Le talonneur calédonien du Stade toulousain, formé à Dumbéa, revient sur les côtés secrets de sa finale de samedi, qu’il a vécue de façon douloureuse malgré la victoire. Entretien sans ambages, direct, dans son style.
Outre-mer La 1ere : Peato, cette finale contre La Rochelle a été un gros combat, dont vous avez porté les stigmates pendant quelques jours...
Peato Mauvaka : C’était dur, très dur. En début de première mi-temps [à la douzième minute], je prends un choc sous l’œil droit dans un contact avec Elstadt et Atonio. C’est la pire douleur que j’ai ressentie, sur le moment. Je ne voyais plus rien.
Ce n’était pas un match de beau rugby mais une finale. Quand il y a du combat, c’est bien. Quand il y a beaucoup d’essais, aussi. L’essentiel est surtout d’avoir la victoire au bout. Nous, on s’est adaptés à ce que La Rochelle nous proposait. Il fallait répondre présent et baisser la tête.
Comment avez-vous abordé cette finale au niveau de la concentration, car vous avez su assez tôt que vous seriez titulaire, du fait de la suspension de Julien Marchand ?
Ce n’est pas pareil que la finale de 2019 [Toulouse-Clermont en top 14]. J’étais plus concentré sur celle-ci car d’habitude, je fais un peu le clown. Mais j’ai essayé de me préparer comme d’habitude. Je suis allé chez Abraham Tolofua. On se voit souvent, j’y vais plusieurs fois par semaine, manger avec la famille, jouer aux cartes, sortir un peu du rugby.
Le jour du match, ce qui changeait, c’est qu’on entendait enfin des supporters. Quand on joue dans un stade vide, on entend les coaches de l’autre côté du terrain. Là, il y avait du bruit. C’était bien.
Sur le match, on vous a vu souvent dans le jeu avec vos départs dans l’axe [notamment sur l’occasion d’essai de Kolbe]. C’est un secret fait maison ?
Je le fais souvent depuis que je joue en espoirs, mais quand j’ai commencé en top 14, je le faisais moins. Je voulais faire les choses bien et pas tenter le truc de trop. Désormais, quand j’ai une montée d’adrénaline, je le fais car je sais toujours qu’Antoine [Dupont] est derrière moi. En moins de vingt ans, je l’avais fait une fois, et Toto était derrière moi.
Quand je le fais, il est toujours là. Il me connaît bien, on est ensemble depuis les équipes de jeunes au Stade. A chaque action, il est toujours au soutien. Et puis quand Selevasio [Tolofua] donne la balle d’essai à Mallia à l’heure de jeu, je coupe ma course sur Romain N’Tamack, il en profite pour faire une passe sautée. Et Sele était là au bon endroit, aussi.
Après le coup de sifflet final, en avez-vous profité ?
Non, rien. Je n’ai même pas bu une goutte de champagne. Avec l’adrénaline du match, j’ai tenu, j’ai serré les dents tout le match. Mais dès que je suis rentré dans les vestiaires, l’adrénaline est tombée et j’avais tellement mal à l’œil, je n’ai rien pu faire. J’ai essayé de dormir un peu dans le bus et dans l’avion, j’ai mis mon casque avec un petit film cool, Babysitting 2. Je voulais être avec les gars mais j’étais tout seul.
Dès que je suis arrivé à Toulouse j’avais à peine la force d’ouvrir l’œil. Ça n’allait toujours pas. Mais il y avait nos femmes, nos enfants et là, j’ai fait l’effort de boire un peu de bière avec la famille et les amis. Depuis, ma blessure, ça va. Je n’ai pas de fissure. J’ai vu le doc et fait un check médical complet, il n’y a rien de grave. Ça a juste été un choc sur le moment.
Avez-vous pensé au Caillou pendant cette finale ?
J’ai pensé uniquement à mon père, Soane Patita. Je n’ai pensé qu’à lui. C’est ma force, il me porte. Je fais une prière tout seul avant le match, ça me donne de l’énergie. Je pense à lui avant et après les matchs. Mais il est tout le temps là. J’ai bien reçu quelques message de Nouméa mais pas trop, et je n’ai décroché mon téléphone que mardi, pour vous appeler.
La suite immédiate, c’est quoi ? Toulouse en mode glouton ?
Déjà, on rebascule en top 14 avec Clermont, dimanche. Il ne faut pas rater ce match, pour nous assurer une place en demi-finale. On verra aussi les résultats des autres.
On n’a jamais vécu ça, cette situation. Faire le doublé Coupe d’Europe et top 14, ce serait énorme, c’est sûr qu’on y pense.
On est tous concernés. Selevasio pète la forme. Rodrigue [Neti] va démarrer les matches et va finir la saison avec Cyril Baille, vu que Clément Castets est blessé. Paulo [Tafili] est bien, il a fait des bons matches ces dernières semaines quand on faisait tourner. J’espère qu’on pourra jouer tous les quatre, ensemble, la finale.
Qu’est ce qui fait la force du groupe ? Vous fonctionnez en mode Pacifique, avec un code bien établi ?
Oui, tout à fait. Jo Tekori, c’est le boss. C’est une force de la nature, il est impressionnant. On est chanceux de l’avoir. On le suivrait jusqu’au bout du monde. Avec Kaino, ils sont différents. Jérôme va parler avant un match, c‘est le patron sportif. Il ne parle pas beaucoup, mais chaque mot qu’il dit, tu le respectes. Jo, lui, est l’organisateur dans la vie du groupe.
Ils ne font pas de différence entre les jeunes et les anciens. Charlie [Faumuina] aussi, c’est le troisième pilier du groupe. Tous les trois sont du Pacifique. Ce sont nos anciens qu’on respecte, on a réussi à faire cette connexion de famille entre nous. Chaque jour, on a hâte de se revoir le lendemain.
On ne vient pas au club pour s’entraîner et repartir, on profite tous les jours les uns des autres. On prend du plaisir, ce n’est pas qu’un travail. On est des frères, au Stade Toulousain. On a créé ces liens depuis 2O19, quand on a été champions de France.
Après la finale, on a surtout profité de la journée de lundi avec une escapade à Leucate, tous ensemble. Ce mardi, on a fait un entraînement très light. Mais lundi, on était entre nous, une belle journée chez Ginette. C’est important pour nous d’avoir ces moments. C’est trop beau à vivre.
Et l’avenir de Peato Mauvaka, il sera fait de quoi ?
Je suis en contrat jusqu’en 2023, on verra après. Pour l’instant, je ne me pose pas la question. La seule chose est que j’aimerais bien rentrer en Nouvelle-Calédonie après le championnat. Mais ça risque d‘être juste, avec les protocoles sanitaires. J’ai eu le Covid et je suis immunisé, je fais ma deuxième vaccination le mois prochain. [Peato Mauvaka pourrait aussi être sélectionné pour la tournée en Australie en juillet.]