"Même si je me suis trouvée en tant que femme transgenre, je suis en perpétuelle recherche de moi-même. Qui suis-je aujourd’hui ?" A tout juste 20 ans, Djacintha Paagalua a pourtant déjà entamé un long "chemin intellectuel et spirituel" vers la quête de son identité. Aujourd’hui, cette étudiante en première année de licence de droit ose parler de sa transition progressive vers la féminité. Un parcours loin d’être facile, qui a forgé son caractère et sa maturité.
Née garçon, Djacintha Paagalua a grandi à Dumbéa dans une famille d’origine wallisienne et kanak. Une enfance à l’écart des questionnements sur l’identité. "Comme tout Océanien, j’évoluais dans un cadre très familial et religieux, où chacun a sa place et sait ce qu’il doit faire. Je ne me définissais pas comme garçon ou fille. Je regardais beaucoup Miss France et je n’avais pas pensé que je ne pourrais pas participer à ce concours en raison de mon sexe biologique. Je me disais juste que j’avais envie de porter des jolies robes et d’avoir la couronne sur ma tête."
"Je suis une femme qui vit dans la peau de quelqu’un d’autre"
Pourtant, en grandissant, elle entend certaines remarques de ses proches, notamment lorsqu’on veut lui apprendre à marcher "comme un homme". Djacintha Paagalua préfère alors "oublier" ces moments "désagréables". Jusqu’à son entrée en classe de troisième et sa rencontre avec une professeure qui, sans le vouloir, lui ouvre les yeux. "Elle m’a parlé de son autre travail avec des personnes transgenres et là, en la rencontrant, je me suis rencontrée, explique Djacintha Paagalua. Je me suis dit :’ je suis une femme qui vit dans la peau de quelqu’un d’autre depuis toujours et je dois me délivrer de cette situation intenable’."
Sa mère, puis son père qui, selon la jeune femme, a fait "un très beau parcours et a beaucoup travaillé sur lui-même" acceptent, chacun à leur rythme, la nouvelle identité de leur enfant. Un soutien essentiel qu’elle ne retrouve pas toujours auprès de l’ensemble de ses proches. "Je suis devenue de plus en plus nerveuse à l’idée de voir une partie de ma famille, notamment durant le travail coutumier, car les remarques qui font le plus mal sont celles venant des gens qu’on aime. Je continue de les aimer, mais de loin. J’aimerais me reconnecter à ces personnes avec qui j’ai grandi et à qui je dois beaucoup, mais cela va prendre du temps."
Un engagement du quotidien contre le harcèlement et la dépression
Cette adversité, l’adolescente y est surtout confrontée durant ses années de lycée. "J’ai eu beaucoup de harceleurs qui avaient beaucoup d’imagination pour m’insulter", raconte Djacintha Paagalua. Également agressée à cause de son apparence, la jeune femme sombre dans la dépression pendant trois ans et tente à plusieurs reprises de mettre fin à ses jours. "Dans ces moments, je me disais : j’abandonne. J’étais entourée de personnes qui m’aimaient, mais je souffrais et je voyais qu’elles souffraient également de cette situation. Heureusement, elles m’ont convaincu que je méritais de vivre." La jeune femme a aujourd’hui choisi la voie de l’engagement pour continuer à avancer.
Elle est notamment membre du conseil des jeunes de Dumbéa, engagée au sein de l’Université et toujours prête à répondre aux questions. "C’est important d’être présente pour ceux qui ont besoin d’aide car sans l’intervention de certaines personnes, je ne serais peut-être plus là", souligne l’étudiante, chez qui une foule de questions se bousculent encore. "Je n’ai pas le monopole du savoir sur les LGBTQIA+ [NDLR : Lesbienne, Gay, Bisexuel, Transgenre, Queer, Intersexe, Asexuel, le + incluant toutes les personnes qui ne se retrouvent pas dans ces définitions], je poursuis mes recherches car je suis très curieuse et je crois que nous devrions tous nous poser des questions sur l'identité et chercher à déconstruire ensemble nos stéréotypes."