143 ans après, jour pour jour, le crâne d’Ataï et de son sorcier ont été inhumés à Fonwhary, entre La Foa et Farino. Le mausolée, bâti à quelques kilomètres de la disparue case du chef de guerre, résulte d’un long travail de mémoire entrepris formellement en 2006. Il a abouti, quinze ans plus tard, en présence de toutes les institutions du pays.
Une succesion de gestes coutumiers
C’est par une coutume entre l’État et les représentants des institutions coutumières que la journée a débuté. Le haut-commissaire Patrice Faure, accompagné du général Putz commandant des FANC, a tenu un discours de réconciliation : " il y a 143 ans, on était l’un en face de l’autre. Maintenant, nous sommes les uns à côté des autres ".
Yvon Kona, le nouveau président du Sénat coutumier, a prononcé des paroles similaires et remercié l’État pour la reconnaissance de cet épisode : " au fil des années, on a fini par s’accepter les uns et les autres. Au nom de cette terre et des propriétaires de ces terres, on vous dit merci. Merci pour le soutien et votre présence. Cela fait 143 ans que les ancêtres se sont battus pour cette reconnaissance ".
Les élus provinciaux et communaux ont ensuite présenté une plaque commémorative. La présidente de la province Sud, Sonia Backès, a évoqué " un moment douloureux, qui fait partie de notre histoire commune ".
Roch Wamytan, le président du Congrès aux côtés de Louis Mapou, président du gouvernement, a par la suite qualifié cette journée "d’historique".
Dans le recueillement
La délégation s’est dirigée vers la case érigée sur le site du mausolée. Les officiels tout comme les spectateurs ont pu rendre un dernier hommage aux dépouilles. Les cercueils ont été portés devant une haie d’honneur.
Après le transport, une série de discours ont été déclamés devant les dépouilles. Bergé Kawa, descendant du chef Ataï, a souhaité la " bienvenue dans le pays Cîrî, terre de sa mort les armes à la main ". Recueillement unanime de la part de toute la classe politique. Nicolas Metzdorf prônant "le respect mutuel et la reconnaissance partagés". Louis Mapou, lui, a parlé "d’un grand moment de recueillement et d’introspection collective".
La mise au caveau
Les cercueils ont été placés dans les bennes de pick-ups et, tandis que la foule suivait à pied, ils ont été amenés jusqu’au caveau. C’est là qu’ils ont trouvé place à la mi-journée. Officiant religieux, le père Apikaoua s'est exprimé à deux reprises. Il a évoqué l’ensemble des victimes laissées par la révolte de 1878, en citant d’autres faits tragiques tels que celui de Pouébo ou la révolte de 1917.
Récit par Bernard Lassauce et Cédric Michaut :
La joie de Bergé Kawa
Après la prière, après le chant, Bergé Kawa faisait part de son émotion. "On attendait ce moment depuis longtemps et c’est avec joie que nous accueillons cette journée", a-t-il dit en ajoutant : "J’ai voyagé dans le monde entier pour permettre à Ataï de revenir ici."
Son témoignage recueilli par Charlotte Mannevy :
Ataï, témoignage de Bergé Kawa
La pose de la plaque... en attendant le drapeau ?
La plaque commémorative a été ensuite apposée. Dédiée "aux volontaires et transportés victimes de l’insurrection de 1878", elle porte le nom de 32 colons tués durant la grande révolte kanak. Une volonté du maire de La Foa Nicolas Metzdorf. Même si, en échange, il lui a été demandé de lever le drapeau indépendantiste sur la mairie d’ici au 12 décembre : La Foa est la dernière commune calédonienne à ne pas lever les deux drapeaux. Il va réfléchir à la demande, a-t-il répondu à Charlotte Mannevy.
Plaque et drapeau, Nicolas Metzdorf
En remerciement des soutiens
A noter que dans l’enceinte du site, une dizaine de mats étaient installées et les drapeaux de plusieurs pays, levés. Une volonté de remercier tous ceux qui ont soutenu la demande de restitution de la dépouille mortelle. Les explications de Cyprien Kawa, président du comité mémoriel Ataï, au micro de Charlotte Mannevy :
Inhumation d'Ataï, Cyprien Kawa
Une icône de la lutte kanak
L’historien Jerry Delathière était par ailleurs l'invité du journal télévisé mercredi. Interrogé Thérèse Waïa, il revient sur la cérémonie et explique comment Ataï, chef de guerre d’un clan parmi d’autres ayant participé à la révolte de 1878, est devenu une icône de la lutte kanak. Pour l’historien, cela serait lié au récit mis sur pied, à l’époque, par l’armée française.