"Je ne sais plus si c'était un coup de poing ou une grosse claque, parce que je me suis protégé le visage. Je suis tombée par terre, et j'étais étonnée de voir le sang pisser". Dans le bureau de l'intervenante sociale, Suzanne* fait le récit glaçant d'un épisode de violence imposé par son compagnon. Elle raconte une vie brisée. "Ça a commencé par des claques, des disputes. À chaque fois j'étais obligée de rester : j'avais peur qu'il fasse du mal à ma famille, parce qu'il connaissait l'endroit où il pouvait me trouver".
Ça fait un bon moment déjà que je vis dans la peur.
Suzanne, habitante de la province Nord
Suzanne a décidé de franchir le pas, de ne plus se taire, et de dire à celles qui vivent la même chose qu'elles ne sont pas seules. "J'encourage vraiment les femmes à ne pas avoir peur et d'en parler. Même si ça n'est pas aux gendarmes, mais à la famille, aux amis".
Évènement déclencheur
Pour porter plainte, cesser de culpabiliser et prendre conscience de ses droits, il faut un déclencheur. "D'après mon expérience, les personnes qui vont franchir la porte de la gendarmerie, des services sociaux ou de l'hôpital, c'est qu'elles sentent vraiment que leur vie est en danger", révèle Sarah Wabete, intervenante sociale en gendarmerie.
Suzanne pense maintenant à la suite, aux priorités : payer son loyer et subvenir aux besoins de ses deux enfants. Autant de préoccupations auxquelles peut répondre Sarah Wabete en l'orientant vers un juriste, en lui expliquant les démarches judiciaires et administratives, et en la guidant vers les bonnes structures.
Plus de familles d'accueil
Une mission compliquée par le manque de moyens. "En termes de structure d'accueil d'urgence, il n'y en a qu'une, le Cafed. Jusqu'à l'an dernier il existait le dispositif des familles d'accueil qui était géré par la plateforme SOS écoute, mais qui malheureusement a été suspendu", déplore Sarah Wabete.
On se retrouve en difficulté, nous, les professionnels de terrain
Sarah Wabete, intervenante sociale en gendarmerie
Le Cafed, le centre d'accueil pour les femmes en difficulté, s'agrandit. La structure est en travaux, mais continue d'héberger. "On a augmenté la capacité. On passe de deux à sept places, et on va pouvoir accompagner les mamans vers l'autonomie sur un temps plus long", explique Ferdinand Waikata, responsable et éducateur au Cafed province Nord. "On est là pour vous soutenir, vous écouter, donc osez franchir ce pas. Brisez le silence, et on sera là pour vous accueillir", assure Sarah Wabete.
* Le prénom a été modifié