Une petite pièce remplie de couleurs au milieu de cris d'oiseaux. La galerie qu'Aimé Nangard a lui-même construite respire le calme et la création. "Je n'utilise que des couleurs vives, c'est le reflet de ce que je ressens, je suis retraité et heureux, ça se voit dans mes toiles." Dans un coin de la galerie, une peinture du saut du Gol et d'une dent de cochon rappelle le lieu de naissance d'Aimé Nangard, il y a 69 ans. "Je suis né aux Nouvelles-Hébrides, et j'y tiens, on me dit parfois que je suis du Vanuatu, je suis désolé, mais moi, je suis des Nouvelles-Hébrides, non pas par jugement politique mais parce que je suis attaché à l'endroit où j'ai passé une enfance heureuse, c'est-à-dire au Vanuatu d'avant l'indépendance." Fils aîné de la famille, il est envoyé à l'âge de treize ans en Nouvelle-Calédonie. Il repassera quelques mois au Vanuatu à la fin de ses études, sans retourner y vivre. "Ça a été dur, se retrouver d'un coup à l'internat, mais c'était comme ça à l'époque, plusieurs familles envoyaient ainsi leurs aînés étudier en Calédonie." Peu à peu, il s'adapte, jusqu'à rencontrer l'amour durant ses études et décider de fonder une famille en Calédonie avec celle qu'il a épousé il y a maintenant 46 ans. Le couple s'installe en 1976 au Mont-Koghi, un lieu alors dépourvu d'eau courante et d'électricité. "On a tout construit sur ce terrain, c'est notre petit paradis, aujourd'hui on se sent de la commune de Dumbéa, mais avant tout des Koghis."
Silence autour de l'histoire familiale
Autre appartenance revendiquée par Aimé Nangard : la nationalité française, demandée par son père pour toute la famille en 1961. "J'ai trois pièces d'identité, explique le peintre, je me suis tout d'abord appelé Nakanrakari, nom de mon grand-père paternel japonais, puis le prénom de ce même grand-père est devenu notre nouveau nom de famille enfin, en 1961, on nous a donné le nom de Nangard, je ne sais pas pourquoi." Ce mystère, ne concerne pas que son nom. Aimé Nangard l'observe également au niveau de toute son histoire familiale. Un passé riche en métissage, mais aussi en épisodes difficiles, comme la déportation de trois grands frères de son père dans des camps pour prisonniers japonais en Australie durant la Seconde Guerre mondiale. C'est finalement Carmina, l'épouse d'Aimé, qui consacre, depuis des années, son temps libre à faire des recherches sur la généalogie de la famille Nangard et sur la sienne. "Mon père non plus ne parlait pas, lui est un exilé espagnol de la période Franco, ce sont des histoires douloureuses."
Des voyages et des peintures
Pour Aimé Nangard, l'expression passe finalement plus par la peinture que par la parole. "Je rentre alors dans mon monde, quand j'étais encore salarié, je devais même mettre un réveil à deux heures du matin pour m'arrêter et aller me coucher, car je suis coupé de tout quand je peins." Autodidacte, Aimé Nangard crée ses toiles à partir de photographies ou de souvenirs de voyages. "Mais je suis libre, je mélange les inspirations, je fais selon l'envie du moment." Reste que le Pacifique et ses cultures se retrouvent bien là, sur les murs de la galerie d'Aimé Nangard. Le retraité ne rêve aujourd'hui que d'une chose "boire mon café le matin puis passer mon temps à peindre, entouré de ma famille, sur les hauteurs des Koghis, c'est ça le bonheur."