“Non, c’est non”, scandent des militants non-indépendantistes à l’approche de Manuel Valls. Le ministre des Outre-mer, arrivé en Calédonie deux heures plus tôt, ce samedi 22 février, avait rendez-vous au Mont-Coffyn pour les honneurs militaires. Il savait qu’il trouverait des drapeaux bleu, blanc, rouge, beaucoup : les Loyalistes et le Rassemblement LR avaient appelé leur base à venir.
Ses propos sur l'Accord de Nouméa dans le journal Le Monde ont provoqué une levée de boucliers dont il ne parvient pas à se défaire. Aux manifestants, qu’il est allé voir à l’issue de la cérémonie, il répète : “J’ai lu la Constitution. La démocratie, il faut évidemment la respecter. Je respecte aussi la Constitution. Et dans la Constitution, il y a l’Accord de Nouméa, que vous le vouliez ou non, que je le veuille ou non, c’est ainsi.” Accord qui se termine après les trois référendums, réplique un partisan de la Calédonie française. "Trois référendums. Lisez après : on regarde quelle est la situation et on discute”, reprend le ministre.
“Je sais qu’il y a beaucoup de souffrances et de peurs”
“L’Accord disait aussi dix ans de résidence glissants” pour intégrer le corps électoral spécial, rebondit Raphaël Romano, président de l’association Un cœur, une voix. “Il y a des gens qui sont en Nouvelle-Calédonie depuis trente ans, qui construisent la Nouvelle-Calédonie, qui travaillent pour la Nouvelle-Calédonie. Il faut absolument ouvrir le corps électoral, monsieur le ministre", poursuit-il. “Mais pour ça, il faut apaiser, soutenir l’économie, retrouver le dialogue”, estime Manuel Valls. “On a voulu passer en force un projet et vous savez très bien ce qu’il s’est passé”, répond-il à un autre militant sur la même question. “C’est une des choses que je suis venu traiter.”
Il n’y aura pas d’avenir pour la Nouvelle-Calédonie et pour vous si on ne retrouve pas à la fois l’économie et un minimum de paix, vous le savez parfaitement.
Manuel Valls, ministre des Outre-mer
Mais sa priorité sera l’économie. Un moyen de dépasser les antagonismes ? Il l’espère. “Je viens surtout annoncer, et ça montre l’attachement de la France et de l’État, un plan pour l’économie. C’est ça le plus important. Vous le méritez, on a détruit une grande partie de l’économie et donc l’État doit être là”, explique-t-il, reconnaissant implicitement une responsabilité de l’État.
La foule bleu, blanc, rouge, elle, le somme de désigner d’autres responsables, ceux des violences, et de les condamner. “J’ai condamné la violence (...). Et jamais la violence ne doit nous empêcher d’avancer. Je sais d’où elle vient mais il y a des erreurs qui ont été faites aussi”, lâche-t-il. Avant de préciser : “Tous les politiques doivent prendre leur responsabilité, ici comme à Paris.”
“Je ne céderai jamais à la violence ni à l’intimidation”
Manière de mettre en garde après les propos véhéments tenus lors d'un meeting Loyalistes-Rassemblement, mercredi, à l'Anse-Vata. “S’il faut qu’on casse pour être entendu, on peut casser aussi”, lance un homme, "en pétard” après la lecture de Manuel Valls de la Constitution. “Il n’a pas à dire des choses comme ça, on a voté trois fois, on est Français.”
On peut vivre en paix, il y a de la place pour tout le monde.
Une militante non-indépendatiste
“On n’a pas envie de savoir ce qu’il pense, on a envie que ce soit un homme d’État français qui vienne et qui respecte un peu nos droits”, lance un autre manifestant.
“Le discours du ministre est complètement délirant. Il faut que ça bouge, il faut qu’on se fasse entendre, il faut qu’il nous écoute. On sait qu’il ne pourra pas faire grand-chose, qu’il ne fera rien, il faut dire les choses. On montre qu’on est là mais on n’attend rien de concret", commente Hugo, un chef d’entreprise.
Quelques propos recueillis par Alix Madec et Lindsay Wamo
“Il faut qu’il rappelle des fondamentaux : la démocratie, c’est la démocratie, il y a eu trois votes, c’est clair”, appuie le député Nicolas Metzdorf. “On peut discuter d’un nouveau statut mais il doit être au sein de la République parce que c’est ce que les Calédoniens ont décidé. Je regrette qu’il ait autant parlé avant les négociations, c’est pas la meilleure stratégie, la preuve, les gens sont inquiets et ils manifestent leur inquiétude”, poursuit-il. "On aimerait qu’il n’y ait pas de déclaration publique avant la fin du round des négociations, sinon, on compromet les chances de réussite.” Elles semblent bien faibles, en cette première journée de visite.