Pour que Gabriel Oyarzun se livre, il lui faut son charango entre les mains. Cette petite guitare des Andes permet au musicien de remonter son histoire. Jusqu'à sa naissance en Patagonie d'abord, "à Punta Arenas, dans la pointe sud de l'Amérique du Sud", d'une maman chilienne et d'un papa français. S'ensuivent quatre ans en France, avant un départ en voilier pour cette famille de six. "Cinq ans de voyage avec mes parents, mes deux frères, ma soeur, deux chats et un labrador sur un voilier de onze mètres", se rappelle Gabriel Oyarzun. Des aventures bercées par les rencontres et la musique, indispensable dans la famille. "J'ai eu une enfance très heureuse, se rappelle le musicien, je vis toujours sur un voilier d'ailleurs et mes deux parents sont musiciens donc toute cette musique andine je l'ai eu, sans vivre dans la culture, par transmission orale dans le noyau familial avec mon père qui joue de la flûte traditionnelle et ma mère qui chante." L'arrivée en Calédonie, en 1998, se fait d'abord comme toutes les autres arrivées : par le port et les rencontres avec les autres enfants de marins. "Mais je crois qu'on arrivait à un moment où les caisses étaient vides, mon père a trouvé un travail qui lui plaisait puis les aînés ont commencé à passer le bac, il nous fallait donc un endroit fixe pour l'examen et voilà, mine de rien, on est resté."
À la rencontre du Caillou et du charango
Les rencontres se font alors à l'école pour Gabriel Oyarzun puis à travers ses différentes passions : le roller qui l'amène à prendre puis à donner des cours de gymnastique, mais aussi, et surtout, la musique. "Déjà, on avait un groupe familial puis dès l'adolescence, je jouais dans les bars avec des amis." Gabriel Oyarzun joue alors plutôt du reggae, une guitare à la main. Jusqu'à ce qu'un ami installé ici lui fasse découvrir le charango, qui lui-même avait découvert en France grâce à la diaspora chilienne. Gabriel Oyarzun fait également ses propres recherches et peu à peu s'approprie l'instrument de musique. Après le baccalauréat, il s'inscrit au Conservatoire de musique de Nouméa pour suivre, en trois ans, un certificat de musicien intervenant territorial, qu'il poursuit par un DUMI, un diplôme universitaire de musicien intervenant, grâce à un partenariat avec l'université de Poitiers.
Un message de respect
Le musicien rentre ensuite en Calédonie, après un voyage initiatique de quatre mois en Amérique du Sud. "Je suis parti avec Damien Gorodja et on a eu la chance d'accompagner Freddy Torrealba , un grand charangiste, ça a été une expérience incroyable. J'ai aussi été confronté à des questions sur mon propre pays auxquelles je ne pouvais pas répondre, j'ai essayé de chercher aussi les réponses." Aujourd'hui, c'est bien en Nouvelle-Calédonie que Gabriel Oyarzun se sent le plus à l'aise. "Grâce aux cours, je passe mes journées avec les jeunes et c'est bien ici que je comprends le mieux les codes culturels et où je me sens à la maison." En plus de son travail au Conservatoire, d'abord mené à l'antenne de Voh (où il a pu chanter avec la chorale Uilu), puis à celle de Bourail, Gabriel Oyarzun continue de jouer dans différents groupes de musique. Le plus ancien, Baraka, a débuté avec un répertoire reggae avant de proposer aujourd'hui des reprises et compositions autour de la salsa et de la cumbia. "Mes compositions parlent de respect, d'amour, car on entend parler tous les jours du destin commun, mais ce partage on le vit déjà au quotidien sans avoir besoin d'en parler tout le temps." Des rencontres que la musique porte bien souvent elle qui permet, selon Gabriel Oyarzun, de "se retrouver pour jouer ensemble, toute communauté confondue, sans se poser trop de questions".