Redynamiser le centre-ville de Nouméa et plus particulièrement le front de mer. C’était l’un des objectifs du complexe construit au Quai Ferry. Mais plus d’un an après la fin du chantier, les deux tiers de ce vaste pôle commercial sont toujours vides.
C’est un projet cher à la maire de Nouméa et qui devait attirer clientèle locale et croisiéristes : le Quai Ferry et ses quelques 5 000 m2 de surfaces commerciales, à l’entrée de la capitale. Un pôle d’un montant de près de 2,5 milliards, financés sur fonds publics. Mais dont les locaux restent désespéramment vides, depuis un an.
Officiellement, le complexe aurait dû ouvrir début 2020, mais entre-temps, le Covid est passé par là. Plus de croisiéristes, économie au ralenti : tant attendue, l’animation du front de mer est donc au point mort.
Alors, le projet du Quai Ferry aurait-il été trop gourmand ?
A ce stade, tant que la concertation avec les futurs locataires n’est pas terminée, la mairie ne souhaite pas communiquer. Mais il suscite en tous cas beaucoup de questions, selon Emmanuel Bérart, conseiller municipal Générations Nouméa : « Où en est-on ? Que se passe-t-il ? Madame le maire en conseil municipal nous dit : nous avons actuellement un taux d’occupation des futurs locaux commerciaux à hauteur de 80 %. Pourtant, on ne voit rien venir. Ce qu’on voit par contre, ce sont ces immenses sculptures, qui, selon nos informations, ont coûté extrêmement cher. Que va-t-il se passer ? Pour l’instant, on a assez peu d’informations et au vu des 2,5 milliards engagés, ce qu’on appelle une autorisation de programme, nous sommes inquiets », lance l’élu.
Un seul locataire
Actuellement, le Quai Ferry compte un seul et unique locataire. Une salle de sport qui occupe, depuis mai, le plus petit des trois bâtiments.
Avec près de 400 passages par jour, ses responsables se disent très satisfaits du site. Mais Jérémie Sylvan, cogérant, s’interroge sur la politique de stationnement : « Aujourd’hui, on n’est pas trop inquiets parce que l’on est les seuls ouverts. Si on peut avoir des inquietudes, c’est sur ce qui va se passer quand il va y avoir d’autres commerçants et du coup d’autres véhicules, d’autres personnes qui vont vouloir y avoir accès. A mon avis, ça va être très juste. L’autre question et inquiétude, c’est que l’on a des parkings qui sont payants, donc ce n’est pas certain que tout le monde y trouve son compte pour pouvoir flâner dans les différents commerces du Quais Ferry. »
Attractivité en berne
Après l’abandon du Carré Rolland par ses promoteurs, il y a un mois, c’est l’attractivité même du centre-ville qui est à la peine.
Alors que celui-ci se vide peu à peu de ses habitants et de ses commerces, le Quai aurait dû être pensé différemment selon Frédéric Pratelli, coprésident du Syndicat des commerçants, qui prend exemple sur un autre grand complexe commercial : celui des Terrasses du Port de Marseille.
« On avait rencontré les gens sur place à Marseille, qui nous avaient expliqué qu’il fallait absolument tourner le projet vers la ville parce que les croisiéristes ne représentaient que 10 à 15% du chiffre d’affaires et pourtant c’est la première ville de croisiéristes de France. Le projet tel qu’il a été lancé a été lancé un peu à l’envers. On a lancé la promotion sans avoir trouvé les exploitants et on voit que c’est compliqué car entre temps le contexte a beaucoup changé. Les croisières se sont arrêtées et que en même temps, trouver des exploitants pour des grandes surfaces comme celles-là, c’est compliqué. »
Ça risque de rajouter un problème au problème si le centre commercial rate sa vocation d’attirer des consommateurs de l’extérieur, des gens vraiment du Grand Nouméa et même de la Brousse.
Concurrence pour le reste du centre-ville
Or, le Quai Ferry doit être une locomotive et non un concurrent direct aux commerces existants estime Frédéric Pratelli : « Ça risque de rajouter un problème au problème si le centre commercial rate sa vocation d’attirer des consommateurs de l’extérieur, des gens vraiment du Grand Nouméa et même de la Brousse. Si vraiment, il n’attire que des consommateurs de la ville, on n’aura qu’un transfert de chiffres et ce n’est pas ça qu’on cherche aujourd’hui. Et ça va évidemment affaiblir ceux qui sont en place. »
Quelques enseignes phares, comme une célèbre marque de surgelés, pourraient rejoindre le Quai Ferry.
Mais avant même d’accueillir de futurs locataires, le pôle devra réaliser quelques travaux au rez-de-chaussée, où presque toutes les vitres ont été brisées début décembre, lors d'affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants pour l’usine du Sud.