Le consensus, qui semblait régner depuis des semaines entre les partis sur la gestion de la crise sanitaire, a explosé en vol, ce mardi après-midi, dans l’hémicycle du boulevard Vauban. Il aura fallu près de trois heures aux élus du Congrès pour voter un texte sur les bureaux de vote délocalisés dans le cadre de la 3ème consultation. Et permettre ainsi aux habitants inscrits dans les îles de modifier, s'ils le souhaitent, leur lieu de vote jusqu’au 6 novembre, soit deux semaines de plus que prévu.
Ce n’est pas l’examen du texte, en lui-même, qui a posé problème. Mais les conseillers ont profité de cet espace de parole pour aborder la question très sensible du calendrier de ce référendum, fixé au 12 décembre, et qui prend une nouvelle dimension depuis que l’épidémie de Covid-19 a été officiellement déclarée sur le Caillou, le 6 septembre.
Des coutumes de deuil perturbées
Et c’est Pierre-Chanel Tutugoro qui a ouvert les échanges. "On ne va pas jouer sur le malheur des gens", a déclaré le chef du groupe UC-FLNKS et Nationalistes et Eveil océanien. L’Union calédonienne, qui souhaite reporter le scrutin au second semestre 2022 en raison de la situation sanitaire, l’a fait savoir à l’Etat dans "un courrier envoyé au haut-commissaire", ce mardi.
Les élus de l'UC ont rappelé l’importance, dans la culture océanienne, du respect de la période de deuil, actuellement chamboulée en raison des restrictions sanitaires.
Voilà que 200 sont morts, sans avoir droit aux funérailles selon nos traditions
Toute la Calédonie endeuillée
Depuis le début de l’épidémie, la communauté océanienne est celle qui paie le plus lourd tribut en nombre de morts ou de patients hospitalisés. Parmi les personnes décédées, plus de la moitié (56%) étaient d’origine kanak et 22% appartenaient à la communauté wallisienne et futunienne.
Mais pour Nicolas Metzdorf, il faut cesser de "communautariser le débat".
Quand il y a un Kanak ou un Wallisien qui meurt, on est triste pareil. C’est des Calédoniens qui meurent.
Tout comme son homologue Gil Brial, du MPC, et les Républicains Calédoniens, le représentant de Générations NC se dit favorable à un maintien du scrutin, le 12 décembre. Il estime "que ce n’est pas le référendum qui va trancher l’avenir du pays (mais) les discussions qui vont venir après".
L’Etat pris à partie
Attaqué par Marie-Line Sakilia, élue UC-FLNKS et Nationalistes et Eveil océanien, sur les failles du sas sanitaire et de l’introduction du coronavirus sur le territoire, l’Etat a pris la parole dans l’hémicycle, pour rappeler que l'entrée du virus sur le territoire n'était pas de sa responsabilité. "Pendant 18 mois nous avons chaque jour, mais aussi presque chaque nuit, main dans la main avec la Nouvelle-Calédonie, travaillé à essayer de faire tenir le dispositif sanitaire pour éviter que le virus n’entre", a rappelé Rémi Bastille, le secrétaire général du haut-commissariat de la Nouvelle-Calédonie. Avant d'ajouter que cette gestion de la crise sanitaire "s’est quand même fait très largement aux frais de l’Etat, qui a financé le dispositif".
Une fracture amplifiée par la crise sanitaire
Ces attaques contre l'Etat ont vivement fait réagir la présidente de la province Sud Sonia Backès, de l'Avenir en confiance, qui a insisté sur "l'accompagnement de l'Etat depuis le début de la crise". "Il ne faut pas qu’on s’étonne que la population soit divisée... Si vous commencez à séparer les morts entre communautés, si vous commencez à montrer du doigt qui a fait entrer le virus".
Arrêtez de faire croire à vos populations que c’est de la faute de l’Etat... C’est inacceptable de dire ça. Personne ne connait le cas zéro. Le cas zéro, c’est peut-être un indépendantiste !
Prendre une décision objective
Si l'Uni s'associe à l'Union calédonienne, sur la demande de report du référendum, Charles Washetine, son représentant, a dénoncé "des dérapages indamissibles" pendant la séance et appelé à s'appuyer sur des "indicateurs objectifs" pour prendre des décisions.
Pour Virginie Ruffenach, chef de groupe de l'Avenir en Confiance, "tous les signaux relatifs à la crise sanitaire (..) sont au vert" et la crise, estime l'élue, "est en passe d’être maîtrisée".
Permettre à la consultation de se tenir dans un contexte sécurisé, afin de construire une nouvelle page de la Nouvelle-Calédonie dans la sérénité.
Enfin le député Philippe Dunoyer, de Calédonie Ensemble, a insisté sur la necessité de "revenir à des décisions rationnelles, objectives".
Si, dans quelques semaines, on nous dit, c’est faisable, il faut le faire. Si on nous dit, ce n’est pas faisable, dans ce cas, on prendra une autre décision.