Nickel : Eramet, Sumitomo, Sherritt ? Quel industriel pour soutenir l’usine du Sud ?

Usine du Sud (nickel et cobalt) Vale Nouvelle-Calédonie

L’usine du Sud, l’une des trois usines mondiales du nickel de la transition énergétique, souhaite obtenir le soutien d'un industriel de l'hydrométallurgie. Les nouvelles dégradations du site industriel pourraient dissuader les candidats...

Un énorme gisement de nickel et de cobalt, une usine disponible, un complexe industriel qui s'est adapté au marché des batteries électriques, l'usine du Sud avait tout pour réussir. Mais, le "métal du diable", surnom du nickel s'est invité à la table. Le Brésilien Vale, encore propriétaire de l'usine, dénombre pour plus de 10 millions d'euros de dégâts à la suite d'intrusions de militants se revendiquant du mouvement indépendantiste. La reprise de l'usine du Sud aurait dû être validée vendredi 12 février. Cette date butoir sera repoussée, pour tenter de calmer les esprits.

Usine du Sud recherche partenaire industriel...

Quel industriel de l’hydrométallurgie pourrait-il être tenté par l’usine du Sud ? Depuis un communiqué publié le 5 février, où Sonia Backès, la Présidente de la Province Sud indiquait vouloir faire "entrer un industriel expert en hydrométallurgie dans le projet", la question taraude la communauté des analystes et des métallurgistes du nickel. La plupart estime qu'une dizaine d'industriels ont les connaissances techniques nécessaires. Mais, voudront-ils participer à l’aventure, sachant que Vale a dépensé deux milliards d'euros sans réel succès, et qu'il se trouve toujours confronté à la dégradation régulière de son usine ?

Réactions...

"En Nouvelle-Calédonie, le nickel n'est pas un simple enjeu industriel mais un sujet politique, et c'est là le problème majeur" estime Philippe Chalmin, économiste et fondateur du cercle Cyclope. Andy Farida, expert en investissement dans le nickel à la City de Londres, pense de son côté que "des industriels chinois seraient sans doute intéressés, mais ils voudraient, comme ailleurs, le contrôle total de l’usine du Sud et ils détestent les violences et les troubles politiques..." Pour Jim Lennon, référence mondiale des analystes du nickel et conseiller en investissement du géant bancaire australien Macquarie "La Nouvelle-Calédonie, aprés les évènements de décembre, fait peur aux investisseurs et aux industriels". D’autres experts se montrent moins pessimistes, mais ils sont rares : "Tout est possible même le meilleur", tempère Dominique Chu Van, consultant calédonien du secteur et spécialiste en ingénierie, "les challenges de l’usine du Sud sont multiformes, l'essentiel c'est de permettre aux managers calédoniens de Prony Resources d'identifier, de sélectionner les compétences qui composeront l'équipe de soutien industriel. La clef du succès réside dans le leadership central, les équipes locales peuvent relever le challenge si on les laisse travailler; Un industriel de l'hydrométallurgie n'est pas une nécessité absolue", a précisé M. Chu Van à Outre-mer La 1ère.

 

Un bel outil industriel 

L’usine du Sud, est l’un des deux piliers industriels de la Province Sud l’autre étant la SLN filiale d'Eramet. Lancée il y a près de dix ans, le grand complexe industriel utilise une technologie éprouvée, mais sensible. Le site est classé Seveso. L’expertise d’un industriel de l’hydrométallurgie pourrait donc s’avérer utile pour épauler les compétences reconnues des chimistes et des métallurgistes calédoniens. C’est ce que souhaite visiblement Sonia Backès, la Présidente de la Province Sud. Encore faut-il trouver un industriel. La caution du gouvernement français sera sans doute nécessaire et décisive.

