Affaire Pérès-Martinez : au premier jour du procès en appel, l'enjeu d'un éventuel renvoi, qui n'a pas été accepté

Dans la salle d'audience, avec les pièces à conviction de l'affaire Pérès-Martinez, le 3 avril 2023.
Devant les assises de la Nouvelle-Calédonie, depuis ce lundi matin, place à un second marathon destiné à éclaircir la mort d'Eric Martinez, tué au fusil de chasse par son voisin Olivier Pérès le 13 septembre 2018, sur le golf de Tina. Un procès en appel dont les avocats de la défense souhaitaient un nouveau renvoi. La demande a été rejetée. Compte-rendu.

Mis à jour du soir

Après avoir cherché l’accusé dans le tribunal, le procès débute avec la constitution du jury. Olivier Pérès, isolé dans une pièce pour ne pas être en contact avec d’autres personnes, est arrivé libre. Il a, rappelons-le, été placé en contrôle judiciaire à cause de son état de santé. Et pour la même raison, son procès en appel, prévu en novembre dernier, a été renvoyé à cette session d'assises. 

Changé

L’ancien chef du service d’orthopédie au Médipôle a changé physiquement. Aujourd'hui âgé de 65 ans, il est amaigri, a perdu de sa superbe. Tout de sombre vêtu, l'homme n’affiche plus, comme en première instance au mois de mars 2022, une attitude qualifiée par beaucoup d’"hautaine" et d’"irrespectueuse". Après constitution du jury, la présidente rappelle que la demande de renvoi, annoncée par les avocats de la défense, ne peut être effectuée qu’à partir de l’ouverture des débats. Le jury se retire, les juges reviendront pour statuer au sujet de cette demande. 

Olivier Pérès et ses avocats au premier du jour de son procès en appel devant les assises, à Nouméa, le 3 avril 2023.

La défense pointe l'audition des experts en visio-conférence

La présidente de la cour d’assises annonce alors que les experts psychiatres seront entendus en visio-conférence. Elle donne la parole à Me Laurent Aguila. "Lorsque l’on m’a appris cela, j’ai bondi sur mon siège. En tant qu’avocats de la défense, nous devons nous armer de courage pour soulever ce problème." Et de lancer : "Est-ce que la justice progresse ou elle régresse ?" Ou encore : "Entendre des experts par visio-conférence, c’est trahir l’intérêt de l’accusé." Et puis : "Je ne suis pas venu demander le renvoi, je l’exige." 

Il est rappelé à l’ordre par la présidente : "Les avocats de la défense ne doivent pas aborder le fond du dossier lors de la demande de renvoi." Me Cécile Moresco prend la parole, elle "souhaite rappeler à la cour qu’un avocat est libre de plaider ce qu’il veut". A son tour de formuler : "Nous étions prêts pour un procès équilibré, pour la justice, il y a une semaine, mais aujourd’hui nous ne le sommes plus." Car "n’avoir aucun expert psychiatre sur place, c’est impossible, défend-elle. On n’est pas en train de plaider un problème de voisinage." A ses yeux, ce dossier "repose sur l’état psychologique et psychiatrique de l’accusé"

Au procès en appel d'Olivier Pérès, le 3 avril 2023, les avocats de la partie civile.

Réponse de la partie civile...

Place à Me Martin Calmet. Il est un avocat de la partie civile. "Je suis fatigué de voir que M. Pérès ne respecte pas le code pénal", déclare-t-il. "Est-ce que la visio-conférence ne respecte pas l’équilibre des droits des parties ? Aucun article ni aucun arrêt ne le démontre !" Par conséquent, pour lui, "cette demande de renvoi n’est pas juste". Me Isabelle Mimran enchaîne en soulignant qu'on ne juge pas en 2023 comme on le faisait il y a trente ou quarante ans : "Nier la technologie n’a pas de portée sur la demande de renvoi. La visio-conférence n’est pas une atteinte au principe d’'oralité des débats'." 

Le ministère public est représenté par Claire Lanet.

…et du ministère public

Comme les deux avocats de la partie civile, le ministère public représenté par Claire Lanet réfute la demande de renvoi. Elle ne reconnaît pas ce qui est dit par Me Moresco : "Les experts psychiatres ne représentent pas 80 % des débats, argue-t-elle. Il y a 37 témoins dans ce dossier." Par ailleurs, "il n’y a aucune preuve ni aucun fondement que la visio-conférence ne respecte pas les droits de l’accusé". 

Après la prise de parole par la troisième avocate de la défense, Olivier Pérès est interrogé par la présidente de la cour. Il rejoint ses avocats en ce qui concerne la demande de renvoi. La cour se retire pour délibérer, l’ambiance s'avère tendue. Mais quand la cour, constituée de juges professionnels, revient, la décision tombe : la demande de renvoi ne peut pas être prise en compte, elle est rejetée. Les débats se poursuivent.

Débats de nuit ?

Deuxième incident soulevé par Me Aguila. Selon lui, la santé de l’accusé fait qu'il ne pourrait pas tenir des débats tard dans la soirée. L’expertise médicale a souligné qu'Olivier Pérès ne peut pas supporter une amplitude horaire supérieure à dix-douze heures et que son état nécessite une pose méridienne. Mais "aucune expertise médicale n’a souligné la possibilité d’éventuels débats durant la nuit", dit l'avocat. Or, des témoins sont attendus par visio-conférence, de nuit, lors des huit jours de procès prévus. Interrogé par la présidente, l'accusé déclare en effet ne pas pouvoir assister à des débats nocturnes. 

Rejet de ce deuxième incident, et de la demande d’une nouvelle expertise médicale pour statuer sur l’état de santé de l’accusé. Cependant, la cour prendra celui-ci en compte. Quoi qu'il en soit, procès fleuve à l'horizon...

Reprise avec le rappel des faits

Ce procès en pointillés reprend dans l'après-midi avec un rappel des faits. Le 13 septembre 2018, sur le golf de Tina, Olivier Pérès a reconnu avoir tiré trois fois à la carabine sur son ancien ami, et ex-amant de sa femme, Éric Martinez. Reconnu coupable en première instance, il a été condamné à vingt ans de réclusion criminelle le 11 mars 2022. Les experts ayant conclu à une altération du discernement de l’accusé lors du drame. Son état psychique va être à nouveau au centre de ce procès en appel.

A la barre, le premier témoin. Un ancien associé et ami de la victime de 1997 à 2008. Lui, n’a pas été entendu en première instance. Il décrit Éric Martinez comme un homme travailleur, agréable mais mythomane et coureur de jupons. "Il avait un égo surdimensionné et avait des gestes déplacés envers les femmes", dit-il. "Il filmait ses ébats avec les femmes au bureau." Autre anecdote, "il avait un studio en ville aussi, une garçonnière". Ce témoin déclare : "Il pouvait être adorable mais il pouvait aussi traiter sa femme comme une moins que rien, il la rabaissait." La victime s’était aussi inventée un passé de militaire dans les forces spéciales. 

Compte-rendu de la journée résumé par Natacha Lassauce-Cognard et David Sigal : 

©nouvellecaledonie