Devant le marché municipal du village de Hienghène, mardi 24 mai, un tableau abondamment illustré résume le montant de la facture des casses successives qu’il va bien falloir payer. Problème, cela représente la totalité du Fonds intercommunal de péréquation (Fip) équipement, la dotation qui est allouée à la commune.
"Ça fait mal au cœur de voir qu’on dégrade le matériel qui nous sert à nous, la population. On est toujours à dire que tout passe par la route, mais il faut des engins qui la dégagent pour que la population puisse accéder au village et à l’inverse [aux tribus, NDLR]", estime Luc Tidjite, habitant de Tanghène.
Un temps d'échange entre la population et les autorités
Le mardi rime avec jour de marché et la deuxième journée de l’opération ville morte, prévue jusqu’à mercredi, s’est transformée en village vivant. Tout le monde est là, avec les responsables coutumiers des districts. Sur la place, les élus et le personnel communal ouvrent le débat et s’adressent à une population qui vient échanger directement avec les autorités.
La parole circule, il faut maintenant qu’elle soit comprise. "Il y a d’autres moyens de se faire entendre : venir à mairie, demander qu’elle nous explique. C’est comme ça qu’on doit faire pour savoir les choses", rappelle Emma Hyaounite, résidente de la vallée.
Le vague à l'âme des agents municipaux
Les tensions sociales sur place alimentent le mécontentement certes, mais en aucun cas le mauvais état des routes ne peut justifier les agissements d’ordre criminel. C’est en tout cas l’écho entendu au fil des étals. "Nous venons lancer un cri d’alerte aux gens. Ils sont fatigués, surtout nos agents. Ils travaillent avec le matériel et si cela se dégrade comme ça, ils ne pourront pas intervenir dans les tribus", avertit Elvis Bouarate, adjoint au maire en charge de l'équipement.
Cette journée est l’une des rares occasions de voir l’équipe d’ouvriers et employés de la mairie au grand complet. Si les tenues se confondent avec la couleur de l’eau de la rivière, c’est pour mieux dissimuler le vague à l’âme, qui saisit ceux qui voient leur outil de travail détérioré sans raison apparente.
Le reportage de Gilbert Assawa et Brice Bachon