le développement de projets ambitieux et innovants. La "Station N", qui sera prochainement livrée sur la presqu'île de Nouville, doit réunir l’ensemble des acteurs autour d’un site partagé, ouvert, et facilitera les échanges et les synergies de l’écosystème. Enfin, le gouvernement se fixe comme objectif la couverture numérique effective de tout le territoire. Cela fait partie du plan stratégique qui serait mis en œuvre à partir de 2022 par l’OPT, l’opérateur de la Nouvelle-Calédonie, notamment avec l’installation d’un nouveau câble sous-marin.
- Rééquilibrage des provinces
Sur le plan fiscal, Louis Mapou l'assure : "nous soutiendrons les acteurs qui prennent des risques, sous la forme d’un abattement de 25% des charges sociales pour toutes les filières considérées stratégiques dans l’intérieur ou dans les îles. Nous travaillerons aussi à la création d’un bail commercial sur terre coutumière", explique-t-il.
- Limiter le poids de la dépense publique
Dans ce discours, il a été question de fusionner des directions. Un processus concernant la DITTT et celle des Achats, du patrimoine et des moyens dans une réorganisation des services. Mais aussi la direction du Travail et celle de la formation professionnelle continue. Ou la direction de l'Education, avec le vice-rectorat...
A propos des relations extérieures
Début 2022, Louis Mapou et son gouvernement souhaitent finaliser l’accord commercial avec le Vanuatu portant sur quinze produits. Quant aux relations avec l'Europe, il annonce la proposition, en relation avec le gouvernement français, d’accueillir, en février 2022, le sommet Europe/Pays et territoires d’outre-mer.
Sur les coopérations bilatérales :
Le référendum
Pour conclure, Louis Mapou a choisi d’évoquer la question du référendum.
À l’issue de cette consultation, l’équation humaine et politique que la Nouvelle-Calédonie tente de résoudre depuis des décennies sera encore à l’ordre du jour. Mais permettez-moi une suggestion. Ne pourrait-on pas postuler de l’idée que, finalement, quoiqu’on en dise, s’il y a un gagnant, ça ne pourrait être que le pays ? C’est mon intime conviction.
Louis Mapou
Il a également insisté sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. “Au terme de l’Accord de Nouméa, la Nouvelle-Calédonie ressemble à un chantier à ciel ouvert (...). Pourtant, le chemin que nous avons parcouru atteste d’un pays qui a grandi, un pays qui a mûri, un pays qui a gagné en responsabilités."
- ”La question de la “nouvelle” Nouvelle-Calédonie
Pour terminer sa déclaration de politique générale, Louis Mapou est revenu sur le concept d’une “nouvelle” Nouvelle-Calédonie : “Au moment où le pays a rendez-vous avec son Histoire, je vous appelle à trouver ce liant qui nourrit l’affirmation de soi pour une reconnaissance de l’autre dans la construction d’un collectif qui projette au-delà des contingences. Pour fonder ce lien, une nouvelle gouvernance est nécessaire (...)"
Avant d'ajouter :
La construction de la case de cette nouvelle Nouvelle-Calédonie, avec des relations à redéfinir avec la France, est une nécessité pour donner vie à un pays plus juste, plus prévenant, un pays responsable et prospère, une nouvelle Nouvelle-Calédonie qui nous ressemble dans laquelle nous pourrons habiter, vivre et travailler en confiance, et que nous pourrons transmettre à nos enfants
Louis Mapou
En conclusion :
Un discours à retrouver en entier, via notre édition spéciale: