Depuis mars 2020, alors que le monde est frappé par la pandémie de Covid- 19, de par son insularité et à renfort de gros moyens logistiques et économiques, la Nouvelle-Calédonie a su se préserver de cette tragédie. La Polynésie, voisine géographique, de cœur et de peuple est quant à elle touchée de plein fouet. Hôpitaux saturés, personnel soignant débordé, les Evasans sont devenus impossibles et les soins courants compliqués. La barre des 400 décès est dépassée depuis la fin du mois d’août 2021.
"L’insularité pose problème", indique le docteur Beylier, médecin généraliste à Raiatea et responsable de la commission de santé des Iles Sous-le-Vent. "Faute d’avion et du fait de la sursaturation du service de réanimation du Centre Hospitalier de Polynésie Française (CHPF), les patients qui ne correspondent pas aux critères d’urgence d’admission en réanimation ne peuvent plus être Evasanés."
Des besoins en oxygène multipliés par dix
"C’est tout le système de santé qui est dépassé. Plus de mille concentrateurs d’oxygène sont déployés", ajoute de son côté le docteur Parrat, pneumologue au CHPF. "Tout le monde s’y est mis, les généralistes, les kinés, les infirmières, les aides-soignants…. tout le monde est sur le pied de guerre", poursuit le praticien.
"La gravité de cette maladie à létalité relativement faible, réside dans le fait du grand nombre de patients qu’elle produit et qui ont besoin de beaucoup de moyens humains et logistiques saturant rapidement les services de réanimation", précise le docteur Série, médecin réanimateur au CHT de Nouméa. "Au-delà de la mortalité, les conséquences sur la santé après un passage en réanimation sont catastrophiques. Il faut plus d’un an pour s’en remettre", continue le médecin.
Quels risques pour la Nouvelle-Calédonie ?
"Le parallèle de l’état des comorbidités possibles entre la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie est évident. Les populations des deux territoires sont extrêmement fragiles et vulnérables"
"Ce n’est plus une vague c’est un tsunami ! Le taux de contagiosité du variant Delta explose littéralement. On ne peut pas y échapper. Les personnels de l'hôpital, prudents et tous vaccinés, l’attrapent les uns après les autres. Heureusement sans conséquences car ils sont totalement vaccinés", ajoute le docteur Parrat. "93 % des personnes hospitalisées ne sont pas vaccinées. Il faut vacciner tout le monde, si le variant rentre chez vous, ça va être une catastrophe", alerte-t-il.
Quelle place pour d’autres traitements ?
"Il n’y a pas de traitement autre que l’oxygène. En préventif, la vaccination et point barre"
Il indique que se soigner avec l’ivermectine est "une catastrophe". "Cela ne fait aucune différence sur la gravité de la maladie." Le cardiologue rappelle que "le Code de déontologie du Conseil de l’Ordre des médecins interdit de faire la promotion, sans réserve de traitements insufissamment éprouvés comme la chloroquine, l’hydroxychloroquine ou l’ivermectine."
Jenny Torea, tradipraticienne, a pour rôle de représenter la culture océanienne à l’hôpital et de proposer une alternative pour faire le lien entre les médecines traditionnelles et conventionnelles. "Si on veut soigner les gens, il faut le faire dans leur culture. Ce sont des soignants comme nous. […] Elles sont toutes vaccinées", indique le docteur Parrat.
"C’est vraiment dur de voir mon peuple mourir dans ces conditions, sans accompagnement rituel", révèle Jenny Torea. La tradipraticienne et le docteur Parrat expliquent ainsi l’importance de la complémentarité des deux disciplines. "Aucune ne se substitue à l’autre et les tradipraticiens n’ont pas la prétention de soigner. C’est avant-tout un travail de prévention et d’éducation à la bonne santé."
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Podcast. Covid-19 en Polynésie : quelles conséquences sur le système de santé ?