Né au milieu des années 70 à Niort d’une mère originaire du Poitou et d’un père pasteur, parti jeune de sa lointaine tribu de Luecila (Lifou) pour les rivages européens, Nicolas Molé enfant n’a que son imagination pour compenser la distance avec le terroir familial paternel. "À chaque fois qu’il y avait une visite de la famille, même si c’était très court, c’est ancré [dans la mémoire]… C’étaient des choses très importantes : ne pas être qu’une moitié, avoir deux familles comme tous les enfants."
De 1995 à 1999, il fréquente l’École des Beaux-Arts de Bordeaux, avant de "saborder" son oral d’examen final… Sa famille, issue du monde de l’agriculture, ne conçoit guère la pratique artistique comme un véritable travail. "C’est pour ça que j’ai longtemps refusé la dénomination d’artiste, je trouvais ça un peu péjoratif. Aujourd’hui je l’assume complètement parce que je suis professionnel, c’est un métier qui demande beaucoup d’engagement."
La force des clans
À l’âge de 24 ans, Nicolas Molé pose pour la première fois les pieds en Nouvelle-Calédonie. Le jeune homme apprend alors à composer avec de nouveaux repères. "C’est la force du clan, qui vous a déjà enraciné avant même que vous soyez ici. Il y a vraiment deux coins sur la planète où je sais que je suis chez moi : le village où j’ai grandi, Thorigné dans le Poitou, et puis Luecila à Lifou, la tribu de notre clan ; parce que les vieux me connaissent, ils savent qui je suis."
Il faut sans doute le regard d’un artiste anticonformiste pour esquisser un parallèle inattendu entre le courant culturel punk, qui a forgé sa jeunesse, et une certaine philosophie océanienne ! "La mort est omniprésente dans nos vies : on l’accepte telle quelle et on profite aussi de l’instant qu’on est en train de vivre. Comme on dit, on sait quand on arrive mais pas quand on part… Voilà c’est ça l’esprit punk, et c’est typique d’ici ! […] OK il y a l’imprévu, mais on le suit."
Lors d’une tranche de vie à Buenos Aires, mégapole grouillante de vitalité artistique, il rencontre Mariana Molteni, sa compagne argentine également artiste plasticienne. En 2011, le couple (re)vient s’installer sur le Caillou. Depuis ce retour aux sources paternelles, Nicolas Molé a vécu nombre d’expériences artistiques, dans notre archipel ou la grande région Pacifique (Taiwan, Vanuatu, Australie, Nouvelle-Zélande…). Avec l’envie de faire des fondamentaux de sa double culture, un vecteur de prise de conscience environnementale et de rapprochement universel. "Quand je décide de partir en Tasmanie pour faire une case avec le bois des Tasmaniens, c’est aussi par rapport à une histoire là-bas qui est très dure, où il y a eu une destruction complète de toute la culture, et pour dire que nous on a toujours ces savoir-faire : on est là, on est frères, on est dans ce partage… C’est impalpable !"