Ce sont dix années de réclusion criminelle, qui ont été prononcées à l'encontre de l'homme jugé aux assises mercredi 7 et jeudi 8 juillet, pour la mort de son voisin en février 2019, à Ouvéa.
En pleurs devant la cour
L'accusé encourait une peine de trente ans, si le meurtre était reconnu. Le ministère public en avait requis quinze, plus tôt dans la journée. La condamnation s'avère donc moins lourde de cinq ans.
Ce procès, le dernier de la session, s'était achevé par la prise de parole de cet habitant mis en cause. En pleurs, debout devant la cour, il a demandé pardon. Pardon d’avoir ôté la vie à son voisin le 28 février 2019, dans la tribu d’Ohnyat.
Un procès qui a marqué
Mais a-t-il volontairement exercé des violences ayant entraîné la mort ? Pour le ministère public, la réponse était oui. L’avocat de la partie civile a quant à lui émis un doute.
Ce procès aura en tout cas marqué les esprits. Dans le box des accusés, il y avait un homme particulièrement important et apprécié par les habitants d’Ouvéa. Père de famille responsable, professeur et président du syndicat d’initiative. Il a expliqué craindre le comportement violent et voyeur de son voisin, une frayeur exarcerbée par des rancœurs passées, sur fond de revendication foncière.
"Le réflexe de peur s'est engagé"
Ce second jour avait commencé avec l'expertise balistique. Pour définir le type d’arme utilisé : un fusil à répétition manuelle, avec des munitions de calibre 20,70 mm. Interrogé par la cour, l'accusé, les traits tirés, s’est expliqué sur les faits.
Alors qu’il va jeter un chat mort à la mer, ce jour-là, armé de sa carabine chargée, il rencontre son voisin, relate-t-il. Lui demande ce qu’il fait là. Son interlocuteur ne répond pas, s’avance. L’homme aujourd’hui accusé tire. Il recharge son arme et tire une seconde fois. Il reconnaît avoir fait feu à sept mètres de distance. "C’est le réflexe de peur qui s’est engagé."
Selon le médecin légiste, la victime est décédée suite à une lésion du petit bassin, ce qui a entraîné un choc hémorragique. Seule une transfusion sanguine aurait pu la sauver, ce qui était impossible sur cette île des Loyauté.
"Il y avait d'autres solutions"
Maître Martin Calmet, l’avocat de la partie civile, demande à l’accusé si c’est normal de vouloir se faire justice soi-même. Et pourquoi il n’a pas appelé les gendarmes, s'il se sentait menacé.
"J’avais pris une arme pour me protéger car j’avais déjà été agressé par la victime et j’avais fini à l’hôpital, je ne voulais pas terminer à la morgue", répond l’accusé. "Si c’était à refaire ?", questionne le même avocat. Il répondra qu’"il y avait d’autres solutions".
Cette ligne de défense interpelle l’avocate générale. Isabelle Fuhrer lui rappelle les propos d’un témoin : il l’avait entendu dire "qu’il allait faire du mal" à son voisin, "qu’il allait le tuer".
"J'ai perdu ma crédibilité"
Maître Julien Marty, l’avocat de la défense, demande à son client : "Oui ou non, aviez-vous l’intention de tuer la victime ?" "Je ne voulais pas en arriver là, je ne voulais pas ôter la vie à quelqu’un", assurera-t-il. "J’ai perdu ma crédibilité vis-à-vis de mes enfants, de ma famille, de ma tribu et de mon île. Cela va me hanter jusqu’à la fin de mes jours."
"L’accusé avait-il l’intention de tuer son voisin ?"
C’est bien à cette question que les jurés ont dû répondre durant leur délibéré, long de plusieurs heures. Pour Me Calmet, avocat de la partie civile, cette affaire est un véritable gâchis : "non seulement pour les victimes et sa famille, mais aussi pour l’accusé.” Dans sa plaidoirie, il a dit croire aux rejets de l’accusé mais c’était bien "un choix délibéré de prendre une arme à feu et de la charger avec des munitions puis de tirer sur un homme".
Pour le procureur de la République, l’accusé voulait en finir avec la victime. Le conflit foncier est secondaire dans cette affaire, mais le drame était attendu par de nombreux habitants de la tribu d’Ohnyat.
Et selon Maître Marty, avocat de la défense, son client n’a pas eu l’intention de "donner la mort", l’accusé "ne savait pas que la victime serait sur son chemin, il n’a pas visé le coeur ou la tête de la victime".
La volonté de tirer ne veut pas dire la volonté de tuer
Le compte-rendu, avant verdict, de Natacha Lassauce-Cognard et Carawiane Carawiane :