Seuls quelques fauteuils sont occupés en cette fin de matinée de lundi, au centre du don du sang. Et le carnet de réservation est vide jusqu'à midi. Heureusement, des volontaires viennent spontanément sans avoir pris rendez-vous. Apollinaire, 58 ans, fait la route très régulièrement de Yaté. Il sensibilise à ce geste autour de lui, à la tribu. "Je suis dans le groupe 0+. J’en suis à mon dix-septième don du sang."
La première fois, c’était en 1986, pendant son service militaire. Puis Apollinaire y a pris goût. "J’ai vu ce que c’était que de donner son sang. Humblement, on participe à quelque chose, à sauver des vies."
Maintenir des stocks suffisants
Par deux fois, en juillet et en août, les stocks de produits sanguins ont atteint des niveaux critiques. La semaine dernière, cent poches ont été prélevées, alors que le besoin est de cent cinquante.
Certes, l’activité du Médipôle est réduite et il y a moins d’opérations. Mais le Caillou fonctionne toujours en solidarité avec Wallis-et-Futuna, qui n'a pas de centre de don. Et les urgences, imprévisibles, nécessitent de maintenir un don dynamique.
Le docteur Axelle Lascaux est la responsable du centre de don du sang à Nouméa. "Il y a des donneurs qui venaient régulièrement et qui quittent le territoire. Il y en a qui ne peuvent pas donner pour des raisons de santé."
L’accessibilité au centre de don du sang pose aussi des difficultés. "Les habitants du Mont-Dore sont nombreux à donner leur sang et actuellement, ils n’ont pas un accès facile. C’est aussi parfois pour des raisons de colère. Et on respecte ces décisions."
Femmes enceintes, nourrissons et patients atteints d'un cancer
Depuis les évènements, des donneurs s’inquiètent de savoir qui bénéficiera de leur sang. Ainsi, le 19 juillet, le centre a détaillé sur Facebook comment les dons sont principalement utilisés : pour les patients sous chimiothérapie, pour les femmes enceintes et les accouchements, les nourrissons et les enfants, lors d’interventions chirurgicales et en cas d’urgence médicale.
Gérard Joyault est le président de l’association des donneurs de sang bénévoles de Nouvelle-Calédonie. Il donne depuis quarante-huit ans. "C’est une cause qui m’a toujours tenu à cœur parce que sauver des vies, c’est beau. Dans le contexte actuel, je me dis qu’on est dans le destin commun et le vivre ensemble."
S’il n'y a pas lui qui donne, il n’y a pas moi qui vis. Il y a à peu près toutes les ethnies qui donnent leur sang. On ne fait pas de distinction. Le sang est le même pour tout le monde.
Gérar Joyault, président de l'association des donneurs de sang bénévoles de Nouvelle-Calédonie
Des dons anonymes
Cette colère, décrite par le docteur Lascaux, il l’a croisée également. "On a aussi ce genre de retours depuis trois semaines à un mois. Un certain nombre de donneurs réguliers nous disent : 'moi je ne veux plus donner'. Certains ont donné une explication liée aux émeutes en disant : 'je ne veux pas donner parce que je ne veux pas que mon sang aille à…' Au même titre qu’on a des gens qui nous disent : 'moi je ne veux pas recevoir du sang de…' Sauf que le don est anonyme et quand on reçoit, c'est aussi anonyme, on n’a pas de traçabilité. Moi je reçois du sang mais je ne sais jamais de qui il vient. Ça m’aura sauvé la vie, c’est le plus important.”
À Nouméa, on peut donner son sang avec ou sans rendez-vous, du lundi au jeudi, de 7h15 à 14 h et le vendredi de 7h15 à midi, au centre de don du sang, au 1 rue d’Austerlitz, à Nouméa.
Écoutez le Grand angle de Julie Straboni