Lui, se dit désemparé. Elle, s'avoue traumatisée. Antoine et sa mère, qui habitent la partie Sud du Mont-Dore, n'en reviennent pas de ce qu'ils ont vécu en quelques minutes. Samedi, le jeune homme d'une vingtaine d'années est au volant du SUV familial. Vers le pont de La Coulée, ils passent un des barrages filtrants qui restent tenus par des opposants au dégel du corps électoral. Les franchir ne leur pose pas problème. "Un jeune cagoulé a arrêté la voiture", relate Antoine. "Il a demandé, poliment, à regarder s’il n’y avait pas des armes. On lui a dit de le faire à travers les vitres. Il regarde derrière, dans le coffre… Il voit qu’il n’y a rien. Il nous demande vers où on va."
Comme attendus à la sortie
Le conducteur trouve l'échange plutôt cordial. Mais en ressortant d'un des lotissements situés dans cette partie de La Coulée, "il était là, avec un collègue. On attendait pour tourner. Il y avait une voiture devant nous. Elle ralentit au niveau des deux jeunes hommes, ils la laissent passer. Nous, on suit et là, ils se mettent devant. Je n’ai même pas eu le temps de m’arrêter que l’un a plongé par la fenêtre passager et a tiré les clés. Ils ont ouvert les portes, ils nous ont détachés, ils nous ont arrachés du véhicule."
"Si tu ne donnes pas les clés…"
Les agresseurs, manifestement ivres, n'étaient pas venus les mains vides, précise la maman. "Il y en avait un avec une barre à mine. L’autre tenait un gros caillou et un couteau. Il m’a donné un coup de couteau sur le doigt. Il a essayé de me sortir. Je me suis retenue au volant parce qu'il avait vidé mon sac par terre. J’ai voulu au moins récupérer mon téléphone, mes papiers, l’argent dedans…", se rappelle la Mondorienne, âgée de cinquante ans. "J’ai réussi à rattraper les clés. Là, il m’a dit : 'Si tu ne donnes pas les clés, je te plante, je te crame dans ta bagnole.' J’ai lâché les clés. J’ai réussi à prendre par terre… je sais plus quoi. Il a menacé, avec le caillou, de me taper la tête. J’ai juste entendu mon fils dire : ‘Lâche tout, sors.'"
"Mon véhicule ne sera pas remboursé"
"Je suis allé m’interposer", confirme Antoine, en décrivant comment les deux jeunes adultes sont montés à bord. "On a appelé, il y avait plein de monde autour. On a dit de bloquer la voiture." Rien n'y a fait, continue le fils. "Ils sont partis, direction Saint-Louis."
À leur connaissance, le SUV a été abandonné à l’intérieur de la tribu et il n’était pas possible d'aller le chercher. Ces victimes précisent avoir porté plainte à la gendarmerie. "Mon véhicule ne sera pas remboursé : quand on est assuré au tiers simple et qu’il n’est pas retrouvé, qu’il est à Saint-Louis, l’assurance ne fonctionne pas", lâche la mère, très choquée. "J’ai encore un crédit dessus. Je ne sais pas comment je vais faire. Je ne sais même pas si je vais pouvoir reconduire."
"On n'est pas en sécurité"
Confrontée à un problème de santé, elle explique notamment avoir été "marcher un peu" au parc de La Coulée. Imprudent ? Malgré le contexte anxiogène, la vie continue comme elle peut, au Sud du Mont-Dore isolé depuis plus d'un mois. "Il y avait d'autres gens au parc, des personnes avec leurs enfants. Je pensais qu’on était plus en sécurité qu’au bord de la mer, où il n’y a personne."
"J’ai eu la peur de ma vie"
Après le "car-jacking", comme on appelle ce type de vol, tous deux ont été pris en charge par des manifestants et des personnes à proximité. La Mondorienne a fait une crise d'angoisse. "Je ne comprends pas, répète cette professionnelle de santé, au bord des larmes. "On ne fait pas de mal aux gens, j’ai un métier basé sur l’empathie… Cette violence extrême ! J’ai vraiment eu la peur de ma vie. Si j’avais été seule, je ne serais peut-être plus là ? J'ai été sauvée par l’intervention de mon fils, bienveillante et courageuse."
"Pris en otage"
Elle appréhende la suite. "Je ne sais pas si je vais m’en remettre facilement. Je pense qu’à partir d’aujourd’hui, prendre une voiture va m'être compliqué." En particulier sur cette route. Il y a aussi la réaction des gens. Au-delà des encouragements, les agressions actuelles sont remises en cause. "On a des messages disant : 'C’est de la désinformation', 'Il ne faut pas les écouter', 'C’est des mensonges.' Quand on voit ça, ça fait ch… !", s'énerve le jeune automobiliste, qui se montre aussi excédé par la situation globale. "Ça ne peut plus durer, là. On est pris en otage et le moment où on essaie de sortir pour se changer les idées, on se fait violenter."