La Calédonie et le nickel 2/4 : la stratégie nickel de KNS

Le nickel, de l’extraction à la transformation, ne cesse d’animer la vie de la Nouvelle-Calédonie. Cette semaine NC la 1ère vous propose une série de dossiers sur le « métal du diable » et ses acteurs calédoniens. Deuxième volet : la stratégie nickel de KNS dans le nord du Caillou. 

Fort d’un patrimoine minier exceptionnel avec le très riche massif du Koniambo et ses 60 millions de tonnes de minerai, KNS incarne le potentiel économique du nickel calédonien. L’entreprise est aussi le modèle de la doctrine nickel voulue par la province Nord. 

Cette ressource constitue le pilier pour asseoir la souveraineté de notre pays.

- Charles Washetine, porte-parole du Palika, en assemblée générale à Koné le 23 janvier 2021.

Export vs transformation

Le calcul est simple : une tonne de minerai exportée rapporterait 83 dollars quand le même volume transformé en vaudrait 253. Sur l’année 2020, à volume égal, le nickel transformé a rapporté 2,3 fois plus que le minerai exporté. 

Pari gagnant ?

En se basant sur ces chiffres a priori très explicites, la transformation est-elle donc un pari gagnant ? « Effectivement, affirme Edouard Léoni, consultant en droit, finances publiques et nickel, il faut transformer le nickel. » Le spécialiste de poursuivre en nuançant cette affirmation : « Mais il faut respecter les conditions techniques et de gestion. Et on n’a pas réussi à le faire entre 2008 et 2018. »

51 / 49

Pourtant le projet de l’usine du Nord, basé dans un partenariat à 51 % / 49 %  avec Glencore, est a priori favorable aux intérêts calédoniens. Un idéal mis à mal par le coût de construction de l’usine qui a plus que doublé. Entre retards et accidents industriels, les objectifs de production ont systématiquement été revus à la baisse. En 2019, seuls 23 700 tonnes sont sorties des fours de KNS pour une capacité nominales de 60 000 tonnes.

Bilans dans le rouge

Au bout du compte, les bilans financiers sont donc négatifs. Les dettes étaient estimées, fin 2019, à 1 276 milliards de francs, un montant plus élevé que le PIB de la Nouvelle Calédonie. 

 

96 % du financement

Aux yeux de Dominique Nacci, ancien directeur des relations publiques de la SMSP, dans ce contexte le rapport de force est nécessairement en faveur de Glencore. « A partir du moment où un investisseur assure 96 % du financement d’une usine qui a coûté plus de 8 milliards de dollars, plus les pertes d’exploitation approchant aujourd’hui les 800 milliards de francs pacifiques, avec un endettement de 1 300 milliards, il est logique que la multinationale assure seule la direction de l’usine et la commercialisation du produit. » 

On est loin des 51/49 annoncés… Sollicités dans le cadre de ce dossier, les directions de KNS et de la SMSP, l’actionnaire calédonien, n’ont pas souhaité s’exprimer. Estimant « qu’un bilan serait maladroit et malvenu à moins de souhaiter alimenter des tensions déjà importantes ».

Effets induits positifs

Alors, tout est-il à jeter dans cette doctrine de la valorisation du nickel en Nouvelle-Calédonie ? Aux yeux des spécialistes, ce n’est pas si simple. Le groupe SMSP a notamment généré quelque 2 000 emplois directs et indirects dans le Nord et créé une véritable filière. « On a l’expérience de la création d’une filière liée au nickel, notamment dans la maintenance ou dans l’ingénierie, décrit Joël Kasarherou, spécialiste en économie du nickel. On a vraiment un tissu qui est lié à cela. Le problème est de savoir s’il faut tout mettre dessus ou pas… » 

Au vu des choix assumés des indépendantistes en matière de politique minière, il semble que la doctrine mise en place avec KNS sera demain la norme, non sans risque.

A partir du moment où vous ne financez pas les projets, il est difficile de mettre en place une doctrine nickel, ce n’est pas possible. On le voit bien en Papouasie, en Afrique, à Madagascar…

- Dominique Nacci.

Autant de pays riches en matières premières mais rongés par la corruption et la pauvreté… dans un monde industriel et financier où la concurrence et la rentabilité sont les seuls arguments de survie.

Le dossier de Bernard Lassauce, Laura Shintu, Nicolas Fasquel, Ondine Moyatéa et Hélène Grimault :