Faire un selfie avec une baleine. Frôler d’une main une raie manta. S’émerveiller face aux poissons et bénitiers multicolores d’une grotte sous-marine. Ces moments magnifiques sont le quotidien de Kaiwhatre Wétéwéa, 48 ans. "À vrai dire, je ne fais presque plus attention, s’amuse ce prestataire touristique du nord d’Ouvéa, car j’ai grandi avec la mer. Maintenant, j’ai envie de faire rêver les autres et leur dire qu’il y a des choses à protéger."
Enfant d’un couple de pasteurs, Kaiwhatre Wétéwéa a beaucoup bougé durant sa scolarité. Il passe son école primaire à Maré. Quand il est en CM2, ses parents partent à Fidji puis en Australie pour mener à bien des doctorats en théologie. Lui reste en Calédonie. "Mon père a beaucoup de frères et sœurs et la plupart sont pasteurs, donc installés un peu partout. J’ai beaucoup bougé. Je revenais voir mes grands-parents à Ouvéa durant les grandes vacances, mais parfois, j’étais à Kouaoua ou ailleurs."
Professionnel de la mer
Une constante reste dans cette jeunesse nomade : la proximité de la mer. "Dès mes sept ans, je plongeais, des cousins allaient pêcher et j’allais avec eux, je passais tout mon temps libre en mer, sans même alors me rendre compte que cela aidait à la maison quand on ramenait du poisson de nos sorties."
Kaiwhatre Wétéwéa ne pense alors pas à la pêche comme à une possibilité de carrière. Il part faire son année de service militaire dans l'hexagone, au sein des sapeurs-pompiers de Paris. Il poursuit ensuite avec un DUT à Lyon. De retour à Ouvéa, il devient professeur de technologie et de sciences. Son temps libre, il le passe de nouveau en mer. "A un moment, il a fallu choisir, car cela m’arrivait souvent de sortir de l’eau pour aller en classe. Une fois, les élèves m’ont même fait remarquer que je puais le poisson."
Après quelques calculs, Kaiwhatre Wétéwéa se rend compte qu’il peut gagner autant d’argent en pêchant qu’en enseignant. Le choix est rapidement fait. "Moi, où je me sens bien, c’est dans l’eau." Kaiwhatre Wétéwéa et sa femme acquièrent alors un bateau de huit mètres et se lancent dans une activité de pêche.
Un lagon à respecter
"Un jour, des cousins ont ramené des amis de Nouméa. Nous sommes partis en mer et quand ils sont sortis de l'eau, j’en ai vu avec des larmes aux yeux tant ils avaient trouvé les paysages marins magnifiques. Ils m’ont dit qu’il fallait montrer à d’autres le lagon." Le pécheur devient alors prestataire touristique. Objectif : faire découvrir le lagon d’Ouvéa, classé depuis 2008 au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, tout en diffusant un message de prévention. "Il y a des choses à ne pas faire en mer, comme jeter ses déchets par-dessus bord par exemple, il y a aussi des lieux à respecter sous la surface, des endroits tabous où, dans la culture kanak, passe le chemin des morts par exemple."
Reste, pour Kaiwhatre Wétéwéa, cet amour inconditionnel de l’eau et des souvenirs magiques, comme la rencontre avec une baleine en 2020. "On l’observait en respectant la distance de sécurité. Un moment, elle a plongé pour ressortir sous le bateau, elle est restée longtemps et j’ai décidé de plonger avec elle. Je prenais des photos puis elle a posé sa nageoire sur mon mollet et s’est approchée, on a nagé ensemble au moins trente minutes. C’était un moment inoubliable." Des souvenirs que Kaiwhatre Wétéwéa est heureux de partager, encore et toujours.