Culture sur brûlis : concilier l'agriculture traditionnelle et la prévention des feux

Exemple de champs débroussés par brûlis.
La saison administrative des feux en Nouvelle-Calédonie coïncide avec la préparation des champs d’igname. Nombre d'habitants recourent à l’étape du brûlis, et pour éviter qu'elle ne tourne à l'incendie, ils appliquent des méthodes ancestrales. Mais les dérives existent. Notre dossier.
Pour les Calédoniens, c'est un peu une saison parmi les autres : du 15 septembre au 15 décembre, le risque d’incendie est démultiplié et il est conseillé d’éviter de faire du feu en dehors des feux de cuisine. Conseillé voire ordonné, à travers des arrêtés communaux ou des décisions prises au jour le jour par la sécurité civile
 
Le risque de feu pour le lundi 14 octobre 2019.
 

Techniques traditionnelles

Or, cette saison dite administrative des feux de forêt coïncide, en milieu kanak, avec la préparation des incontournables champs d’igname. Sur la Grande terre comme aux îles, beaucoup pratiquent la technique du brûlis : ils débroussaillent par le feu, en appliquant des méthodes transmises de génération en génération. A Maré par exemple, ces techniques sont suivies à la lettre par les habitants. 

Un dossier de Clarisse Watue à écouter ici :

Culture sur brûlis, le dossier de la rédaction radio

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Etapes

Ce jour-là à Hnadid, dans le disctrict nengone de Tawainedr, Victor Waricone s’apprête à brûler une parcelle débroussée par les jeunes de la tribu. Le terrain a été défriché de sorte que le feu ne se propage pas. Il se saisit d'une feuille de cocotier morte qu'il utilise comme allume-feu. 

On a nettoyé les bords du champ, pour éviter que le feu ne déborde.
- Victor Waricone, agriculteur maréen

 

Le vent surveillé de près

Mais avant de craquer une allumette, «on regarde la direction du vent», prévient-il. Des flammes impressionnantes consument la végétation. L'agriculteur maréen n'est pas loin. «Il faut toujours se méfier du feu, insiste-t-il, il y a trop de vent, il peut se propager.» En une dizaine de minutes, les débris végétaux sont réduits en cendres. Prochaine étape : le labourage du champ, puis la plantation d’ignames.
 

Dérives par manque de temps

De nos jours, le manque de temps pousse à user de méthodes dangereuses pour l’environnement. Certains brûlent leur exploitation sans la nettoyer, par exemple. Ces dérives ont contraint Biocaledonia à définir des règles strictes pour encadrer la pratique de la culture sur brûlis. C'est ce qu'explique Frédéric Palet, animateur de l'association pour les Loyauté.
 

Bien différencier les brûlis dits sauvages, non maîtrisés ou réalisés avec des combustibles ou des pneus, qui ne sont pas en conformité avec l'agriculture biologique.
- Frédéric Palet, Biocaledonia

 

Attention aux brûlis non maîtrisés ou allumés avec des polluants

«L'association a validé ces bonnes pratiques pour compléter la NOAB - je rappelle que c'est la "norme océanienne d'agriculture biologique" - pour que nos auditeurs qui contrôlent les exploitations certifiées puissent avoir l'ensemble des détails, développe-t-il. Afin de constater si les bonnes pratiques sont [en cours] sur les exploitation certifiées. Notamment bien différencier les brûlis dits sauvages, non maîtrisés ou réalisés avec des combustibles ou des pneus, qui ne sont pas en conformité avec l'agriculture biologique.»
 

Inquiétude

Conscients du danger, certains cultivateurs ont abandonné la pratique du brûlis. «Avec le temps, je pense qu'avec ce système-là, la terre va s'appauvrir», s'inquiète Ezienne Ua, le petit chef de Wakone, dans le même district de Tawainedr. «Il faudrait faire [très] attention à la manière dont on utilise les parcelles pour que la culture puisse se pérenniser et la retransmettre à notre prochaine génération.» 
 

Avec le temps, je pense qu'avec ce système-là, la terre va s'appauvrir.
- Ezienne Ua, petit chef de Wakone

 

Une autre méthode

Depuis trois ans, lui opte pour un autre mode de débroussaillage, qui ne nécessite pas de brûler le terrain. Une technique qu’on appelle en nengone «pew awa ac» : «Je le débrousse et je jette [les déchets végétaux] au pied des arbres pour qu'on puisse brûler les grands arbres. Mais le terrain en lui-même, je ne brûle pas. Et j'ai réalisé en fin de compte qu'on n'a vraiment pas besoin de forcément brûler la terre. Et ça permettait également que cela mauvaise herbe ne pousse pas.» A la récolte, «c'est les mêmes résultats que sur brûlis», estime-t-il. 
  

Menace à maîtriser

Des milliers d’hectares partent en fumée chaque année, en Calédonie. Le feu représente une réelle menace pour le pays. Il est utilisé à des fins culturelles, mais ne pas le maîtriser, c’est mettre en péril notre Terre nourricière.