“N’oublie pas, tu es un député de la République !”, lance Manuel Valls à Nicolas Metzdorf et celui-ci rétorque : “Il faut nous respecter aussi !”
La séquence devait être dédiée au souvenir de Nicolas Molinari et à l’engagement des forces de l’ordre. Ce samedi midi, le ministre des Outre-mer se rendait à la brigade de Plum, au Mont-Dore, pour se recueillir sur la stèle dédiée au jeune gendarme tué à La Coulée au plus fort de la crise insurrectionnelle (récit à lire ici). Mais une scène bien particulière risque de davantage marquer les esprits. Car peu après la cérémonie solennelle, un vif échange a opposé le membre du gouvernement Bayrou à deux personnalités loyalistes : Nicolas Metzdorf, ainsi que Sonia Backès.
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Rassemblement
À la suite de l’hommage, le locataire de la rue Oudinot est d’abord interpellé par l’Association citoyen mondorien, qui a appelé à se rassembler devant la brigade. Environ 150 habitants, dont beaucoup brandissent des drapeaux tricolores, ont répondu à ce qui était annoncé comme “un moment de recueillement et d’hommage en mémoire du gendarme Nicolas Molinari, tombé sur le pont de La Coulée en défendant les Mondoriens."
"Victimes de Saint-Louis"
“Ça représente les victimes de Saint-Louis depuis quarante ans, il y en a des centaines et des centaines", lance le président d’ACM à Manuel Valls, alors que la partie Sud de la Grande terre vient de subir huit mois et demi sans circulation normale sur sa route principale.
Puis Florent Perrin, en évoquant le gendarme Molinari, se fend d’une violente attaque envers Roch Wamytan, chef coutumier de la tribu, ancien président du Congrès et personnalité de l’Union calédonienne. “On n'est pas contents parce qu'il est autour de la table”, celle des négociations sur l’avenir institutionnel. Et de glisser : “Le seul moyen de régler le problème, c'est le pont”, c'est-à-dire le projet d'une voie de contournement.
La goutte de trop
Alors que Manuel Valls tente de rassurer ses interlocuteurs et de les assurer de sa compréhension, les slogans fusent : “On a l'impression que la France nous a oubliés” ; ”Le Mont-Dore Sud, il est mort” ; “Pas d’indépendance”. Et puis, avec l’accent espagnol, “on compte sur vous, Manouel”. À cet instant, la patience du ministre s’est érodée. Il s’agace en agitant le doigt : “Il y a une seule chose que je demande, et que je demanderai aussi au député (…), c'est toujours le respect, vis-à-vis des citoyens et aussi de ceux qui représentent le gouvernement.”
J’ai simplement rappelé au ministre qu’il nous insultait nous, les non Kanak, quand il disait qu’il y avait un peuple premier et des autres (…) A partir du moment où on hiérarchise les populations dans une île, ça ne peut pas fonctionner.
Nicolas Metzdorf, député calédonien, le 22 février 2025 à Plum
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"Peuple premier", l'expression qui fâche ?
S’engage alors une longue passe d’armes, publique, entre le ministre, le député de la première circonscription et la présidente de l'assemblée provinciale Sud. “Quand tu dis qu'il y a un peuple premier chez les Kanak, tu ne nous respectes pas !”, estime le parlementaire. “C'est un révisionnisme de ta part, je vais t'offrir une visite au musée des Arts premiers”, répond le visiteur.
Ou encore : “Toi, personnellement, tu fais une erreur en jouant avec ces concepts-là (…) Je ne suis pas à votre place, c'est vous qui vivez ici. Mais attention, quand tu parles de cette manière, peuple premier, c'est dans la Constitution.” "C'est une erreur ! Parce que s'il y a un peuple premier, ça veut dire qu'il y a des seconds, il y en a qui sont plus importants que d'autres”, enchaîne Nicolas Metzdorf, qui répète ses propos tenus mercredi soir à Nouméa, lors du grand rassemblement non indépendantiste de l’Anse-Vata.
“Tu as des déclarations insultantes”
Ceux de Manuel Valls sur “la trajectoire de souveraineté”, relayés par le quotidien Le Monde, sont soulevés par Sonia Backès. “Tu as des déclarations qui sont insultantes”, attaque Nicolas Metzdorf, en demandant au ministre de prendre en compte le point de vue que défendent les deux personnalités des Loyalistes. Durant la scène, des manifestants entonnent la Marseillaise. Scandent : “un pont pour le Mont-Dore”. Applaudissent. Les trois interlocuteurs finissent par tomber d’accord… sur le fait d’être en désaccord.
Une altercation en version longue ici
Voyez aussi le reportage de Gaël Detcheverry et Antoine Le Tenneur