Le bureau d’études diligenté par le Syndicat des médecins libéraux a établi un diagnostic des plus inquiétants : 220 médecins généralistes consultent en 2022, 50 % de moins le feront dans cinq ans. Pour le docteur Marc Barre :
Les organisations de la santé sur le territoire, c’est vraiment une mission du gouvernement. En tout cas, c’est une mission qui doit être assumée par le gouvernement et ce qui est important pour nous, c’est de bien faire comprendre que sans anticipation, on court à la catastrophe.
Dr Marc Barre, médecin généraliste libéral
A cela, plusieurs raisons. D’abord, la moitié des médecins généralistes ou spécialistes a plus de soixante ans. Ensuite, leur perte de pouvoir d’achat, comparé à la Métropole, est assez conséquente. Mais il y a aussi la concurrence" "avec l’ensemble des Outre-mer, avec les zones de Métropole", explique-t-il avant d'ajouter : "pour quelqu’un qui n’est pas amoureux de la Nouvelle-Calédonie, ou qui n’a pas découvert la NC avant, c’est extrêmement difficile de croire sur parole, il faut voir, expérimenter, et si les conditions sont favorables, la personne viendra".
Service minimum
Encore faudra-t-il que le tissu médical soit cohérent. A la tête du Syndicat des médecins libéraux, le docteur Marie-Laure Gaudillier confie "qu’un médecin qui souhaite venir travailler sur le territoire va effectivement faire comme tout professionnel : regarder ce qui existe comme condition de travail". Selon elle, "ce n’est pas forcément en premier une histoire de rémunération, mais est-ce qu’il y a une chaîne de soins suffisante". Après deux mois d’un silence assourdissant de la part du gouvernement, le Syndicat des médecins libéraux obtient enfin une réunion. Pas suffisant, disent-ils, pour suspendre une grève exceptionnelle d’urgence, tout en assurant un service minimum pour les patients.
Il n’est pas question d’abandonner la population, au contraire, notre démarche consiste à les aider. Et d’être présents pour eux. L’hôpital est prévenu, je pense que les urgences s’organisent par rapport à ça. Il y aura quelques médecins qui vont quand même ouvrir leurs cabinets médicaux. Donc il y aura une présence médicale sur le territoire.
Dr Marie-Laure Gaudillier, présidente du Syndicat des médecins libéraux
Si rien n’est anticipé, dans cinq ans, l’un des piliers de la santé pourrait s’écrouler comme un château de cartes.
Karine Arroyo et Franck Vergès sont allés enquêter. Leur reportage :
Exemple concret encore de la désertification qui secoue le secteur médical en Nouvelle-Calédonie, un branche très importante pour les habitants : la dermatologie. Elle non plus ne déroge pas à la règle. Ceux qui ont pu avoir un rendez-vous en ressortent soulagés. Finis les longs mois d'attente pour eux, à l'exemple de Katia qui déclare dans ce contexte :"ça décourage, et surtout ça fait peur". Au secrétariat du cabinet traitant de la dame, celui du dermatologue Eric Lancrenon, les demandes de rendez-vous se sont accumulées depuis plusieurs mois. Et pour cause, le dermatologue a vu se réduire le nombre de ses collègues dans tout le pays, "un défaut de prise en charge, au final, préjudiciable à la Nouvelle-Calédonie", déclare-t-il.
Le détail du malaise dans le domaine de la dermatologie dans ce reportage de Coralie Cochin :
Pénurie de médecins, dermatologue, illustration - Coralie Cochin
Visionnaire
Pourtant les autorités avaient été averties du manque que connaît la Nouvelle-Calédonie aujourd'hui. Le message avait été passé via la Cafat mais personne n'avait écouté les professionnels de santé. La conséquence est grave. Alors que dans l'Hexagone, le taux de dermatologues est de 6,6 pour 100 000 habitants, la Nouvelle-Calédonie se retrouvera très bientôt dans un cas de figure mathématique bien plus grave : 1,1 dermatologue pour 100 000 habitants.
Ecoutez le docteur Eric Lancrenon :
Pénurie de médecins, dermatologue, Dr Lancrenon - Coralie Cochin
Jeudi et vendredi, la Nouvelle-Calédonie vivra donc au rythme, en plus de la visite ministérielle, de cette nouvelle action d'un tissu médical qui interpelle encore une fois les autorités sur un contexte pour le moins sombre, avec la fermeture des cabinets de médecine générale.
Notons toutefois que le "15" restera opérationnel et par ailleurs, que le Samu assurera la régulation pendant les deux jours que durera le mouvement du SML.
La direction de la clinique Kuindo-Magnin a, de son côté, confirmé que toutes les opérations chirurgicales programmées les 1er et 2 décembre sont reportées et invité les patients concernés à se rapprocher du secrétariat médical de leur médecin pour reprogrammer leur intervention. Les autres services de soins de la clinique Kuendo-Magnin et notamment les urgences et la maternité fonctionneront normalement pour prendre en charge les patients et les parturientes.