D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, Aurélie Nyuekaare (prénom de sa grand-mère et nom d'un oiseau en langue nââ kwényï de l'Ile des Pins, dont elle est originaire) Konhu a toujours su quoi faire d'un ballon de volley. "Je suis la deuxième de la famille et avec ma grande sœur, avec qui j'ai 15 mois d'écart, on a toujours été plongées dans le volley, notre mère était volleyeuse et nous a amené sur les terrains, je ne me souviens même plus à quel âge j'ai commencé tellement j'étais jeune."
Une passion familiale qui amène Aurélie Konhu a être repérée à l'âge de 10 ans par l’entraineur de l’équipe de volley de Nouvelle-Calédonie, avant que les deux sœurs ne rejoignent, à 15 ans, un Pôle Espoir en Métropole. "Quand ma sœur est partie, en 2003, j'ai dit à ma mère que j'allais la rejoindre l'année suivant, sur le coup elle a ri mais l'année d'après, j'étais avec ma sœur, dans la même chambre du même CREPS à Châtenay-Malabry, près de Paris." Très vite, en 2005, Aurélie Konhu est invitée à suivre des stages puis à intégrer les équipes de France de volleyball et de beachvolley.
S'en suivent deux ans de voyages et de compétitions durant lesquelles sa vie privée est mise de côté. "Mais on se sent enrichi après ces deux ans, précise l'ancienne joueuse internationale, car c'est beaucoup d'apprentissage en très peu de temps, à la fin on a le choix et généralement les joueuses intègrent des équipes professionnelles mais moi j'ai choisi la petite porte pour retrouver le plaisir de jouer."
Aurélie Konhu choisit alors d'intégrer des clubs de troisième ou deuxième division française souhaitant accéder à la première division. Ce sera La Rochelle en 2007, puis Poitiers en 2009, avant de passer quatre ans avec l’équipe de Chamalières, jusqu'à faire accéder le club au niveau professionnel.
Une recherche de liberté et de simplicité
"J'étais alors en pleine réflexion sur qui j'étais et comment trouver un équilibre entre ma vie de sportive de haut niveau, dans laquelle il faut aussi séduire les sponsors, et la simplicité de la tradition que je retrouvais à chaque vacance avec ma famille autour du feu à Kanumera." Elle décide alors de partir jouer en Suisse, où elle ne connaît personne, avant de rejoindre le club amateur de Rennes pour retrouver sa sœur et sa nièce.
"C'est là, à trente ans, que j'ai appris à payer mes factures, chose dont on ne s'occupe pas quand on joue au niveau professionnel et où tout est géré pour vous." Un BPJEPS (brevet professionnel de la Jeunesse, de l'Éducation populaire et du Sport) et un DEJEPS (Diplôme d’Etat de la jeunesse et du sport) en animation sociale en poche, Aurélie Konhu revient s'installer en Calédonie en 2019. Après un retour compliqué durant lequel il lui a fallu retrouver sa place au sein de sa famille et au sein de la coutume, elle finit par trouver un travail comme éducatrice sportive à l'Île des Pins, poste qu'elle occupe de 2020 à 2022. "Ce poste me permettait d'avoir une casquette pour aborder des sujets dont je n'aurais pas pu parler autrement, comme oser parler des violences par exemple, ma vie professionnelle m'a apportée un grand espace de liberté."
Oser prendre la parole sur le viol
Dans le même temps, alors qu'elle suit un stage sur la gestion des émotions à l'Île des Pins, un souvenir traumatisant revient à la mémoire d'Aurélie Konhu. "Je me suis souvenue qu'à 15 ans, j'ai été violée, lors de ma première année à Châtenay-Malabry, à deux chambres de celle que j'occupais alors avec ma sœur." La jeune femme découvre le fonctionnement de l'amnésie traumatique, entame des thérapies et met six mois à passer par des montagnes russes incessantes d'émotions complexes.
"J'ai eu la réponse à énormément de questions que je m'étais posées durant mes 15 ans à France, à savoir pourquoi ma vie était aussi compliquée et pas rectiligne comme celle de ma sœur." En novembre 2022, Aurélie Konhu décide de prendre la parole en public, pour "sensibiliser et aider les autres". Surprise par les retours positifs et les témoignages publiés après sa prise de parole, elle décide de poursuivre le dialogue, "pour donner des clefs à tous, dire stop et rappeler que le viol ne doit plus être un tabou mais bien l'affaire de tous, pour que cela cesse."