VIDEO. Comment la province Nord compose avec le manque de dentistes

MANQUE DE DENTISTES EN PROVINCE NORD ©NC la 1ère
La pénurie de médecins en province Nord fait débat depuis plusieurs mois, en Nouvelle-Calédonie. Les spécialistes manquent dans tous les domaines. Les dentistes, par exemple. Il est plus compliqué de se faire soigner les dents qu’il y a dix ans.

A Koné, au dispensaire de l’hôpital, une jeune femme originaire de Belep se plaint d’une douleur vive à la gencive. Chaque matin entre huit heures et neuf heures, des patients en souffrance ont une heure pour consulter le dentiste sans rendez-vous.

Je suis partie à la Mutuelle des fonctionnaires. Il n’y avait plus de place. Ils m’ont renvoyée en urgence ici, au CHN. Ils ont dit que si jamais une personne se libère, je prends sa place. Mais sinon, jusqu’à début août, il n’y a rien. On ne peut pas prendre de rendez-vous.

Karen Bouanaoue, patiente rencontrée au CHN

Attente avant un rendez-vous

Depuis l’ouverture du cabinet, les patients s’enchaînent. La priorité, atténuer la douleur. “Je vais soulager le patient. Après, je lui donne rendez-vous, un peu plus tard”, résume Frédéric Laville, dentiste à l’hôpital de Koné. Pour une prise en charge complète et un rendez-vous, il faudra attendre un mois. Un long délai, pour des malades qui viennent parfois de loin.

Deux fois moins de dentistes

En cause, le manque de praticiens. L’effectif s’avérait complet il y a dix ans, sur l’ensemble de la province : vingt dentistes au total, quinze en centre médico-social et cinq en libéral. Aujourd’hui, ils sont cinq à exercer en dispensaire et cinq en cabinet privé. Deux fois moins. Comment expliquer cette baisse ? Pourquoi la province Nord n’arrive-t-elle plus à attirer les spécialistes ? Le coordinateur de la profession dans le Nord a son idée. Daniel Kirsch évoque des praticiens jeunes, moins enclins à s’installer à long terme. Résultat, des rotations fréquentes et des difficultés à combler les postes vacants. D'après lui, la pratique en CMS est également un frein au recrutement.

Les soins pratiqués en dispensaire sont relativement spécifiques, et orientés santé publique, alors que les praticiens sont formés sur des techniques de pointe en Métropole. Disons qu’ils hésitent à pratiquer longtemps en dispensaire, de peur de perdre leurs compétences.

Daniel Kirsch, coordinateur des dentistes en province Nord

Deux fois plus de caries par habitant que les préconisations OMS

Dans ce contexte, la population du Nord consulte de moins en moins le dentiste. Et lorsque c’est le cas, les symptômes sont souvent aggravés par le temps. La santé des patients en fait les frais. Et cela, alors qu’“en Calédonie, il y a deux fois plus de caries par habitant que ce qui est préconisé par l’Organisation mondiale de la santé”, signalait au JT Xavier Delagneau, président du syndicat des chirurgiens-dentistes libéraux.

Comment rendre un territoire attractif ?

Sur le Caillou, 65 % des dentistes travaillent en cabinet privé. Un secteur libéral très représenté dans la province Sud et en particulier dans le Grand Nouméa. Thérèse Waïa a demandé ce qui rend un territoire attractif. Réponse de son invité : “Je dirais qu’il faut que les conditions soient réunies pour l’installation familiale dans de bonnes conditions, que l’exercice professionnel puisse permettre un épanouissement. Et donne les conditions de soins de qualité auprès des patients. “ 

Une convention "complètement obsolète"

D’autres éléments entrent selon lui en jeu quand il s’agit d’être basé dans des endroits reculés. “On a des facteurs généraux, qui sont l’accès à l’emploi pour les conjointes ou les conjoints, parfois l’insécurité. Il y a aussi des problème plus spécifiques (…) liés beaucoup à la convention qu’on a avec la Cafat. Complètement obsolète, totalement déconnectée des réalités, elle n’a pas évolué depuis vingt-cinq ans alors qu’à la fois la vie économique et les techniques ont énormément évolué. On se trouve en décalage.“ Des discussions sont en cours avec la caisse pour l’adapter. “Ça avance très lentement.”

Les facilités pour les professionnels étrangers ne résoudront pas tout

Des textes ont été pris afin de permettre le recrutement de professionnels de santé étrangers. Ça ne va pas forcément résoudre le problème, relativise Xavier Delagneau. “Les professionnels de santé, qu’ils soient étrangers ou pas, vont se trouver confrontés, une fois arrivés sur le territoire, aux mêmes difficultés qu’un Calédonien qui aurait fait ses études et voudrait revenir après.”

Ce n’est pas en ouvrant les portes plus grands qu’on va inciter les gens à venir. C’est vraiment en créant une attractivité locale.

Xavier Delagneau, président du syndicat des chirurgiens-dentistes libéraux

Son entretien complet

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