Les événements dramatiques du 22 avril et du 5 mai 1988 à Ouvéa commencent à être commémorés, trente ans après. Des cérémonies se tiennent depuis vendredi et sur l'île, toute une série de rendez-vous mémoriels sont prévus.
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«Ouvéa, avril 88, fut le début des événements tragiques pour tout le monde, nul n'en est sorti vainqueur.» Ces mots ont été prononcés vendredi, en fin de matinée par Jean-Marie Dassule, président du comité du 22 avril 1988. C'était à Dumbéa, où la première d'une longue série de cérémonies s'est tenue à la mairie du Nord, sur le mémorial dédié aux gendarmes d'Ouvéa et aux militaires du 11e Choc.
• Le 22 avril 1988, nous sommes deux jours avant le premier tour de l'élection présidentielle qui oppose François Mitterrand et Jacques Chirac. La Calédonie connaît une période de fortes tensions et le FLNKS a appelé au boycott des élections.
• Ce 22 avril à 6 heures, un groupe d'indépendantistes attaque la brigade de Fayaoué. Le but: prendre les 31 gendarmes en otage jusqu'au second tour de la présidentielle. Conduite par Alphonse Dianou, l'opération coup de poing dégénère. Quatre gendarmes sont tués par balle et trois indépendantistes, blessés.
• Les 27 fonctionnaires désarmés sont séparés en deux groupes. Le premier sera rapidement libéré. Le deuxième, composé de seize gendarmes, est conduit au nord d'Ouvéa, dans une grotte près de la tribu de Gossannah.
• Le GIGN est dépêché sur place avec dix-huit hommes. La grotte est repérée le 26 avril. Six membres du groupement d'intervention, ainsi que le capitaine Legorjus, s'y rendent, et sont faits prisonniers.
• Les négociations commencent deux jours plus tard, mais semblent échouer. Le 3 mai en début d'après-midi, le président François Mitterrand signe l'ordre d'assaut. Il doit avoir lieu le 4 mai, il est repoussé de vingt-quatre heures.
• Au petit matin du 5 mai, en voyant l'hélicoptère, le commandant kanak pense qu'il va être ravitaillé, comme c'est le cas depuis une semaine. Mais c'est le début de l'assaut, qui durera plus de six heures. Près de 80 militaires entrent en action.
• Les ravisseurs se rendent en fin de journée. Le bilan est dramatique: dix-neuf morts chez les indépendantistes, dont un «porteur de thé» qui ne faisait pas partie des geôliers, un adjudant du 11e Choc et un parachutiste.
Explications dans le reportage de Frédérique Machoro et René Molé.
«Porter un regard lucide et apaisé sur cette période»
«Trente ans après, avec les souffrances de chacun, dans sa chair ou dans son âme, nous pouvons, et devons, porter un regard lucide et apaisé sur cette période», a déclaré celui qui est lui-même un ancien gendarme, marié avec une femme originaire d'Ouvéa. «Nous pouvons tenter de comprendre. Avec recul, sans passion, ni haine.»«Déclencheur»
Et d'ajouter, dans un hommage qui n'oublie pas les dix-neuf morts kanak de la grotte: «Ouvéa, les événements d'avril et mai 88, ont été un déclencheur irrémédiable et c'est l'histoire qui nous l'enseigne. Déclencheur d'un processus qui dit: "Plus jamais ça.»Ecoutez le reportage de Jeannette Peteisi.
La Foa aussi
L'après-midi, même recueillement, paroles semblables et autres dépôts de gerbes, mais à Nouméa, entre la place Bir-Hakeim et la rue Surleau. C'est là qu'un petit talus vert abrite la stèle des gendarmes et militaires victimes du devoir en Nouvelle-Calédonie. Et cela s'est poursuivi ce week-end. Samedi, le comité organisait un moment de recueillement au monument aux morts de La Foa, après une messe du souvenir à l'église.Fayaoué ce dimanche
Ce dimanche, jour anniversaire de la prise d'otage, le dépôt de gerbes aura lieu dans l'enceinte de la brigade de Fayaoué. Là où s'est produit le premier événement d'une série qui allait conduire, quinze jours plus tard, au drame de la grotte.L'enchaînement
Retour sur les principales étapes de ces quatorze jours tragiques qui ont marqué l’histoire calédonienne.• Le 22 avril 1988, nous sommes deux jours avant le premier tour de l'élection présidentielle qui oppose François Mitterrand et Jacques Chirac. La Calédonie connaît une période de fortes tensions et le FLNKS a appelé au boycott des élections.
