"Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ?" Cette phrase, Matthieu n’a jamais trop su y répondre. En classe de troisième, un stage d’observation lui fait découvrir le métier de plombier, un métier "concret", comme il le décrit. "Je ne me voyais pas aller au lycée, je savais que je voulais faire de l’apprentissage, de l’alternance" explique-t-il. Alors, sans trop savoir dans quoi il s’embarque, il s’inscrit au CFA de Nouville à 15 ans et obtient son CAP plomberie deux ans plus tard, avant d’enchaîner les boulots. Rien à ce moment-là ne le destinait à changer complètement d'univers pour devenir masseur professionnel.
Un moment de flottement
À seulement 20 ans, le jeune homme avait déjà quelques années de vie active derrière lui mais avec finalement peu de perspectives d’avenir. "Mon cousin en vacances ici m’a motivé à postuler au Club Med en Métropole. J’ai envoyé un CV vidéo et j’ai été pris pour être animateur pour les jeunes au Maroc", se souvient Matthieu. Il pose ses outils, plie bagage et décolle pour une aventure inconnue, mais qui va finalement lui ouvrir les yeux sur la possibilité d’être heureux au travail. "J’aimais ce que je faisais, je me rendais compte ce que c’était de se lever le matin et d’être content d’aller au travail" explique-t-il.
Après un an et demi d’expérience, il revient en Nouvelle-Calédonie et reprend à contrecœur la plomberie, à la fois en tant que salarié mais aussi en tant que patenté. "Je travaillais tout seul. La plomberie, c’est résoudre des casses têtes en permanence, c’est une grosse charge physique et émotionnelle."
À la recherche du bien-être
Fatigué et pas du tout épanoui dans son métier, Matthieu décide de prendre les choses en main. En particulier pour son petit garçon né en 2019, "pour ne pas que mon fils voit son père malheureux" précise-t-il. "Je savais au fond de moi que je voulais travailler dans le bien-être, j’ai toujours aimé ça."
Le déclic lui vient un matin alors qu’il écoute une émission radio sur le bien-être au travail. En entendant parler les intervenants, c’est là que tout a commencé. Matthieu s’est mis en recherche de formations et a trouvé un institut basé à Païta, qui dispense une formation pour être masseur spécialisé dans le massage Kunye tibétain. Une thérapie issue d’une médecine traditionnelle, qui s’appuie sur des techniques bien précises et une adaptation en fonction de la peau. "C’est le côté technique qui m’a plu" dit-il.
Briser les tabous
Pendant près d’un an et demi, soutenu par sa compagne et par ses proches, Matthieu s'initie au long cours auprès de Pema, une masseuse également formatrice qui a tout appris de maîtres bouddhistes. "J’ai fait un crédit à l’Adie pour financer cette formation", reconnaît le jeune homme qui, malgré tout, a dû continuer, comme c'est encore le cas aujourd'hui, à être plombier pour "faire rentrer de l’argent."
Après avoir eu l’aval des maîtres de sa formatrice Pema, au Tibet, Matthieu obtient sa certification, une étape cruciale pour lui, convaincu d’avoir fait le bon choix. Très vite, il se retrouve confronté à la difficile crise insurectionnelle et économique qui débute en mai 2024 ; une crise qui freine le démarrage de son activité. Mais ce à qui touché Matthieu, ce sont les critiques et les préjugés.
Au début, je débutais. Je n’avais peut-être pas assez d’assurance et puis souvent, on me disait que j’étais un homme et que ça refroidissait les gens.
Matthieu Larrouy, masseur
Mais il ne s’est pas découragé et a tenu à participer à tous les salons et foires pour faire connaître son activité, proposer des essais aux femmes comme aux hommes et prouver sa démarche bienveillante à ses futurs client(e)s. "Je suis beaucoup moins stressé, je suis plus posé qu’avant et j’ai retrouvé le sourire que je n’avais plus pendant des années."
Matthieu partage le cabinet avec une consœur et tente, par l'utilisation des réseaux sociaux, de faire connaître son activité. Si l'activité ne lui permet pas encore d'en vivre pleinement, c'est l'objectif pour 2025. "Le bonheur au travail n'est pas qu'une question d'argent ou de conditions. Je pense que c'est de savoir pourquoi on fait ce métier. À partir de là, ce n'est plus un travail, c'est un chemin de vie."