Préserver naturellement les variétés d'ignames face à la maladie

Champ expérimental d'ignames à Port-Laguerre
En Calédonie, chacun connaît la valeur alimentaire et symbolique de l'igname. Mais elle est menacée par une maladie, l'anthracnose. Depuis janvier, le centre des tubercules tropicaux et l'IAC travaillent pour élaborer des variétés résistantes, ainsi que des remèdes naturels à cette pathologie.

A Port-Laguerre, un champ d’igname expérimental. Abritera-t-il bientôt le remède miracle contre l’anthracnose ? 
" L’anthracnose, c’est cette maladie qui provoque des tâches brunes sur la feuille et qui, en se développant, va sécher complètement la feuille, la liane de l’igname" explique Sébastien Blanc, adjoint au chef de centre des tubercules tropicaux.
Depuis cinq mois, les chercheurs du Centre des tubercules tropicaux et de l’Institut agronomique néo-calédonien collaborent pour mettre au point des variétés de tubercules résistant à cette maladie.  
"Cette maladie, elle se développe souvent en saison humide. Donc là, cette année, avec la Niña, on voit que l’anthracnose a été beaucoup plus présente sur nos parcelles" constate Sébastien Blanc. 

Plant d'igname touché par l'anthracnose.

Des mariages d’ignames

Le responsable de cette maladie, c’est un champignon microscopique. Les plants malades sont, au mieux moins productifs, au pire, meurent. Pour éviter cela, Méryl Jordan crée des hybrides en mariant différentes variétés d’ignames. 
"Il faut savoir que généralement, on multiplie les ignames à partir de leurs tubercules, mais ce qu’on sait moins, c’est que certaines variétés d’ignames sont tout à fait capables de fabriquer des fleurs " explique la responsable du centre des tubercules tropicaux au technopole. "Donc, au centre des tubercules tropicaux, parmi les plus de deux cents variétés d’ignames que nous possédons, nous avons identifié les variétés qui peuvent fleurir femelles, et les variétés qui peuvent fleurir mâles. On les a identifiées et on les a plantées proches les unes des autres de sorte que, grâce au vent, le pollen des fleurs mâles pollinise les fleurs femelles". 

Sélectionner les hybrides les plus résistants

Les graines ainsi obtenues sont mises à germer, puis transférées sur le site de l’Institut agronomique à Pocquereux. Là, les plantules sont volontairement contaminées par le champignon. 
"L’expérimentation a commencé depuis janvier, donc on a commencé à faire les applications de champignon, et on va voir dans le temps, après, une sélection des plants les plus tolérants, et des plus sensibles. On conservera les plus tolérants pour les cultures et d’autres activités scientifiques" explique Stéphane Lebegin, responsable du site de La Foa/Pocquereux de l’Institut agronomique néo-calédonien.   

Les plants hybrides sont soumis à l'anthracnose pour trouver les plus résistants.

Sauvegarder les variétés traditionnelles

Parmi ces autres activités scientifiques : découvrir la ou les molécules qui rendent ces plants plus résistants à l’anthracnose. 
"Ces plants, on va les remettre dans une deuxième phase aux champs, pour produire de la biomasse, c’est à dire beaucoup de feuillages, pour en extraire ce qu’on appelle des substances naturelles qui seraient potentiellement intéressantes pour lutter contre la maladie, à ce moment là, avec des variétés qui sont plus sensibles, comme par exemple des ignames traditionnelles, de coutume, etc., dans l’esprit de conserver le patrimoine culturel et la génétique" poursuit Stéphane Lebegin. 
L’objectif de cette étude est donc double : trouver un remède naturel pour préserver les variétés traditionnelles, indissociables de la culture mélanésienne et créer l’igname du futur, goûteuse et résistante. Notre sécurité alimentaire en dépend. 
Le reportage de Caroline Antic-Martin et Gaël Detcheverry