Au chapitre des passions littéraires, il est souvent question de voyages et de rendez-vous imprévus. "Je me suis toujours intéressé, peut-être par sensibilité insulaire, à l’Océanie, résume l’enfant de la Martinique. Vers mes 17-18 ans, en lisant [l’écrivain martiniquais] Édouard Glissant je me suis intéressé à Victor Segalen, d’abord à son roman les Immémoriaux publié en 1907 , et à son essai sur l’exotisme. Très naturellement je me suis demandé pourquoi le Pacifique avait provoqué un tel choc esthétique en lui."
En 2007, Eddy répond à un appel à candidatures pour réaliser une thèse sur le sujet "des représentations littéraires de l’activité minière en Nouvelle-Calédonie". Il ne connaît principalement de notre archipel que l’héritage de Jean-Marie Tjibaou. Ce nom a en effet "toujours été dans mon paysage mental" : outre l’avenue de Fort-de-France baptisée en hommage au natif de Hienghène, un des premiers souvenirs marquants du petit Eddy, qui avait alors six ans, concerne la triste annonce par RFO de l’assassinat de l’homme politique. "J’étais très surpris de voir les adultes autour de moi frappés par ce qui se passait véritablement très loin de nous…"
Avec un certain Aimé Césaire comme maire de la ville où il grandit – l’écrivain intervient régulièrement dans les classes de collège – et des parents férus de littérature américaine et d’essais politiques, la voie semble toute tracée vers des études littéraires… Mais Eddy s’intéressera également au patrimoine oral. "Dans la Caraïbe, nous sommes des sociétés post-esclavagistes, le conte, la narration ont été des modes de résistance, des manières de conserver la mémoire, d’honorer aussi. En Nouvelle-Calédonie, y compris dans le monde européen, il y a un rapport à la mémoire, il y a une manière de raconter comme on dit ‘l’histoire des vieux’ , du grand-père, etc. qui cimente tout et donne lieu à des échanges très émouvants. Ça fait partie des choses qui continuent de m’impressionner et de m’interroger, depuis que je suis ici."
De la recherche à la transmission
À présent enseignant en lettres au lycée, Eddy est également associé au laboratoire de recherches TROCA pour Trajectoires d’OCéAnie à l’UNC. L’irruption de la pandémie COVID et les confinements qui en ont découlé partout ont attisé un engouement planétaire pour les cours en ligne… Ainsi Eddy s’est-il prêté à l’exercice, donnant des cours de français via son écran. Si l’expérience implique d’avoir à jongler avec les fuseaux horaires, elle "donne lieu à des échanges avec des personnalités du monde entier assez intéressantes. Un de mes derniers cours avait une tonalité un peu triste, parce qu’une des mes étudiantes était ukrainienne, et donc on a passé une partie du cours à écouter son expérience de la guerre qui a encore lieu…"
En 2011, il a fait un détour par Fidji, là aussi pour y enseigner le FLE (Français Langues Étrangères) à l’Alliance Française, et intervenir comme French lecturer à l’USP (University of the South Pacific). Notant que ses élèves calédoniens revendiquent avec fierté la pluralité de leurs origines, Eddy tire de ses multiples expériences insulaires une réflexion sur une identité ouverte plutôt que soumise aux contraintes de l’isolement. "Je crois que l’île est un carrefour, où on apprend à accueillir les différences, les diversités. S’il y a une expérience insulaire universelle c’est celle de voir les autres arriver depuis la mer, de les accueillir, parfois de les affronter, et d’en faire quelque chose de nouveau."