Violences conjugales. "Peut-être que les gens ont peur" : au dispositif d’accueil des victimes, déserté depuis la crise, les professionnels s’inquiètent

Le Médipôle, image d'illustration.
Sans transports en commun, difficile pour les victimes de violences conjugales et intra-familiales de quitter leur domicile en vue de demander de l’aide. Pourtant, ces phénomènes perdurent en Calédonie, et le retour de l’alcool dans les foyers pourrait entraîner de nouveaux faits.

Au DAV, le Dispositif d’accueil des victimes basé au Médipôle, l’activité s’est ralentie ces derniers mois. Ici, on dresse un bilan de la situation sociale, avant de proposer un accompagnement juridique, médical et psychologique. Karine Destours en est la coordinatrice et juriste, elle a constaté une baisse générale des sollicitations par les victimes. "On a une diminution du nombre de consultations au DAV, mais aussi au Relais, à la police et à la gendarmerie. Ça commence à remonter un petit peu cette semaine. Mais sinon, les quelques premières semaines des évènements, on voyait quand même très très peu de gens, hormis les personnes hospitalisées. Mais peut-être parce que les gens étaient en recherche de nourriture, de logement, les inquiétudes par rapport au chômage... Et bien entendu le transport, parce que 90% des gens que je reçois n’ont pas de véhicule."

Ecoutez l'interview de Karine Destours, coordinatrice du DAV, au micro de Julie Straboni

Une baisse trompeuse

De quinze nouvelles personnes qui consultaient habituellement par mois, elles ne sont plus que cinq en moyenne en ce moment. "Je suis inquiète par rapport à ça, confie Karine Destours, parce que je ne pense pas du tout que le phénomène a disparu. Au contraire, je pense qu’il va s’accentuer parce que là aussi, quand on ne mange pas à sa faim, quand on n'a plus de travail, on est inquiet donc énervé. On va avoir plus facilement tendance à recourir à la violence".

Une désertion qui pourrait aussi être liée aux baisses d'aides sociales annoncées par certaines institutions, d'après la professionnelle. "Peut-être que les gens ont peur, parce qu’ils se disent, 'ça sert à rien qu’on y aille vu qu’il y a plus d’aides'. Alors qu’il y a encore des aides, il y a encore des possibilités d’insertion, que ce soit par le travail ou par le logement. C'est un petit peu plus restreint qu’avant, mais c’est encore possible".

Maintenir les structures d'aide aux victimes

Une tendance confirmée par les professionnels de santé libéraux. Le psychologue clinicien Grégoire Thibouville en appelle aux institutions. L'objectif, c'est de maintenir les structures venant en aide aux victimes. "Quel que que soit le bord, nos politiques doivent prendre conscience qu’on a une population de plus en plus vulnérable et précaire. Malheureusement, sur tous les phénomènes de violence, il ne peut y avoir qu’une amplification. Même les structures sont remises en cause. Je pense au foyer Béthanie ou autres. On ne sait pas comment tout ça va tenir, quel dispositif va rester et comment on va pouvoir s’appuyer dessus pour pouvoir orienter, aider, aiguiller vers l’accès aux soins "gratuits"…Il y a plein de questionnement, et on n’a pas encore les réponses."

Le Dispositif d’accueil des victimes de violences est accessible aux personnes majeures sur rendez-vous, au Médipôle de Dumbéa. En plus d'une juriste, une psychologue tient une permanence hebdomadaire. C’est confidentiel et gratuit.

Ecoutez l'interview de Grégoire Thibouville, psychologue, interrogé par Medriko Peteisi :