Province Nord : l'efficacité des aides à la pêche côtière mise en avant

Retour de pêche en province nord
Une étude menée pendant plus d'un an par l'IRD et l'IAC montre l'efficacité du dispositif qui concerne 78 pêcheurs. Depuis 2010, la province Nord a fait de la pêche côtière l'un de ses objectifs de politique globale de développement.

C'est la province Nord qui a souhaité, en 2016, solliciter l'aide de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et l'Institut agronomique néo-calédonien (IAC) pour faire un bilan et évaluer sa politique de développement de la pêche côtière. Un bilan dévoilé dans un rapport publié le 24 juin, lors d'une conférence à l'université de Koné. Trois questions principales devaient être abordées : est-ce que les pêcheurs contribuent à nourrir la population et à créer de la richesse ? Quels sont les impacts de la politique d'aide ? Quelles sont les attentes des pêcheurs et pêcheuses et les contraintes qu'ils ou elles rencontrent ?

"Le pêcheur est multi-tâche"

Sur les 330 professionnels de la pêche en province Nord, 78 ont bénéficié depuis 2010 du programme d'aide de la province. Le budget global s'élève à 27 millions de francs CFP par an d'aides à l'investissement. Cela peut se caractériser de plusieurs manières. L'aide peut être d'ordre financier, pour l'achat, par exemple, de bateaux ou de moteurs, de "petit" matériel comme des filets, des cannes, des machines à glace. Cela peut aussi être de l'aide logistique, les rouages de l'entreprise, comment faire sa comptabilité, livrer la marchandise chez un grossiste ou dans un marché. Ce sont ces professionnels que les chercheurs sont allés rencontrer.

"Le pêcheur est multi-tâche, il doit savoir faire plusieurs métiers, être un bon gestionnaire, savoir tenir un cahier de compte, être un patron car il a souvent un ou deux matelots à bord", détaille Catherine Sabinot, docteur en ethnoécologie et chercheuse à l'IRD. "Il doit aussi être un commercial pour pouvoir vendre sa pêche et trouver les bonnes filières de vente."

"Plus qu'un simple pêcheur, le professionnel est en véritable entrepreneur, il doit pouvoir gérer son entreprise de manière rentable", ajoute Séverine Bouard, chercheuse à l'IAC.

Infographie de l'accompagnement et des moyens des pêcheurs

91% des pêcheurs heureux dans leur activité

Grâce à cette étude, qui s'appuie sur un questionnaire très complexe, constitué de 35 pages, les deux chercheuses ont pu dresser un profil type du pêcheur professionnel en province Nord. Il est âgé en moyenne de 48 ans, 8 sur 10 vivent en tribu et la moitié habitent le grand nord (Poum, Ouégoa, Pouébo, Belep, Koumac). Ce qui ressort de cette étude est édifiant : 91% des pêcheurs interrogés se disent heureux dans leur activité, et 3 sur 4 estiment gagner correctement leur vie. Autre donnée intéressante : 40% des pêcheurs sont des femmes.

Ces chiffres nous confortent dans l'idée que cette aide mise en place depuis plusieurs années et qui a vocation à développer le secteur, fonctionne et joue son rôle.

Nathaniel Cornuet, chef du service des milieux aquatiques à la province Nord

 

"Les pêcheurs que nous avons interrogés confirment qu'avec l'obtention d'un bateau, d'un moteur, et la pérennité de leur entreprise, ils ont acquis une meilleure reconnaissance dans leur entourage et statut social au sein de leur tribu", ajoute Severinne Bouard.

Seuls 60% des produits sont vendus

Mais le chiffre qui étonne les deux chercheuses, est celui de la répartition des volumes pêchés. Toujours selon l'étude, seulement 60% des produits sont vendus, le reste est consommé (15%) et donné (25%). Un chiffre important lié aux spécificités de la Nouvelle-Calédonie. En effet, les coutumes représentent 112 tonnes de produits de la mer donnés, chaque année. La moitié pour des mariages.

"C'est un manque à gagner important pour les professionnels, mais c'est également un quart des espèces pêchées qui ne peuvent pas être répertoriées dans les carnets de pêche, il est donc difficile pour nous de mettre un place un calcul précis des ressources de pêche du lagon", précise Nathaniel Cornuet. 

Dynamique sociales de la pêche

Des répercussions sur l'entourage

S'ils ne sont que 78 pêcheurs à avoir été aidés, les répercussions et l'impact positif sont visibles au-delà du professionnel. Ce sont ainsi, toujours selon l'étude, trois fois plus de personnes qui bénéficient de l'activité. La famille, les matelots et les personnes en lien direct avec le pêcheur en profitent. "C'est une bonne chose, mais nous avons identifié cependant certains effets invisibles pour rendre cet accompagnement encore plus efficace, notamment mieux prendre en compte l'entourage et identifier les personnes qui peuvent aider le professionnel", confirme Catherine Sabinot. 

D'autres facteurs doivent être pris en compte, comme la mobilité des pêcheurs pour se déplacer et vendre leurs produits (seulement 28% d'entre eux possèdent le permis et un véhicule). Pour autant, grâce à ce secteur, l'économie locale est boostée, "1 franc investi en rapporte 2", confirme la chercheuse. Mais c'est aussi le développement social qui est révélé par l'étude, la pêche non-marchande (coutume, partage) bénéficiant à de nombreuses personnes, dans les trois provinces.

Découvrez l'étude complète (PDF) établie par Séverinne Bouard et Catherine Sabinot.