On dit d'Edouard-Jean Itopoupou Waïa, dit Ito, qu’il était ouvert à l’autre. Peut-être que cela vient de la période où il tenait l’auberge de jeunesse de Bourail. Il a été l’un des premiers surfeurs locaux, et s’était confié en 2007 dans le documentaire La vague originelle.
"Le surf a été pour moi un lieu de plaisir, mais pas simplement de plaisir. [Il l'a été, NDLR] dans la magie et dans la spiritualité. Cela a été apprendre à porter un autre regard sur les choses", rappelait-il. "Je crois que cela a peut-être été le facteur qui a fait que je suis artiste aujourd'hui. Cela a été l'une des bases fondamentales de mon esprit".
La nature en majesté
A l’avant-garde de l’art calédonien avec son acolyte Lucien Adjé, cet artiste plasticien, peintre, sculpteur, et photographe, partageait généreusement ses clichés sur Facebook. Des photos prises pour la plupart dans sa région, avec la nature en majesté : écho à son exposition D’Âme nature, visible depuis mardi 19 juillet, au centre culturel Tjibaou, à Nouméa.
"On voit que la terre hurle. Si on prend le temps de le regarder, comme je l'ai dit. Il y a regarder et voir, c'est important. On peut s'asseoir devant cette toile et voyager sans bouger de place", expliquait-il.
Nous serons les premiers réfugiés du réchauffement climatique parce que nous sommes des îles. C'est aujourd'hui que des décisions sages doivent être prises. Il ne faut pas attendre
Conseiller à la maison de Deva
Fervent défenseur de l’environnement, émerveillé par le vivant, Ito Waïa était aussi actif dans le développement de Bourail : dans le GDPL Mwe ara, en tant que vice-président du comité de gestion de la Zone côtière ouest ou conseiller à la maison de Deva.
Il s'exprimait ainsi, en 2014, alors la grande case venait d’être terminée. "Là, vous avez trois entrées qui symbolisent les portes des clans qui viendront du Nord, de l'Est et du Sud. La case est un des grands symboles des clans qui ont été discuter et signer avec la province [Sud] sur le domaine de Deva. Pour moi, c'est une cathédrale", révélait-il.
Figer les forêts et la biodiversité
Ito Waïa s’était également intéressé à la collecte du patrimoine kanak, avec le Centre culturel Tjibaou. On dit de lui qu’il faisait le lien entre les communautés. On retiendra sa bienveillance et son regard sensible sur ses semblables et la nature.
Je me suis aperçu que dans l'espace environnemental, dans les forêts, il y a beaucoup de choses qui disparaissent. Je me suis dit que par la photo, il fallait figer ces espaces, ces espèces, toute cette biodiversité.
Paul Barri est lui aussi un garçon de Bourail. L’artiste hip-hop qui œuvre auprès des jeunes a bien connu Ito Waïa. Il a parlé de celui qui faisait partie de la famille, à Julie Straboni :
"Je l'appelais Tonton. C'était un ami de mon père, ils ont grandi ensemble"
Paul Barri rappelle également au micro de Julie Straboni le rôle de sentinelle de la nature de cet artiste, dans les clichés fascinent, sur la toile :
"C'était quelqu'un qui participait à l'éveil de nous tous"
Ce dimanche, les hommages rendus à Ito Waïa se multiplient, sur les réseaux sociaux :
Agé de 63 ans, Ito Waïa est décédé la nuit dernière. Il sera inhumé, mardi matin, à la tribu d'Azareu, à Bourail.
Le reportage de Julie Straboni :
Les multiples facettes d'Ito Waia
Retrouvez le reportage de Brigitte Whaap et Franck Vergès :