Le caboteur "DL Scorpio" devrait bientôt quitter la Calédonie

Le DL Scorpio, quai des Caboteurs à Nouméa
Saisi temporairement par la justice, après de nombreux impayés de l’affréteur, le caboteur doit retourner prochainement en Asie, à la demande de son armateur. Des travaux de sécurisation sont prévus à bord avant son convoyage en remorqueur.

Après s’être libéré difficilement du Grete Theresa, le quai des Caboteurs à Nouméa doit composer, depuis des mois, avec un nouveau bateau ventouse. Il s’agit du DL Scorpio, une barge de 73 mètres, affrétée depuis 2014 par la compagnie Transweb pour le transport de marchandise et de carburant entre Nouméa et les îles Loyauté.

Or, son propriétaire basé à Singapour, ASL Maritime services, compte bien récupérer son navire, immobilisé en petite rade de Nouméa. Non seulement le caboteur se dégrade à vue d’œil, mais depuis fin 2019, les loyers du bateau ne sont plus payés par l'affreteur Transweb à son armateur.


L'arrivée d'un remorqueur annoncée 

Les choses pourraient toutefois bouger avec l’arrivée du navire ASL Amber, annoncée la semaine prochaine. Ce remorqueur de haute mer doit assister le DL Scorpio pour son voyage retour vers l’Asie. "Il est affrété spécialement pour cette opération", témoigne une source proche du dossier. 

Mais avant cette traversée, l’équipage du remorqueur devra effectuer quelques derniers travaux à bord du DL Scorpio. Ainsi, les reniflards, destinés à aérer les cales, devront être bouchés pour éviter que l’eau rentre à l’intérieur du bateau. "Un assureur doit venir inspecter le navire et s’assurer que toutes les conditions sont réunies pour réaliser ce voyage en toute sécurité", indique un autre acteur du dossier. 

Plus d'autorisation de navigation

Car techniquement, le DL Scorpio n’est plus autorisé à naviguer dans les eaux calédoniennes depuis un an. En cause : des travaux de révision obligatoires, que n'a jamais réalisés la compagnie Transweb. Pour l'armateur singapourien, "le but du jeu est de faire en sorte que toutes les conditions administratives soient réunies pour récupérer enfin son bateau", confie une source. 

Localement, c'est une société privée, Transam, qui entreprend les démarches pour le compte de ce propriétaire basé à Singapour. Parmi les dossiers en cours : le DL Scorpio doit passer du pavillon français au pavillon de l'île de Niue, avec Alofi pour port d'attache. 

La procédure pour permettre au bateau de quitter définitivement Nouméa est-elle donc en bonne voie ? Difficile à dire. La direction des affaires maritimes, qui pilote le dossier, n'a pas donné suite à nos sollicitations. 


Saisie conservatoire

Car un autre gros volet doit encore être réglé, à la fois juridique et financier. Fin 2022, le caboteur a été saisi à titre conservatoire par le tribunal mixte de commerce, en raison de nombreux impayés. Selon le journal satirique Le Chien Bleu, la société qui exploite le DL Scorpio doit plus de 500 millions de francs au propriétaire pour la location du bateau.

Et les dettes ne s'arrêtent pas là. Transweb cumule également d'importantes créances auprès de la Cafat pour non paiment des cotisations sociales, ainsi qu'à la Nouvelle-Calédonie et au Port autonome. La saisie devra donc être levée pour permettre au caboteur de repartir. Mais du côté de la société Transam, qui supervise les opérations, on se montre plutôt confiant, "puisque c'est l'armateur lui-même qui avait demandé cette saisie"


Une société noyée par les dettes 

Autre créancier de cette ardoise gigantesque : la société Sowemar, associée à la Sofinor, le bras financier de la province Nord. Cette entité, impulsée par le clan Poithily, est à l'origine de la création de Transweb. En 2014, le DL Scorpio démarre ses rotations et vient s'ajouter aux deux autres caboteurs des Iles, exploités par la Stiles et la CMI (Compagnie maritime des îles).

Mais les relations s'enlisent entre Pierre Dongoc, le directeur de Transweb, et la Sowemar. Les dettes s'accumulent aussi. "En 2018, nous avons revendu l'intégralité des parts de la Sowemar et aujourd'hui, nous n'avons plus rien à voir avec Transweb. Le DL Scorpio n'est plus un bateau de la province Nord", insiste Jean Poithily, le gérant de la SARL Sowemar. Après un contentieux au tribunal, Transweb doit toujours d'importantes sommes d'argent à la Sowemar pour le rachat de ses actions. 

Un marché trop restreint

Neuf ans après les premières rotations du DL Scorpio, le naufrage de la compagnie Transweb laisse une impression d’immense gâchis à certains acteurs du secteur maritime. Dès la mise en service du navire, des voix s’étaient inquiétées de l’arrivée de ce troisième acteur, dans un marché du cabotage jugé trop étroit. La compagnie Transweb, elle, avait fait preuve d’un optimisme à toute épreuve. En 2014, son directeur avait confié aux Nouvelles Calédoniennes vouloir acquérir, à termes, le DL Scorpio, dont la valeur était estimée entre 600 et 700 millions de francs. Cinq plus tard, la compagnie n'était déjà plus en capacité d'honorer ses loyers.