A Boulouparis, la Ouaménie polluée après des lâchers d'eau agricole

La retenue collinaire mise en cause dans la pollution de la Ouaménie.
L'association Ensemble pour la planète et une habitante de Boulouparis dénoncent une pollution de la rivière Ouaménie sur une quinzaine de kilomètres, après des délestages massifs depuis une retenue collinaire située en amont. Une eau nécessaire aux agriculteurs victimes de la sécheresse.
Partager dans la boue là où, il y a quelques années encore, sa famille pouvait se baigner… Pour Clodie Siret, son petit coin de paradis, sa rivière, s’est transformé(e) en cloaque. «Il n’y a plus de vie, déplore-t-elle. Encore la semaine dernière, on a trouvé une grosse anguille morte. Dans tout le creek, il y avait des crevettes, des lapias, des anguilles. Il n'y a plus rien du tout. Tout est mort.»
 

Eau limoneuse

Pas de doute, pour cette vieille Boulouparisienne : l'origine de cette situation, ce sont les lâchers d'eau agricole, issus d'une immense retenue collinaire en amont. Elle a donc contacté les écologistes d'Ensemble pour la planète. Photos à l'appui, ils montrent le lit de la rivière fin novembre : une eau limoneuse, qui aurait décimé la vie aquatique de la Ouaménie.
 
La Ouaménie photographiée fin novembre.
 

«Absence de normes» et «lobby agricole»

«On lâche, sans hésitation, 115 000 mètres cubes d'eau chargée de matière en suspension qui polluent une jolie rivière sur au moins quinze kilomètres», accuse Jacqueline Deplanque, présidente d'EPLP. «Tous les écosystèmes sont tués. C'est ça que nous déplorons : l'absence de normes, et le fait qu'on ait un lobby agricole extrêmement puissant.»
 

Une solution en cas de sécheresse

David Perrard préside l'ASLHAO, l'Association syndicale libre d'aménagement hydro-agricole de la Ouaménie. Il présente la retenue d'eau de la discorde. Un ouvrage vieux de vingt-cinq ans, censé approvisionner 25 producteurs en aval en cas de sécheresse. C'est ce qui s'est passé fin novembre, lorsque la direction du Développement rural a autorisé l'ouverture des vannes. Une eau boueuse, salvatrice pour les uns, funeste pour les autres. 
 
David Perrard devant la fameuse retenue.
 

«Pas plus que lors des gros épisodes pluvieux»

«Je comprends leur inquiétude puisque nous sommes aussi riverains de la rivière, et forcément impactés de la même manière. On essaie de travailler avec la collectivité et une société extérieure sur une optimisation de ces lâchers pour éviter de perturber le cours de la rivière. Mais on est sur des valeurs qu'on connaît malheureusement lors des gros épisode pluvieux, défend-il, on ne pollue pas plus.» Les agriculteurs et la province Sud chercheraient un moyen de filtrer les eaux chargées en sédiments. Quant aux écologistes, ils se réservent le droit de porter l'affaire en justice.

Un reportage d'Antoine Letenneur et Michel Bouilliez : 
©nouvellecaledonie
 

La province Sud répond 

Dans un communiqué diffusé mardi, la province Sud assure que «les équipes présentes sur les six stations de suivi n'ont pas observé de mortalité de poissons» quand ont eu lieu les lâchers de novembre dernier. «Après information des riverains», selon la collectivité, «dans le cadre d'une étude menée par la direction du développement rural, en partenariat avec l'ASLHAO». 
 

Possible vidange de la retenue

La province annonce par ailleurs qu'elle «réfléchit à la vidange complète du barrage, ce qui pourra permettre à terme d’améliorer la qualité et le renouvellement des eaux stockées dans le barrage, et donc de la qualité du milieu récepteur.». Les résultats de l'étude seraient finalisés en mars 2020.