Eramet 

Une dizaine de grands groupes possèdent leurs propres compétences en matière d’hydrométallurgie : en tête de liste, on peut citer le Français Eramet, à travers sa filiale Eramet Research et les experts de son usine hydrométallurgique de Sandouville. Eramet est aussi porteur d’un projet hydrométallurgique avec l’Allemand Basf en Indonésie. Et le groupe français de la transition énergétique est présent en Nouvelle-Calédonie avec sa filiale SLN, laquelle entretient de très bonnes relations avec Vale.

Glencore

Autre candidat possible, le négociant et industriel Suisse Glencore, partenaire des indépendantistes calédoniens dans l’usine du Nord. Glencore dispose, lui aussi, des compétences nécessaires dans son usine hydrométallurgique de Murrin Murrin en Australie, tout comme son concurrent BHP Billiton qui possède Nickel-West et l'a conservé pour alimenter la filière des batteries électriques.

Sherritt ou Freeport 

Ailleurs dans le monde, le Canadien Sherritt est déjà présent dans le nickel avec un très gros investissement à Cuba. "L’Américain Freeport McMoran ( ex-Phelps Dodge) est lui aussi spécialisé dans l’hydrométallurgie, il fut le premier à développer le projet minier qui aboutira à l'usine d'Ambatovy à Madagascar" indique Cedrick Ginest, géologue et consultant en recherche minière. 

Sumitomo

Les Japonais Nippon Mining & Metals et Sumitomo pourraient être intéressés, eux aussi. Sumitomo a été brièvement associé à Vale dans l’usine du Sud. Il possède une usine comparable, à Madagascar, le projet Ambatovy.

First Quantum

Enfin, l’Australien First Quantum, opère l’usine hydrométallurgique de Ravensthorpe dans la région de Perth. "Ou encore QNI sur son site de Townsville, mais il utilise un procédé différent, à base d’ammoniaque" rappelle Dominique Chu Van, fin connaisseur de la carte régionale des industriels du nickel.

Lygend, un industriel chinois à Nouméa

Et les Chinois ? Le métallurgiste Lygend dispose d'un discret bureau de représentation à Nouméa et il suit de près l’évolution de la situation en Nouvelle-Calédonie. Lygend a de l’appétit, il vient d’investir dans l’hydrométallurgie en Indonésie. De son côté, la Metallurgical Corporation of China (MCC) est présente en Papouasie-Nouvelle-Guinée dans l’usine hydrométallurgique de Ramu, mais MCC utilise le procédé contesté de rejet des déchets acides en mer.

Eramet, Sherritt, Sumitomo, First Quantum comptent sans doute parmi les industriels privilégiés par Sonia Backès, la Présidente de la Province Sud.

Une usine hydrométallurgique

Le procédé hydrométallurgique de l’usine du Sud, l’un des trois producteurs mondiaux de nickel de qualité batterie, est un procédé d’extraction qui comporte une étape où le métal est solubilisé. Il permet la séparation et donc la valorisation du nickel et du cobalt. La lixiviation est réalisée par ajout d’un acide et d’un oxydant. Les résidus miniers ne sont pas rejetés en mer, mais stockés dans un grand bassin de rétention. Le projet Lucy, soutenu par la France et par la Nouvelle-Calédonie doit permettre le traitement et le stockage des résidus à sec, selon les normes environnementales les plus exigeantes.

Du nickel "électrique" calédonien

Les chimistes et métallurgistes calédoniens de la Province Sud ont élaboré un produit en poudre appelé Nickel Hydroxyde Cake (NHC) selon un procédé économe en énergie, car les températures de réaction sont inférieures à 100°C. Le "NHC" calédonien entre dans la chaine de valeur de la filière des voitures électriques. Le nickel et le cobalt produits par l’usine du Sud sont des éléments importants de l’initiative européenne pour les batteries (EBA). Elle prévoit  la création de "l’Airbus des batteries", une initiative industrielle stratégique soutenue par Emmanuel Macron.

Cours du nickel au LME de Londres, le 11/02/2021 à 17:50 GMT 18.575 dollars/tonne -0,73 %. Semaine +5,42 %

Deux types de batteries pour les véhicules électriques.