PORTRAIT. Emeutes et humour. La dessinatrice de presse IceTi à propos du 13 mai : "Cette fois, je ne raconte pas une histoire, je suis dans l'histoire"

IceTi, dessinatrice de presse s'inspire de l'actualité.
Ils sont caricaturiste, youtubeur ou simple internaute. Depuis le déclenchement des émeutes en Nouvelle-Calédonie, ils racontent la crise à leur manière, entre parodie et humour noir. Comme tous les Calédoniens, la dessinatrice de presse IceTi est restée sidérée face à son pays en cendres. Avant de reprendre le crayon pour appeler à des valeurs de solidarité (4/5).

Un peu sur la réserve mais pas timide, Chistine alias IceTi aime parler de ses dessins. "Ce qui est intéressant, c'est mon travail, pas forcément ce que je vais raconter de ma vie", prévient-elle en préambule à l'interview. 

Son travail au quotidien se passe dans les bureaux d'une institution, à Nouméa. Mais dès qu'elle a du temps libre, elle dessine sur sa tablette. Stylet à la main, l'inspiration lui vient "comme ça" lors d'une situation vécue ou par rapport à une actualité qu'elle a lue. " Je scrolle beaucoup sur les réseaux", avoue-t-elle. Comme le jour où elle s'est gentiment moquée de la file d'attente devant les cavistes. 

Chaque fin de mois, elle livre 5 à 6 dessins au mensuel calédonien Le chien bleu. Ses esquisses suivent l'actualité depuis 30 ans. Auparavant, elle dessinait pour le magazine Nouvel Hebdo. " À l'époque je ne connaissais rien à la politique, j'étais culottée", se souvient-t-elle dans un sourire.

Le 13 mai

Puis le 13 mai arrive. Sidération. "Je pense que, comme pas mal de gens, on avait une petite idée qu'il allait se passer quelque chose. Mais pas à ce degré-là. C'est sûr, même un scénariste n'y aurait pas pensé". Ce jour-là, IceTi reste cloîtrée chez elle, à Nouméa, et regarde brûler sa ville. "Impossible de faire un dessin", admet-elle.

" Je fais comme tout le monde, je scrolle, je suis les réseaux. On a peur, on se sent en danger." Mais le lendemain, elle publie des drapeaux blancs, puis le dessin d'une petite fille. " D'habitude, je dessine, je raconte une histoire. Mais cette fois je suis dans l'histoire, c'est nouveau pour moi. Je n'ai pas de recul. A part les drapeaux de la paix, je ne me suis dit que je ne ferais pas mieux que cette petite fille."

C'est compliqué car à ce moment-là, sur les réseaux, on voit que les gens se radicalisent

IceTi

Pour sortir de chez elle, elle prépare des repas solidaires avec le chef calédonien Gabriel Levionnois. Puis l'inspiration revient avec des dessins autour de la solidarité. "C'est compliqué, car à ce moment-là, sur les réseaux, on voit que les gens se radicalisent. Il y a une espèce d'armée déchaînée, là sur Internet, et quoi que fassent les gens, quoi qu'ils disent, même s'ils font de la solidarité, c'est critiqué."

Parfois, Christine se pose la question de la publication ou non de son dessin. Elle les envoie à ses amis pour avis. Mais la plupart du temps elle ne s'autocensure pas.

Moins de politique, plus de social

Son nom d'artiste, elle l'a trouvé "en deux minutes", en rapport avec le magazine Fluide Glacial. " Voilà je n’ai pas vraiment d'explication", dit-elle. Son inspiration ? Elle vient des bandes dessinées. Christine en lit depuis son adolescence. Aujourd'hui, elle visionne beaucoup les dessinateurs de presse de Cartooning for peace.

IceTi n'a pas fait d'école de dessin mais a "toujours eu un papier et un crayon au coin d'une table". D'ailleurs, elle ne se sépare jamais de sa tablette. "J'ai fait plusieurs dessins sur le dégel du corps électoral, j'ai envie de faire plus de social", confie-t-elle. 

Jamais à court d'idées, elle s'exerce sur TikTok à l'animation et réfléchit aussi à une bande dessinée qui raconte son enfance en Calédonie. "On vivait vraiment ensemble à ce moment-là...", se souvient-elle. C'est sûr, IceTi n'est pas prête de s'arrêter de dessiner.

Dernier épisode dimanche avec les Welnou Calédoniennes.