Disparition de Raoul Bouacou, fin connaisseur de l'igname et initiateur de son Conservatoire

Raoul Bouacou parlant de la culture de l'igname.
Grand connaisseur de l'igname, fervent défenseur de sa valeur patrimoniale, Raoul Bouacou a été un acteur majeur dans la création du conservatoire dédié au tubercule qui rythme le temps traditionnel kanak. Il est décédé mardi, dans sa quatre-vingt-unième année.

Plus qu'un tubercule nourricier, un symbole majeur dont la culture rythme la vie du clan. "Les mentalités ont évolué. Mais l'igname reste la plante noble dans toutes les références culturelles", expliquait Raoul Bouacou dans une interview au journaliste Yann Mainguet, publiée en 2011 dans Les Nouvelles calédoniennes. "Lorsque nous faisons référence notamment aux discours généalogiques, l'igname reste le pilier central de la civilisation kanak."

Ancien technicien

Ses connaissances en la matière étaient reconnues. Originaire de Boulouparis, chargé de mission au Sénat coutumier, l'homme a joué un rôle majeur dans la création du Conservatoire de l'igname, à Païta, à hauteur de la tribu de Saint-Laurent. Un lieu de production, d'étude, de conservation et de valorisation, inauguré en 2003 et géré par le sénat. "Cet ancien technicien, signale le gouvernement en lui rendant hommage, était notamment chargé des relations entre les centres de recherche et le milieu de production."

Le Sénat coutumier et le Conservatoire de l’igname perdent un homme d’exception qui a permis une reconnaissance de notre identité et de nos savoir-faire.

Communiqué du Sénat coutumier, le 7 septembre

Travail de collecte

"Ça a été un des initiateurs de ce projet, qui remonte déjà aux années quatre-vingts", relate Jean-Marie Wahmetu, responsable actuel du conservatoire. Objectif global, sauvegarder l’igname en tant que patrimoine culturel. "Il a fait un travail de terrain dans le sens où, avec l’accord des autorités coutumières de l’époque, il a fait la collecte de plants, mais aussi d'informations liées à l'historique de chaque variété d'igname. On sait que chaque variété appartient à un clan."

Ouvrage

De ses efforts, est née une connaissance précieuse. "A l'heure actuelle, on dispose de plus d'une centaine de variétés d'ignames collectées sur l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie. Grâce à ce travail de collection, de conservation, on a pu sauver certaines variétés qui, à l'époque, allaient disparaître". Réfléchir à cette sauvegarde comme Raoul Bouacou l'a fait bénéficie à la population actuelle "et aux générations futures". Il restera aussi cet ouvrage qu'il a écrit. La civilisation de l'igname : l'igname, base des savoir-faire traditionnels indigènes dans le Pacifique a été publié avec la Communauté du Pacifique et le Sénat coutumier.

Un "engagement indéfectible"

Sénat qui salue "son engagement indéfectible pour la reconnaissance de l’identité et des savoir-faire kanak". "Agent reconnu", "homme d’exception", ajoute l'institution coutumière, Raoul Bouacou s'est éteint mardi 5 septembre, dans sa quatre-vingt-unième année. La cérémonie religieuse est prévue vendredi, à 8 heures, à l’église de Boulouparis, avant l’inhumation au cimetière de la commune.

Hommage politique

La Dynamik unitaire Sud, aussi, adresse un hommage "à ce grand camarade, militant infatigable, de longue date, qui a côtoyé très jeune des anciens tels que feu le député Roch Pidjot ou le père Ataba Anova. Après avoir fréquenté les mouvements indépendantistes naissant dans les années 70, Raoul Bouacou s'engagea résolument dans le Palika, jusqu'à la fin des Accords de Matignon-Oudinot, raconte-t-elle. Par la suite, il marqua une pause dans son engagement militant au sein d'une organisation coutumière. Cela ne l'a pas empêché de s'investir activement dans la défense des affaires coutumières et de l'identité kanak auprès du Sénat coutumier." Il est plus tard revenu en politique, au sein de la DUS.