Que s'est-il passé derrière les murs de cet appartement mis à disposition par l'Etat, situé dans les quartiers Sud de Nouméa, à l’angle de la rue Blaise-Pascal et la route de l’Anse-Vata ? Nina Vité n'est plus là pour le dire. Cette maman de deux garçons qui allait sur ses 35 ans est décédée le 14 juillet 2022, au lendemain de son évacuation vers le Médipôle entre la vie et la mort. Celle qui travaillait comme juriste au haut-commissariat était notamment blessée à la tête, avec une plaie profonde courant de l'œil à l'oreille.
Au moment de l'expertise médicale
Elle a succombé à "un traumatisme crânien majeur, qui a créé une hémorragie, avec un œdème cérébral important". Un constat "compatible avec une mort violente et un homicide", tandis que les différentes lésions relevées sur son corps indiquent "un contexte de bagarre, compatible avec un objet contondant". Ce sont les conclusions de son autopsie, qu'un expert médical a rapportées à la barre, ce mercredi 19 mars, en début d'après-midi.
Une bouteille en verre
Mais là, rebondissement. L'accusé est debout dans le box. Teint pâle, yeux creusés, cheveux bouclés tombant un peu au-dessus des épaules, en pantalon clair et chemise bleue à manches longues soigneusement boutonnée. Et il se met à détailler le fameux objet contondant : ce serait une bouteille de jus de pomme pétillant. De celles qu'on achète pour simuler le champagne aux anniversaires d'enfant. Jusque-là, l'ingénieur de formation, aujourd'hui âgé de quarante ans, évoquait un pichet ou une carafe. Y compris durant la reconstitution organisée sur les lieux en septembre 2023.
"J'étais honteux"
Questionné, il se décrit en train d'attraper la bouteille en verre posée sur une table en face de lui. Et de frapper à deux reprises la femme dont il partageait la vie, qui se trouvait alors derrière lui. Maître Caty Richard, l'une des avocates de la partie civile, demande l'intérêt qu'il y avait à mentir sur la carafe. Admettre lui paraissait "inconcevable", répond celui qui était à l'époque père au foyer, sans rien d'inscrit au casier judiciaire.
"C'est très dur, pour moi, de dire que j'ai donné un coup, que je me suis retourné aux trois quarts, que c'était une bouteille qui était pour l'anniversaire de mon fils… J'étais honteux." Le médecin légiste reconnaît que "la version donnée aujourd'hui [lui] parait plus compatible".
Des déclarations changeantes
Voilà qui illustre comment les déclarations de l'accusé ont varié, depuis le jour du drame. Quand il a feint de découvrir sa concubine inconsciente en rentrant de l'école, avant d'être confondu par la vidéosurveillance : les caméras l'avaient notamment filmé en train de jeter des affaires tachées de sang dans les conteneurs de tri. Elles ont changé sur son implication, sur l'arme du crime ou encore sur la relation qu'il entretenait avec Nina.
"Polyamour" et véganisme
Étaient-ils séparés de fait tout en partageant un toit et un lit ? Et si oui, était-ce vraiment parce qu'elle lui a proposé un "polyamour" qui ne lui convenait pas ? Ces métropolitains originaires du Lot-et-Garonne voulaient-ils tous les deux venir vivre en Nouvelle-Calédonie, où la jeune maman a demandé sa mutation ? Lui était-il vraiment d'accord pour en repartir le 24 juillet ? Quel était leur rapport au véganisme, ce mode de vie qui exclut la consommation de produits d'origine animale ?
"Je m'engage à dire la vérité"
Aussi surprenante que l'énumération puisse paraître, tous ces sujets sont abordés devant la cour d'assises, donnant à l'affaire une tonalité particulière. "Je m'engage à dire la vérité" ont été parmi les premiers mots prononcés, et répétés, par l'accusé jusqu'alors en détention provisoire. Les suivants ont consisté à exprimer des regrets et un pardon entrecoupé de pleurs, "à la famille de Nina, surtout à son papa et à sa maman".
De nombreuses parties civiles
Une mère présente à l'audience aux côtés de quatre tantes de la victime. D'autres membres de sa famille sont représentés par les parties civiles. Tout comme les deux garçons du couple, actuellement élevés dans l'Hexagone par leur tante paternelle. Celle-ci a été citée par la défense, qu'assurent Maîtres Calmet et Moresco.
Un témoignage fort…
Elle a donc ouvert le banc des témoins en fin de journée. Décrivant "une enfance heureuse et remplie d'amour", une famille modèle, un frère "posé et ouvert d'esprit", "pas du tout violent", une 'belle-sœur' à la fois "douce et affirmée dans ses choix et ses convictions", "l'impression que ça se passait bien pour eux".
…et des accusations
Son intervention, très émue, s'est toutefois conclue par des confidences attribuées aux enfants. "Mes neveux m'ont expliqué des choses sur la manière dont ça se passait à la maison." Il a alors été question de violences attribuées… à la victime, envers l'accusé ainsi que leur fils aîné. Entendu juste après et interrogé sur le sujet, le grand-père paternel a appuyé.
Un clair-obscur qui a dominé les débats. Il reste au moins deux jours, et sans doute plus, pour démêler les fils de ce féminicide : vu le retard déjà pris, le procès pourrait être prolongé au week-end. La peine encourue est la réclusion à perpétuité.