Nouméenne tuée d'un coup de couteau en novembre 2018 : le mari a été condamné à vingt ans de réclusion

Au second jour d'audience aux assises, à Nouméa, le 8 novembre 2022.
Second jour de procès aux assises, ce mardi, pour le Nouméen de 63 ans accusé d’avoir tué sa femme d’un coup de couteau le 12 novembre 2018, à la Vallée-des-Colons. Après une audience pleine d'émotion, il a été reconnu coupable, et condamné à vingt ans de réclusion criminelle. L’avocat général avait requis cinq années de plus.

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Arrivé libre à son procès, c'est menotté, qu'il a quitté ce mardi midi le tribunal, en direction du Camp-Est. L'homme de 63 ans accusé d'avoir tué sa femme d'un coup de couteau au cœur, le 12 novembre 2018, à leur domicile de Nouméa, a été reconnu coupable. Jugé depuis lundi aux assises de la Nouvelle-Calédonie, il est condamné à vingt ans de réclusion criminelle, et a dix jours pour interjeter appel. Ce qu'il n'envisage pas de faire à l'heure actuelle. Dans ses réquisitions, l’avocat général auprès de la cour d’appel demandait une peine de 25 années. 

"Toute sa vie, il a travaillé dur"

Ce second jour de procès a aussi été marqué par une suspension d’audience, afin de prendre en compte l’état de l’accusé. Durant la plaidoirie de la défense, celui-ci a perdu pied. Me Olivier Mazzoli venait de décrire son client comme "un homme taiseux mais pas un tueur. Alors qui est-il ? Qui est cet homme que vous aller juger ?" Et de le présenter, en quelque sorte, au jury entièrement masculin : "Il a 63 ans, aîné de sept enfants, né en Nouvelle-Calédonie, il est reparti au Vietnam en 1963. Toute sa vie, il a travaillé dur : paysan, maraîcher, homme à tout faire, bon père, bon grand-père, attaché à ses valeurs."

Me Olivier Mazzoli, avocat de la défense.

"Submergé par ses émotions"

Comment en est-il arrivé à se saisir d’un couteau et à poignarder sa femme ? Devant l’accusé en pleurs, Me Mazzoli est revenu sur les expertises. "Il est formaté Nord-Vietnamien, il est obsessionnel, ordonné (…) Ça doit marcher comme il veut. En amour, il a fait des compromis qui lui ont coûté cher (…) Il a agi sous le coup de la colère, de la jalousie et de sentiments non contrôlés." Ou, pour le dire autrement, "il a été submergé par ses émotions." Le sexagénaire, en pleurs, demande à son fils de l’aider, il peine à respirer. C’est alors que l’audience est levée. Elle reprendra en milieu de matinée. L’avocat s’attardant sur les risques de tentatives de suicide. Lors de son incarcération en 2018, l’accusé a essayé de se pendre. C’est son codétenu au Camp-Est, un certain Olivier Pérès, qui lui est venu en aide. 

"A votre place, j’aurais honte"

Plus tôt dans la journée, la partie civile livrait déjà une plaidoirie toute en émotions. Me Laure Chatain est revenue sur les faits de ce 12 novembre 2018, et sur le caractère de la défunte. L’avocate a évoqué une femme d’origine vietnamienne très travailleuse, qui aimait son mari au départ, mais souhaitait aussi le meilleur pour sa fille. Pas une vie soumise, écrasée par son mari. La partie civile s’est dite choquée par l’attitude qu’a eue la famille de l’accusée à l’égard de cette belle-fille, rejetée et accusée d’avoir été responsable de la mort de sa mère. La jeune femme, aujourd’hui âgée de vingt ans, est arrivée en Nouvelle-Calédonie en 2017. Elle était la cause des disputes entre sa mère et son beau-père, qui ne souhaitait pas l’accueillir sur le territoire. "A votre place, j’aurais honte", a conclu Me Châtain en s’adressant à l’accusé et à sa famille.

Au premier jour du procès, Me Laure Chatain, avocate de la partie civile, avec la fille de la victime.

"Il y avait un mobile"

Pour Christian Pasta, l’avocat général, "l’accusé ne présente aucune empathie envers la victime". Et de citer ses déclarations dans l’ordonnance de mise en accusation : "Si ma femme divorçait, c’était la mort".  Il s’est remarié mais ne voulait pas de ses beaux-enfants en Calédonie. Pour Christian Pasta, il y avait donc un mobile pour le crime. Quant au coup de couteau donné dans la poitrine de la victime, il représente l’intention criminelle, a-t-il considéré. L’avocat général a mentionné le caractère possessif de l’accusé: « La victime ne pouvait pas aller au karaoké, ça ne se faisait pas (…) Sa femme devait travailler, s’occuper de son mari et de son foyer."

Une affaire qui ne doit pas faire oublier la fille de la victime, a-t-il dit, à qui "on a tué sa mère et son avenir". Christian Pasta signalera aussi qu’en trois ans, l’accusé n’a fait que neuf mois de détention. En cause, une hospitalisation puis une absence de nouvelle expertise pour le réincarcérer. 

Demande de pardon

Avant que le jury ne se retire pour délibérer, l'homme s'est exprimé en vietnamien une dernière fois. "Je considère la fille de la victime comme ma propre fille. Je voulais juste rappeler à sa mère comment éduquer sa fille", a-t-il dit aux jurés. "Je n’ai pas voulu la tuer, je n’ai jamais levé la main sur ma femme. Je demande pardon à toute l’assemblée et à la petite." Une jeune femme qui a accueilli le verdict avec soulagement. 

Le compte-rendu de Natacha Lassauce-Cognard et Laura Schintu : 

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