Le "Collectif pays pour le dialogue" restitue les premiers fruits de ses rencontres avec les Calédoniens

Des paroles recueillies par le "Collectif pays pour le dialogue" sont présentées au public le 24 août 2024, à Nouméa.
Pour la première fois depuis les émeutes et l’émergence de cette démarche citoyenne, le "Collectif pays pour le dialogue" a restitué les paroles qu'il a recueillies, à ce stade, auprès de nombreux Calédoniens. Le public s'est montré au rendez-vous, samedi matin, sur le campus universitaire de Nouméa.

Pas de solution clé en main. Mais des paroles recueillies auprès de Calédoniennes et de Calédoniens, rencontre après rencontre. Samedi 24 août, à Nouméa, le "Collectif pays pour le dialogue”, ou CPPLD, a présenté en public le fruit de son écoute patiente. L'amphithéâtre 400 de l'université a fait le plein, pour cette première restitution. Dans l’assistance, à la fois de nombreuses personnalités et des habitants plus anonymes, en attente de réponses et d'idées nouvelles pour renouer les fils du dialogue. 

"Passeurs de parole"

Les porteurs de la démarche ont recours à une image très océanienne pour présenter leur initiative. "Vos paroles sont les brins avec lesquels il nous faudra tresser la nouvelle natte du pays." Précisant qu'il regroupe des personnes "de sensibilités et de convictions différentes", le collectif "se situe résolument dans le sillage des accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa". Il s'efforce, dit-il, d'écouter ce que les habitants ont à dire de la crise actuelle : incompréhension, doléances, griefs, colère, attentes, espoirs…

La société civile prend en main les choses. Je pense que c'est très bien, de sorte que la parole soit restituée et surtout, la franchise est là.

Eddie Wadrawane, participant à la restitution

Encore prématuré ?

Une parole qui ne permet pas encore de poser les bases d'une réflexion collective, estime Frédéric de Greslan, présent samedi. "Beaucoup de ressentiment, beaucoup de positions un peu tranchées. Je pense qu'on est encore dans la phase de traumatisme, considère l'avocat. Les gens en ont gros sur le cœur pour le moment et ils ne peuvent pas encore réfléchir à l'avenir. C'est très difficile de se projeter."

Pour d'autres, ce travail soulève de nouvelles questions à aborder. 

Selon moi, un problème n'a pas été évoqué, c'est le problème de cette violence et de cette insécurité qui me semblent des freins pour reconstituer le dialogue.

Françoise Targuet, participante à la restitution

Une jeune femme ne se reconnaît pas forcément dans ce qu'elle a entendu.

Ce qui me manquait, c'est la vision jeunesse. On n'a pas envie de décider si on est d'un camp ou un autre, dans tel pays ou un autre. On est les deux à la fois, tout à la fois, et cette parole-là n'a pas forcément été exprimée.

Jeanne Dupont, participante à la restitution

Voyez le reportage de Marion Thellier et Franck Vergès :

©nouvellecaledonie

"Quand même une volonté de vivre ensemble"

Invité le soir même dans le journal télévisé, l'anthropologue Patrice Godin a réagi à cette remarque. "En vérité, la majeure partie des slides que nous avons projetées sont en fait des paroles de jeunes", a insisté le membre du collectif en faisant référence au document présenté au public. "C'est-à-dire que la jeunesse est multiple, comme l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie." "Ce qui nous a intéressés, c'est quand même le fait qu'il y avait une volonté de vivre ensemble", assure-t-il après les très nombreux entretiens qui ont été menés, en plusieurs endroits.

La démarche continue

"Ce travail n'en est qu'au début, précise Patrice Godin. L'idée, est de faire émerger les problèmes. Ensuite, à partir des problèmes, organiser des ateliers de réflexion, sans doute à terme une convention de la société civile, pour faire émerger avec l'ensemble des partenaires des propositions qui seront soumises aux politiques. Et on espère qu'ils seront à l'écoute car il y a à l'évidence un décalage entre la classe politique et une bonne partie de la société civile, sinon toute."

Il y a deux temps de reconstruction. Là, il y a une urgence économique à laquelle il va falloir faire face, on sait que des secousses sociales risquent de s'ensuivre. Et puis ensuite, il va y avoir la reconstruction du projet de société. L'idée, c'est de reconstruire autrement et là, on espère pouvoir apporter une contribution.

Patrice Godin membre du collectif pays pour le dialogue

Un nouveau point d'étape est envisagé d'ici deux mois.

L'entretien de Patrice Godin avec Stéphanie Chenais : 

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