Plongée dans la fabuleuse collection d’algues de l'IRD

Claude Payri est phycologue, une spécialiste des algues.
L'herbier des algues marines de l'IRD de Nouvelle-Calédonie est « la » collection de référence des 26 stations de l'Institut dans le monde. Une collection unique, qui révèle toute la richesse et la diversité des fonds marins mais aussi le potentiel des substances actives de ces herbes sous-marines. 
Il y a 10 jours encore, cette « herbe des mers » s’était multipliée en masse sur le platier de Ponérihouen. Une prolifération soudaine, qui a attiré l’attention de Claude Payri, directrice de recherche à l’IRD et phycologue, autrement dit, une spécialiste des algues. Aujourd’hui, ce spécimen est étudié au microscope. « Mon travail, c’est de m’assurer de l’espèce qui est en cause dans ces proliférations », signale la scientifique. 
 

Des algues locales ou introduites 

Pour ce faire, « le retour aux collections anciennes est très précieux parce que cela va me permettre de savoir si ce sont des algues que l’on a toujours observées en Calédonie. Ou si, au contraire, ce sont des algues nouvellement arrivées. »
Une fois la question tranchée, d’autres interrogations se posent. « Si elles sont introduites, il va falloir comprendre comment et pourquoi. Et si elles sont natives, pourquoi elles se sont mises à pulluler récemment », indique Claude Payri.

Des dizaines de milliers de spécimens 

Notre algue de Ponérihouen sera ainsi comparée à ses sœurs et cousines collectées depuis les années 70 par les scientifiques. Si les premiers spécimens étaient conservés en bocaux, les algues sont désormais séchées et constituent ici, à l’IRD de Nouméa, l’une des plus importantes collections françaises : près de 30 000 spécimens cueillis au fond des océans du monde entier et près de 20 000 algues de Calédonie. Parmi elles, un millier d’espèces propres au patrimoine de notre archipel et autant de trésors de nos fonds marins. « Ces alguiers renferment des espèces qui ont un intérêt pour les populations locales » ou parfois dans le domaine médical. 

La taxonomie... ou l'art de classer le vivant

Un héritage salé, dont une bonne moitié n’a pas encore de nom. Le travail de bénédictin des scientifiques consiste en effet à décrire les espèces avant de les baptiser officiellement. C'est ce que l'on appelle la taxonomie
Mais auparavant, nos chercheurs ont dû quitter la climatisation de leurs laboratoires pour des campagnes de cueillettes dans le bleu sous-marin. Comme au large de Santo, à Vanuatu, en 2006. Une récolte intense, à la recherche de spécimens inconnus ou très rares. 
Ces végétaux sous-marins ont rejoint l’immense collection de l’IRD. Depuis un quinzaine d’années, l’alguier, c’est le nom de cet herbier des mers, est aussi disponible sur internet via le site lagplon.ird.nc.

Des données accessibles au grand public

« L’idée, c’est qu’au fur et à mesure que le nom des espèces est validé, les données sont informatisées et stockées dans une base de données. Et cette base de données est consultable par la communauté scientifique et également par le grand public. Elle n’aide pas à déterminer les espèces mais elle renseigne sur ce que l’on sait et où ces espèces ont été observées. »  
Ainsi, la fabuleuse collection de l’IRD peut être comparée à celles du monde entier. Un témoignage, un patrimoine marin unique, qui peut dès lors se partager bien au-delà des océans. 

Le reportage d'Antoine Le Tenneur et Nicolas Fasquel
©nouvellecaledonie