Rider sur l’eau est avant tout son plaisir, mais c’est aussi devenu son métier depuis 2016, alors Titouan Galéa tente de marier ces deux nécessités dans son quotidien. Ce jour-là, il prend la direction de la passe de Dumbéa pour un shooting. Dans le bateau au départ de Port-Moselle, il est accompagné d'un autre wing foileur du circuit mondial, l’allemand Alan Fedit, et de professionnels de l’image. Une heure de navigation pour arriver à « La gauche » : c'est par ce côté que l'on surfe cette vague prisée, la plus proche de Nouméa. "Regarde, il vient de sauter, un truc de fou. En fait, ce sont eux qui dirigent, tu n'as rien besoin de leur dire", confie la photographe Valérie Mouren, appareil à la main, prête à "dégainer". Rémi a, lui, sorti son drone pour filmer une session sous un soleil radieux et sur une eau limpide. Tous deux sont rémunérés par le sponsor américain de Titouan pour capturer des images destinées à une marque spécialisée dans la glisse, commercialisée dans 70 pays.
Obligation de productivité pour ses sponsors
"Là, j'en suis à combien de photos ? Je pense que j'en ai fait mille, au minimum". Cherchant tantôt la vitesse dans la vague ou le meilleur moment pour lancer des figures, il sort toute sa panoplie. De retour au bateau, petit coup d'oeil sur le résultat. "C'est à la fois pour moi, pour mon plaisir et me faire des souvenirs et bien sûr pour mon sponsor qui les utilise pour la promotion de ses produits", explique le double champion du monde de slalom et champion du monde de freestyle. S'il est passé d'une marque française à une autre née à Hawaï, ses obligations restent les mêmes : résultats, présence sur les réseaux sociaux, et participation au développement technique. Fin janvier, il était à Cancùn au Mexique pour une présentation de la gamme de son équipementier. L'occasion d'une sortie improbable en foil dans l'immense piscine d'un hôtel, vidéo assez incroyable qu'il a lui-même tourné.
Démonstrations et compétitions aux 4 coins du monde
Dans un appartement sur les hauteurs de Magenta, on le retrouve en train de préparer son matériel. Quand il était plus jeune, il arrivait à Titouan de dormir dans le canapé du salon parce que sa chambre était remplie de pièces d'aéromodélisme. Cette fois, c'est la terrasse qu'il envahit. Après une épreuve du tour mondial sur la plage du Mont Maunganui en Nouvelle-Zélande, il va partir vers d'autres contrées sur presque tous les continents. "Généralement, on transporte trois ou quatre valises de 25kgs chacune. A l'intérieur, j'ai trois planches, autant de foils, et cinq ou six wings, de plusieurs modèles et de plusieurs tailles". Des pièces d’un instrument qu’il sait jouer à la perfection. Ses prouesses lui ont valu des invitations à Hong-Kong en fin d'année dernière pour un coaching et des démonstrations pendant neuf jours, et à l'Ile Maurice. "Là-bas, j'ai kité la plus grosse vague de ma vie. Elle faisait deux fois la taille de celle de Ténia", indique t'il preuve à l'appui, la vidéo défilant sur son téléphone.
Les vidéos de ses figures font sensation
De courtes séquences comme celle-ci, il en publie régulièrement. Le succès rencontré sur les réseaux sociaux n'est pas anodin et il est primordial pour lui. "Il y a quelques semaines, j'ai posté un passage où l'on me voit à Tahiti faire du "pumping", ce mouvement qui permet de donner plus de vitesse au foil, sans la voile. En l'espace d'une semaine, j'ai gagné presque 50 000 followers. J'en suis à 89 000 maintenant, mais quand je vais mettre les images à la passe de Dumbéa, je serais peut-être à 100 000", détaille t'il. "C'est cool d'avoir une communauté qui te suit. C'est une forme d'expérience. On peut être approché par des marques, de crème solaire, de vêtement, ou même, plus récemment, de montre. Une société basée en Suisse m'a contacté, je dois m'y rendre en avril".
Un sportif auto-entrepreneur qui rappelle que "les réseaux sociaux sont un peu aujourd'hui, le CV de pleins d'athlètes dans le monde" et le moyen de financer de coûteuses saisons. "Là je pars à nouveau en Nouvelle-Zélande, ensuite ce sera le Cap-Vert, mais en même temps il y a un évènement à Abu Dhabi. J'aurais plusieurs évènements en France, on ira aux Canaries, aux Etats-Unis, peut-être en Chine en milieu d'année". A ce calendrier chargé se rajoute des déplacements spécifiques. "Entre les compétitions, je choisis des lieux, en Nouvelle-Calédonie ou ailleurs, dans des endroits qui me plaisent, pour créer du contenu, aller dans les vagues et faire de beaux clichés. C'est moi qui l'organise. Je vérifie la météo et contacte des prestataires pour les images".
Une discipline dont la popularité augmente
Son sport lui aussi est en plein boom. "On voit de plus en plus de riders, beaucoup de jeunes de 15 à 17 ans, surtout en freestyle. En race, c'est plus âgé. Et là, on a des épreuves dans les vagues. Il y a de plus en plus de monde. Je dirais qu'il y a en moyenne 45 inscrits sur les étapes du tour mondial, et 25 évènements au total, toutes épreuves comprises. Je crois que ce qui fait le succès du wing foil, c'est qu'il rassemble tout le monde".
Sur les compétitions, trois à cinq juges sont chargés des notations. Sept tentatives sont autorisées, quatre sont gardées. "Ils enlèvent la meilleure note, enlève la moins bonne, et font la moyenne des autres. Pour aller loin, tu dois passer généralement cinq séries, puis les quarts, la demi, et la finale". Pour la mère de Titouan, la réussite de son fils est lié à son style. "Il est différent des autres, il a plus d'amplitude, c'est peut-être dû à sa grande taille. Il est très droit, très à l'aise, et ça le rend plus fluide, plus léger que les autres".