Difficultés budgétaires, besoins des communes, projets : ce qu’on peut retenir de l’entretien de Pascal Vittori, maire de Boulouparis

Pascal Vittori, maire de Boulouparis, invité du JT le 27 mars.
Alors que les communes votent leur budget, celui qui a été esquissé pour la Nouvelle-Calédonie inquiète l'Association française des maires, dont fait partie Pascal Vittori. Invité politique du journal télévisé dimanche, il a expliqué pourquoi.

Le Congrès examine cette semaine le projet de budget 2022 de la Nouvelle-Calédonie établi par le gouvernement. Une maquette contestée par l'Association française des maires. Notamment parce que les communes devraient se passer, pour leur propre budget de fonctionnement, de 700 millions de francs liés au Fonds intercommunal de péréquation. Invité du dimanche soir au journal télévisé, Pascal Vittori a développé ces inquiétudes, en tant que premier élu de Boulouparis et membre de l'AFM-NC. Ce qu'on peut en retenir.

Une baisse du FIP aurait "de vraies conséquences sociales"

Le FIP, c'est un mécanisme par lequel la Nouvelle-Calédonie redistribue des recettes fiscales aux municipalités, via son budget de répartition. Il finance jusqu'à 80 % de certains budgets communaux de fonctionnement. Quel est, pour Boulouparis, l'impact de sa baisse annoncée ? "Ça va représenter à peu près une quarantaine de millions", répond Pascal Vittori, qui énumère différentes conséquences attendues : "Pour certaines communes, des recrutements ne vont pas être faits. Je connais des communes qui n'ont pas renouvelé leurs contrats à durée déterminée. On va devoir rogner sur les heures supplémentaires…. Il va y avoir de vraies conséquences sociales."

La difficulté des communes, c'est que contrairement au gouvernement, on ne peut pas lever l'impôt. On n'a quasiment pas de possibilité de recettes propres. Et on a des obligations, des charges qu'on ne peut pas diminuer.

Pascal Vittori

De nouveaux besoins

L'élu continue avec des exemples concrets : "Pour certaines communes comme Païta, Dumbéa, Boulouparis, Farino, qui ont vu leur population progresser de plus de 10% entre deux référendums, il y a des besoins supplémentaires. Il faut accueillir plus d'enfants dans les écoles, mettre plus de personnels à disposition, préparer plus de repas dans les cantines."

Autres besoins de financement : "Avec la crise qu'on connaît actuellement, il y a plus de délinquance", constate le maire de Brousse. "De la fraude, des agressions, des vols. On est obligés de payer des garde-champêtres supplémentaires, de faire appel à des sociétés de sécurité, d'éclairer davantage… On sait qu'on va devoir affronter une hausse du coût de l'électricité…"

On a des dépenses et des augmentations qui sont difficiles à maîtriser.

Pascal Vittori, membre de l'AFM-NC

Il faudra ajuster

La plupart des budgets communaux pour 2022 ont déjà été adoptés puisque traditionnellement, ils se votent avant le 31 mars. C’est ce qu’ont déjà fait les conseils municipaux de Nouméa, Dumbéa, le Mont-Dore, Païta ou encore "Boulouparis, vendredi dernier", a précisé son maire. "On a essayé d’anticiper, d’estimer la baisse de recettes, mais il n’est pas impossible qu’on soit obligés de revenir dessus en cours d’année pour accentuer encore cette baisse."

Si on ne trouve pas de solution, des communes peuvent être en difficulté, peuvent arriver à une cessation de paiement, ne pas arriver par exemple à payer les salaires.

Pascal Vittori

En attente d'audience

Pour faire entendre ses arguments, l'AFM-NC a demandé une audience au président du gouvernement. "Pour le moment, on n’a pas de réponse", remarquait l'invité, dimanche soir. "Mais c’est vrai qu’on considère que le fait de ne pas être reçus serait un manque de respect, à la fois pour les élus qu’on est et pour les populations qu’on représente. L’Association française des maires représente plus de 200 000 habitants."

Une proposition pour l'entretien des routes

Mais n’est-il pas normal que l'exécutif donne priorité, dans le budget, au redressement des comptes sociaux ? "On comprend les difficultés du gouvernement", assure Pascal Vittori. "Ce qu’on regrette, c’est de ne pas avoir été entendus (…) On a des propositions à faire et on estime qu'en dialoguant, on pourra peut-être trouver de solutions qui vont convenir à la fois au gouvernement et aux communes."

Exemple de proposition : "On a été très impactés par les intempéries. Deux-tiers des routes sont des routes communales. (…) Le budget sur les routes de la Nouvelle-Calédonie, le temps de lancer les marchés et d'exécuter les travaux, n'est jamais exécuté à 100%. Peut-être qu'on pourrait discuter et attribuer une partie de ce budget aux communes…"

Maire, "un mandat difficile"

Le 24 mars, un internaute a été condamné pour un message jugé injurieux et menaçant envers le maire de Koumac. "C'est un mandat difficile", réagit Pascal Vittori, "parce qu'on est au quotidien face aux difficultés de la population. Ce qui fait évoluer les choses, ce sont beaucoup les réseaux sociaux." Même s'il estime que "la plus grande partie des habitants respectent leur maire", celui de Boulouparis reconnaît avoir "été attaqué sur les réseaux sociaux, j'ai été obligé de poser certaines limites, d'indiquer aux gens qu'ils risquaient des condamnations."

Et d'ajouter : "Les maires, surtout dans les petites communes, ne sont pas bien payés. Ils touchent des indemnités, c'est parfois plus du bénévolat que un véritable salaire. Et puis le maire travaille 24 heures sur 24. Quand vous avez des intempéries, un cyclone, des incendies, (…) un conflit comme on a connu sur l'usine du Sud, vous ne dormez pas beaucoup !"

Boulouparis mise sur la santé et le tourisme

Quels grands projets pour Boulouparis ? "On a la chance d'avoir un petit peu de marge budgétaire et surtout des gens qui ont envie d'investir dans la commune, des privés. Ça se passe plutôt bien. On essaie de monter des projets pour créer de l'emploi, parce qu'on a 40% de nos actifs obligés d'aller travailler en dehors de la commune", souligne-t-il, en énonçant "deux axes de développement" : l'un sur la santé, l'autre sur le tourisme.

Des situations de détresse qui se multiplient

Dans le contexte d'augmentation des prix, comment les maires peuvent-ils réagir ? "On a beaucoup d'actions au niveau social. Certaines communes ont des CCAS. A Boulouparis, on fonctionne avec une association. Dès qu'on a des cas signalés, on intervient, on distribue des aides", explique Pascal Vittori, en confirmant que des gens demandent de l'aide parce qu'il n'arrivent plus à joindre les deux bouts. "Mais en plus, on voit une augmentation des violences intra-familiales. On voit des femmes seules avec leurs enfants qui se retrouvent sans emploi, sans logement."

L'entretien complet avec Laurence Pourtau :

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