• Ce 22 avril à 6 heures, un groupe d'indépendantistes attaque la brigade de Fayaoué. Le but: prendre les 31 gendarmes en otage jusqu'au second tour de la présidentielle. Conduite par Alphonse Dianou, l'opération coup de poing dégénère. Quatre gendarmes sont tués par balle et trois indépendantistes, blessés.
• Les 27 fonctionnaires désarmés sont séparés en deux groupes. Le premier sera rapidement libéré. Le deuxième, composé de seize gendarmes, est conduit au nord d'Ouvéa, dans une grotte près de la tribu de Gossannah.
• Le GIGN est dépêché sur place avec dix-huit hommes. La grotte est repérée le 26 avril. Six membres du groupement d'intervention, ainsi que le capitaine Legorjus, s'y rendent, et sont faits prisonniers.
• Les négociations commencent deux jours plus tard, mais semblent échouer. Le 3 mai en début d'après-midi, le président François Mitterrand signe l'ordre d'assaut. Il doit avoir lieu le 4 mai, il est repoussé de vingt-quatre heures.
• Au petit matin du 5 mai, en voyant l'hélicoptère, le commandant kanak pense qu'il va être ravitaillé, comme c'est le cas depuis une semaine. Mais c'est le début de l'assaut, qui durera plus de six heures. Près de 80 militaires entrent en action.
• Les ravisseurs se rendent en fin de journée. Le bilan est dramatique: dix-neuf morts chez les indépendantistes, dont un «porteur de thé» qui ne faisait pas partie des geôliers, un adjudant du 11e Choc et un parachutiste.
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En trente ans, les principaux acteurs de cette tragédie ont eu l'occasion de raconter leur version. Toutes ne convergent pas. Quel rôle ont joué les uns, et les autres? Comment Alphonse Dianou, blessé au genou après l'assaut, est-il mort? Dernier en date, le ministre de l'Outre-mer de l'époque, Bernard Pons, consacre un chapitre de ses mémoires à cette tragédie.Réconciliation et commémoration commune
A Ouvéa, la douleur reste profonde, trente ans après. La matinale décentralisée et la table ronde diffusée sur notre antenne radio en direct de Iaai, vendredi midi, le laissaient encore percevoir. Ecoutez le souvenir poignant raconté à Thierry Belmont par Evelyne Kapoa, qui était alors directrice d'école.Messe œcuménique en 1998
Depuis, un important travail de mémoire et de réconciliation a été mené, notamment entre les comités, du 22 avril pour les gendarmes et du 5 mai pour les dix-neuf. Dès 1998, une messe oecuménique réunissait gendarmes et habitants de l'île, désireux d'engager un processus de réconciliation et de commémoration commune des morts, qui s'est consolidé d'année en année. Les églises catholique et protestante ont également joué un rôle important dans cet apaisement.La cérémonie à Fayaoué
Ce dimanche, une délégation dont feront partie le haut-commissaire, le commandant de la gendarmerie en Calédonie, le président du gouvernement et les deux députés sera à Ouvéa. La journée débutera par une étape sur la tombe du caporal Melam Baouma, tué en 2008 en Afghanistan lors d'une opération. Une messe œcuménique sera célébrée à Saint-Michel en hommage aux victimes. Suivra la levée des drapeaux et le dépôt de gerbes à la gendarmerie. En présence des autorités civiles, militaires, coutumières et des deux comités du 5 mai, celui de Gossanah et celui soutenu par les collectivités.Deux semaines de temps de mémoire
Durant deux semaines, des débats, des expositions, des projections de films, des reconstitutions ainsi que des ateliers culturels et des concerts seront organisés dans toute l'île. A Gossanah, le signal des commémorations a été lancé ce samedi, en fin d'après-midi. La tribu va vivre au rythme des témoignages de ceux qui ont vécu les événements de 1988.Lancé à Gossanah
Gossanah qui présente le résultat d'un important travail de collecte réalisé depuis trente ans par les habitants: photos d'époque, coupures de journaux, lettres de prisonniers, poèmes… De quoi rappeler le drame et le chemin parcouru.Ecoutez le reportage radio de Malia Noukouan.
La visite présidentielle toujours prévue
Le 5 mai, le président Emmanuel Macron, attendu le 2 mai en visite en Nouvelle-Calédonie, se rendra à Ouvéa en dépit de l'opposition d'habitants de Gossanah. Pour l'instant, son déplacement serait maintenu. Sur place, les discussions se poursuivent. C'est la date qui pose problème à certains, tandis que cette protestation suscite une incompréhension.Explications dans le reportage de Frédérique Machoro et René Molé.